CHAPITRE 2 : 1871 - 1881
Le virus de la politique chez Henri
Brisson
Les années de formation politique
: 1871 - 1881
Henri Brisson et les élections
à Bourges et dans le Cher
Henri Brisson jeune franc maçon
Comment était Henri Brisson dans
ces années 1871 à 1881
Henri Brisson a 35 ans, il est dans la
force de l'âge, il a beaucoup appris dans son métier
de journaliste et dans celui d'avocat, et il reste fidèle
à ses grands principes républicains dont il ne
s'écartera jamais.
Après une période de flottement, avec la guerre,
la Commune, la seconde République, il entre dans la vie
politique active.
Pendant plus de 40 ans, il sera aux tous premiers rangs de la
politique française, à tous les postes en se "
frottant " de manière continue, trop peut être
au suffrage de ses concitoyens.
Henri Brisson est a cette époque, un Républicain
radical, c'est à dire fougueux, qui se bat pour ses idées,
pour l'école laïque, et de manière permanente
contre le poids de la religion dans le pays.
C'est dans ces années que se forge en France la République
que nous connaissons aujourd'hui, alors que les monarchistes
sont à deux pas du pouvoir à plusieurs occasions.
Sa vie va osciller entre Paris et la Seine comme l'on disait
et son département natal, le Cher où il revient
de manière constante, voulant concilier ce qui ne sera
jamais simple l'action au Palais Bourbon et la résolution
de problèmes locaux, rue Moyenne à Bourges ou sur
la place principale de Vierzon !
Le virus de la politique
chez Henri Brisson
Henri Brisson vit à Paris et par
ses relations dans le journalisme engagé, il est inévitablement
attiré par la politique.
Il a moins de 35 ans lorsqu'il se présente à des
élections en 1869, et il est battu. Il eut le plus grand
succès dans les réunions politiques... mais pas
chez les électeurs. Nous sommes toujours sur le Second
Empire, un second Empire déclinant qui sera bénéfique
pour Bourges, mais Henri Brisson ne semble pas trop se préoccuper
de sa ville natale.
M. Henri Brisson, en 1869, appartenait
à l'Avenir national, un organe radical que dirigeait M.
Peyrat. Il s'était déclaré républicain,
et passait même, dans certains milieux, pour appartenir
à une fraction assez avancée du parti démocratique;
sa candidature à la députation fut posée
en concurrence avec celle de Glais-Bizoin, considéré
comme plus modéré, dans la circonscription électorale
qui était formée des IXe et Xe arrondissements
de Paris, il obtint 6,148 voix au premier tour, puis se retira
au scrutin de ballottage.
En 1869, Il n'était pas éloigné de recommander
à ses amis politiques, en vue de la lutte contre le régime
impérial, une étroite alliance avec les conservateurs
orléanistes
Et puis vint l'année 1870. Après
la défaite de Sedan, dans le court conflit qui opposait
la France de Napoléon III à la Prusse de Bismark,
ce fut la Révolution du 4 Septembre 1870, il fut l'un
des adjoints au maire de Paris; signataire, le 31 octobre au
soir, avec MM. Etienne Arago, Dorian, Schoelcher, Floquet, Hérisson,
d'une affiche qui convoquait les électeurs pour la nomination
d'un conseil municipal, il donna sa démission quand cette
mesure eut été désavouée par le gouvernement
de la Défense nationale.
Toutefois, après ce revers, Henri
Brisson ne va pas quitter la politique il est élu en février
1871 député de Paris et siège à l'Union
Républicaine, dont il devient bientôt président.
Il s'agit d'un parti politique que l'on situerait aujourd'hui
à l'extrême gauche.
Puis ce sont les deux dramatiques mois
de la Commune de Paris, avec la semaine sanglante de 21 au 28
mai 1871. Comme d'autres, comme George Sand, Henri Brisson n'a
pas été parmi les insurgés, et nul ne sait
ce qu'il a fait dans ces moments forts.
A-t-il été avec d'autres francs-maçons sur
les remparts de Paris avec les bannières maçonniques
pour réclamer l'arrêt des combats ? Nul ne le sait.
Par contre, après la défaite
des insurgés, alors qu'il n'avait pas approuvé
la Commune, il forme un groupe de 4 francs-maçons radicaux,
c'est à dire Balduc, Brisson, Greppo et Massot, et ils
mènent le premier combat pour l'amnistie, " pour
tous les crimes et délits politiques " alors que
les communards qui avaient réchappés au massacre
comme Louise Michel étaient envoyés aux travaux
forcés.
Ainsi avec cette première élection
de 1871, Henri Brisson commence une carrière politique
assez dense, puisqu'il sera député pendant 40 ans,
président de la Chambre des députés pendant
13 ans et même Président du Conseil, c'est à
dire Premier ministre dans un régime parlementaire pur,
à deux reprises, mais durant des périodes assez
courtes, une caractéristique de la III ième République.
Les années de formation
politique : 1871 - 1881
Avant de tout connaître de la vie
politique d'Henri Brisson, il est nécessaire de refaire
un peu d'Histoire avec un grand H et de revenir sur les faits
essentiels de cette période féconde.
La France sort du second Empire, et les
Révolutionnaires ont perdu la partie après la Commune
de Paris, qui s'est terminée pour eux par un bain de sang.
La République a été théoriquement
proclamée, mais elle n'est pas assise, et les monarchistes
sont encore très présents. La " droite "
comme nous dirions aujourd'hui est très réelle,
on les appelle les conservateurs.
C'est la France de Thiers, puis de Mac Mahon, la Troisième
République est bien fragile.
Henri Brisson fut candidat d'extrême-gauche,
et il fut élu Représentant de la Seine à
l'Assemblée Nationale représentant de la Seine
le 8 février 1871. Le 19e sur 43, par 115 594 voix (328
970 votants, 547 858 inscrits), il siégea à l'Union
républicaine et le mandat se termina en 1876.
Le 13 septembre 1871, il fut le premier à proposer une
amnistie pour les condamnés de la Commune, mais sa proposition
fut rejetée, n'obtenant pas une majorité lors du
vote.
Aux élections générales
du 20 février 1876, il devint député du
Xe arrondissement de Paris, avec 15 630 voix sur 21 988 votants
et 29 139 inscrits, contre MM. Dubail, républicain conservateur,
4452 voix, et de Humbourg, légitimiste, 1327 voix. Il
reprit son rang dans la majorité, et fut parmi les 363
députés qui refusèrent un vote de confiance
au gouvernement dit du " Seize-mai ". En même
temps, il collaborait activement au journal " Le Siècle
", dont il fut un des directeurs politiques.
L'année suivante, Henri Brisson
fut réélu député, le 14 octobre 1877,
par 18 719 voix (22 404 votants, 27 972 inscrits), contre 3101
à M. de Humbourg, M. Henri Brisson devint bientôt
une des personnalités les plus marquantes du parti opportuniste,
bien qu'il prit, dans certaines circonstances, et sur certaines
questions, une attitude et des opinions " radicales "
et "puritaines " qui lui valurent un renom d' "
austérité ".
Un homme " tiré à quatre
épingles ". Il parle bien, il a une voie calme et
audible dans une période où il n'y a pas d'amplificateurs,
le micro arrivera beaucoup plus tard.
M. Brisson avait été nommé
vice-président de la Chambre, puis, le mois d'après,
il avait été choisi comme président de la
commission du budget. Il le fut encore l'année suivante,
et prononça, comme tel, le 4 mars 1880, un discours s'adressant
ainsi à ses collègues de la commission:
" ... Votre tâche, messieurs,
est d'allier ce que réclame l'esprit de réforme
à ce que permettent le bon ordre de nos finances et le
maintien de notre crédit. On reproche quelquefois à
la République de ne pas faire grand, vous ne vous laisserez
pas trop émouvoir par ce reproche; ceux qui parlaient
de faire grand ont laissé la France plus petite, etc.
"
Henri Brisson et les élections
à Bourges et dans le Cher
Henri Brisson, comme souvent les hommes
politiques de province cherchent un ancrage local au-delà
de leurs mandats nationaux. Et c'est ainsi qu'il revient dans
le Cher puis dans sa ville natale : Bourges.
Henri Brisson est tout d'abord élu
conseiller général dans le canton de Vierzon en
1877, c'était le 4 novembre. Il remplaçait ainsi
au Conseil général M Frédéric Monnier,
maire de Foëcy et maître des requêtes au Conseil
d'Etat.
La campagne fut rude, il n'est pas le bienvenu, on peut lire
qu'il est député de Paris et en Berry, " on
" aime pas trop. On lui reproche, lui le natif de Bourges,
de solliciter les électeurs du canton de Vierzon après
avoir été jadis refusé par les électeurs
de La Guerche et de Sancoins.
Et le courrier du Berry d'obédience
catholique s'en donne à cur joie, écrivant
" Oui Henri Brisson a été battu dans deux
cantons et vaincu, mais non découragé. Et il transporte
sa candidature exotique à une autre extrémité
du département ". Et les deux cantons en cause étaient
républicains, il y avait donc une forte opposition à
l'arrivée de Brisson. Le journal poursuit que M. Brisson
n'a cure des intérêts d'un canton, il habite loin
d'eux et ne leur rendra pas le moindre service. il est traité
de " politicien acharné "
A Vierzon, en 1877, la ville est déjà quelque peu
" rouge " et Henri Brisson est alors très "
rouge " il l'emporte largement par 2303 voix sur 4600 votants
et ses adversaires, Burdel, Barthe et Janoyeg font respectivement
1244, 936 et 69, et sous le chiffre des résultats le journal
écrit " cette élection paraît devoir
être sérieusement contestée ".
Il n'en sera rien et Henri Brisson se retrouve au Conseil général
du Cher, avec son cousin Eugène qui a été
élu à Charost. On notera aussi la présence
du prince d'Arenberg élu à St Martin, alors qu'à
Bourges c'est M. Devoucoux qui l'a emporté.
Eugène Brisson, le cousin et beau-frère sera élu
face à M Vermeil qui réside à Saint Florent
et c'est important car Eugène Brisson, lui, habite Bourges
et il passe lui aussi pour un " politicien ".
Aux élections suivantes des 1 er
et 8 août 1880 au Conseil général du Cher,
et les deux cousins Henri et Eugène sont réélus.
Henri Brisson est même nommé
Président du Conseil général du Cher le
16 août 1880, et il le restera durant 3 ans jusqu'en août
1883 où il est battu aux élections (second tour)
par un fabricant de porcelaine, M. Darmet de Vierzon Villages.
Depuis 1877, Henri Brisson aspirait à devenir Président
du Conseil général, et cette fois il est élu
par 16 voix sur 27 votants, et il y a 7 bulletins blancs et 4
voix perdues, je ne sais pas ce que cela signifie.
Et dans son discours, on peut noter ses
deux préoccupations que sont la vicinalité et l'instruction
primaire.
Il assure aussi que ces élections ont voulu consolider
le régime républicain et que la démocratie
rurale n'a jamais aussi énergiquement signifié
ses préférences.
La polémique au Conseil général, avec l'opposition
conservatrice, représentée par d'Arenberg et de
Vogüe fait rage, et lors d'un comice agricole, Henri Brisson
cette fois assure " qu'avant la république on ne
cultivait pas, que les prés et les prairies étaient
inconnues. pour l'Instruction publique c'était la même
chose ". c'est ce que rapporte le Journal du Cher, organe
bonapartiste et très anti-républicain.
Ce qui est intéressant, c'est aussi
la présence d'Eugène Brisson qui est lui aussi
élu, et un journal de l'opposition écrit :
" On remarquera le ton particulièrement
agressif, cassant, hautain de M Eugène Brisson dans le
débat. Il est aussi tranchant au Conseil général
qu'à la mairie de Bourges ".
Henri Brisson jeune franc
maçon
Henri Brisson est souvent présenté
comme l'il et le bras de la franc maçonnerie dans
le radicalisme d'avant 1914.
Pourtant, Brisson n'a été
réellement actif dans la maçonnerie qu'au début
de sa carrière. Il l'a reconnu dans un discours de distribution
des prix aux élèves des cours commerciaux du Grand
Orient de France, en janvier 1898.
Il est entré en maçonnerie
en 1856 car c'était " le seul endroit en France où
l'on pu encore parler, parler bas, mais parler encore avec une
certaine liberté". A la fin de sa vie, il évoque
avec un certain détachement son " ancienne vie maçonnique
" déclarant " Si j'ai fréquenté
beaucoup les temples de 1856 à 1870, la vie m'a jeté
ailleurs",
En France, il y a environ 10 000 Francs-maçons dans les
années 1862.
Il entra donc dès 1856 dans les
Loges maçonniques, et il en devint un des membres les
plus actifs et influent. fréquentant avec assiduité
les Temples maçonniques. Le jeune avocat et journaliste
républicain a été, dans les années
1860, le Vénérable de la loge L'Ecossaise 133,
fréquentée par d'autres futures gloires radicales
comme Floquet ou Mesureur, ce dernier deviendra le premier Président
du Parti radical, cette Loge accueillera aussi de futurs communards.
Cet atelier, " L'Ecossaise 113 "
milite pour la démocratisation du Rite dit Ecossais et
pour l'abandon de la référence au Grand Architecte
de l'Univers. Il jouera un rôle moteur dans la scission
écossaise de 1880. Mais, quand se crée la Grande
Loge Symbolique, ou Mesureur sera très actif, Brisson
a déjà cessé de fréquenter assidûment
les loges. Son prestige dans le milieu maçonnique est
peut-être dû principalement à sa collaboration
à La Morale indépendante, la revue fondée
en 1865 par Massol, l'un des ennemis personnels du Grand Architecte
au Grand Orient.
La gloire de Brisson, finalement, est un
peu la contrepartie de la méfiance fréquemment
éprouvée par les radicaux pour les trop fortes
personnalités, pour les véritables hommes de gouvernement
qu'ils s'appellent Gambetta, Ferry ou Clemenceau.
En 1872 il est grand orateur de la Grande Loge centrale du rite
écossais qui deviendra plus tard la Grande Loge de France.

" À cette époque, les
effectifs du Suprême Conseil de France s'élevaient
à 23 chapitres (loges travaillant du 4ème au 18ème
degrés) et 90 loges symboliques (du 1er au 3ème
degré), ces dernières étant regroupées
dans une structure interne dénommée " Grande
Loge Centrale du Suprême Conseil de France ".
L'obédience majoritaire étant
le Grand Orient de France qui, en 1877 supprime de ses Constitutions
la référence à l'existence de Dieu et à
l'immortalité de l'âme. Les principaux leaders opportunistes
ou radicaux, à l'exception de Clemenceau sont la plupart
du temps francs-maçons ... tout comme les fondateurs du
Parti Radical avec Gaston Mesureur.
En 1877, c'est la victoire des républicains
aux élections d'octobre, et une nouvelle proposition de
loi sur l'instruction primaire obligatoire et laïque fut
déposée et signée avec le député
Barodet, par les frères Louis Blanc, Henri Brisson, Charles
Floquet et Emile Deschanel, Jules Ferry de son côté
déposa deux autres propositions.
Finalement, les grandes lois de 1881 et
1882, souvent appelées lois Jules Ferry " comblèrent
enfin les voeux des Loges et des républicains. "
Les Loges maçonniques revendiquèrent alors la paternité,
il faut dire qu'elles avaient consacré leurs efforts durant
des années à cette école laïque, gratuite
et obligatoire dans la nouvelle République.
Comment était Henri
Brisson dans ces années 1871 à 1881
Dans un portrait qui date de 1883, donc
avant qu'Henri Brisson ne devienne un homme politique de premier,
on trouve des mots :
" On se représentait volontiers Brisson comme un
esprit absolu, sans souplesse, enfermé dans un cercle
étroit d'idées préconçues, incapable
de rien apprendre des évènements.... ", c'est
souvent ce que disaient ses détracteurs et les journaux
conservateurs et monarchiques.
Alors un autre portrait se dégageait ainsi :
" ... La réserve un peu sévère
qu'il a prise au foyer paternel, ses habitudes de travail, son
goût pour la vie d'intérieur, la simplicité
de ses moeurs, sa froideur apparente et sa parole incisive, motivaient
dans une mesure cette manière de le juger ".
Il n'y a pas d'ambiguïté chacun
reconnaît qu'il était rigide, incorruptible et "
d'une austérité qui donnait à sa figure
une grande noblesse ".
C'était un homme politique inflexible fidèle à
ses principes, à une époque où les compromissions
étaient nombreuses.
Il parlait fort mais d'une manière posée et assez
lente, n'était-il pas Berrichon ?
Les années terribles
de la décennie 1880
Ces années 1880 furent les premières
où la IIIe République fonctionna normalement, celles
où le régime se mit en place, où s'installèrent
des institutions et des habitudes de vie politique qui ont eu
la vie dure: ce fut l'âge d'or, notamment, de la démocratie
parlementaire.
Ce fut l'époque où les conquêtes
révolutionnaires et les avancées du XIXe siècle
s'enracinèrent définitivement et cessèrent
d'être perçues comme subversives par une proportion
importante de Français, pour se muer en fondements de
la nation. Cependant, il subsistait à droite un camp contre-révolutionnaire,
et à gauche des courants révolutionnaires; certains
étaient hostiles à la République en son
principe, d'autres ne l'étaient qu'à ses pratiques
politiques, mais les deux avaient souvent tendance à se
confondre, notamment en période de crise.
Ce qui nourrissait ces extrémismes, c'était d'une
part que la IIIe République était en conflit avec
des secteurs importants de la société: conflit
ouvert avec l'Église et les catholiques au début
de la période même s'il se calma dans les années
1890 avant de reprendre de plus belle dans les années
1900, conflit latent avec le monde ouvrier, mal intégré
à la société et mal pris en compte par un
régime qui faisait la part belle aux campagnes; d'autre
part que les dérives du parlementarisme avec la faiblesse
et l'instabilité du pouvoir exécutif, mais aussi
la corruption n'attendirent guère pour se manifester,
nourrissant la colère d'une partie de la population et
débouchant sur deux crises graves, la crise boulangiste
à la fin des années 1880 et un peu plus tard le
scandale de Panamá; il faut y ajouter la vague
d'attentats anarchistes du début des années 1890.
Cependant la République triompha finalement de ces crises
et ne fut jamais réellement menacée, sauf peut-être
durant quelques semaines en 1888-1889.
C'est le temps des grandes lois qui firent
la République dans laquelle nous vivons aujourd'hui et
on peut citer quelques lois essentielles :
- Le 29 juillet 1881, est votée
la célèbre loi sur la presse consacrant la liberté
d'expression de la presse.
Un mois plus tard, c'est la création des écoles
maternelles dans les anciennes salles d'asile. Le 16 juin, 1881,
dans les grandes réformes sur l'enseignement, les députés
votent la gratuité de l'Ecole primaire.
Le 21 août 1881, ce sont les élections
législatives et les Républicains l'emportent par
457 voix contre 88 aux Conservateurs.
Henri Brisson se présente dans la 2e circonscription du
Xe arrondissement de Paris qui lui donna 8757 voix sur 9986 votants,
et 14693 inscrits; il fut élu presque aussitôt Président
de la Chambre des députés, le 3 novembre, par 347
voix. Gambetta avait été élu tout d'abord
président provisoire par 317 suffrages; puis, lors de
l'élection du bureau définitif, il avait décliné
la candidature; c'est alors qu' Henri Brisson lui succéda.
Il restera Président de la Chambre des députés
du 3 novembre 1881 au 07/04/1885. Ce perchoir est un des postes
les plus élevés de la Troisième République,
il sera encore Président à trois autres reprises.
- Le 29 mars 1882 sont votées les
lois dites de Jules Ferry sur l'obligation et la laïcité
de l'enseignement primaire sont votées
Du côté de
Vierzon
Henri Brisson va donner son nom à
un lycée qui existe toujours à Vierzon et qui fut
un des fleurons de l'enseignement dans le département
du Cher avec les " Vier'zarts ". Et tout commence le
7 février 1880, avec M.Hurvoy, maire de Vierzon, qui fait
voter par le conseil Municipal un crédit de 150000 francs
destiné à la création d'une section professionnelle.
Le 11 décembre de la même année, à
la demande de M.Henry Brisson, qui est alors député
du Cher, le Parlement décide la création, aux frais
de l'État, des écoles nationales primaires supérieures
et professionnelles, les ENP....
La Municipalité de Vierzon, centre industriel et agricole
important, adopte, dans sa séance du 4 juillet 1881, le
projet du Gouvernement relatif à la création d'une
Ecole nationale à Vierzon.
Le 9 juillet 1881, paraît au Journal officiel le décret
portant création d'une " École nationale primaire
supérieure et professionnelle " préparant
à l'apprentissage et destinée à servir de
type pour les établissements de même nature ".
Le 3 mai 1883 la première pierre
de l'école est posée en présence de M.Henry
Brisson, président de la Chambre des Députés
et de M.Jules Ferry, Président du Conseil et Ministre
de l'Instruction publique :
la première en date des Ecoles Nationales
Professionnelles était née.
L'école ouvre ses portes le 1er
octobre 1887, avec mission d'apprendre à ses élèves,
en trois d'années d'études, l'un des métiers
suivants : ajustage, menuiserie, forge, dessin industriel.
La préparation au concours d'entrée dans les écoles
nationales d'Arts et Métiers est organisée à
l'école de Vierzon, le 1er octobre 1895 ; Depuis cette
époque, l'école a présenté 1963 candidats,
dont 1276 ont été reçus définitivement.
Entre temps, par décision du 22 juin 1909 une section
préparatoire était annexée à l'école,
et le décret du 7 novembre 1911 a attribué à
l'École nationale professionnelle de Vierzon la dénomination
" Henri Brisson ".
Le discours de Vierzon de 1883 pour Henri
Brisson se déroule donc le 3 mai 1883. En présence
de Jules Ferry, lors de cette inauguration
Un journal local écrit sur cette
journée
" .... Son discours de Vierzon fut cependant précédé
par celui d'un (autre) franc-maçon notoire, M. Henri Brisson
(1835-1912), président de l'Assemblée nationale,
il est venu en voisin, car natif de Bourges. "
Dans son discours, le président
Brisson, après avoir rappelé tous les efforts auxquels
il avait consenti en faveur d'une école primaire supérieure
et professionnelle, qui "serait admirablement placée
à Vierzon", et rappelé l'injustice qu'il y
avait à laisser 150 000 à 200 000 jeunes poursuivre
leurs études "jusqu'à 20 ans, 22 ans, 24 ans",
tandis que pour les autres, 4 à 5 millions, "la tutelle
nationale cessait à 12 ou 13 ans", acheva en citant
l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit
humain (10e époque), de Condorcet :
"On peut instruire la masse entière d'un peuple de
tout ce que chaque homme a besoin de savoir pour l'économie
domestique, pour l'administration de ses affaires, pour le libre
développement de son industrie et de ses facultés
; pour connaître ses droits, les défendre et les
exercer ; pour être instruit de ses devoirs, pour pouvoir
les bien remplir ; pour juger ses actions et celles des autres,
d'après ses propres lumières, et n'être étranger
à aucun des sentiments élevés ou délicats
qui honorent la nature humaine
Dès lors, les habitants
d'un même pays n'étant plus distingués entre
eux par l'usage d'une langue plus grossière ou plus raffinée
; pouvant également se gouverner par leurs propres lumières
; n'étant plus bornés à la connaissance
machinale des procédés d'un art et de la routine
d'une profession ; ne dépendant plus, ni pour les moindres
affaires, ni pour se procurer la moindre instruction, d'hommes
habiles qui les gouvernent par un ascendant nécessaire,
il doit en résulter une égalité réelle,
puisque la différence des lumières ou des talents
ne peut plus élever une barrière entre des hommes
à qui leurs sentiments, leurs idées, leur langage,
permettent de s'entendre ; dont les uns peuvent avoir le désir
d'être instruits par les autres, mais n'ont pas besoin
d'être conduits par eux ; peuvent vouloir confier aux plus
éclairés le soin de les gouverner, mais non être
forcés de le leur abandonner avec une aveugle confiance".
Et puis Jules Ferry prit alors la parole :
" M. le président de la Chambre a déjà
défini en termes excellents l'uvre dont nous posons
ici la première pierre. Si le gouvernement de la République
a choisi Vierzon pour y faire cette grande et décisive
expérience, c'est parce que Vierzon est avant tout et
par-dessus tout une ville de travail (Approbations), parce qu'elle
doit tout au travail, qu'elle ne peut attendre que du travail
son développement et son avenir et que, grâce à
la situation particulière que la nature lui a faite, elle
associe et représente à la fois les industries
mécaniques et l'industrie agricole...... ".
Battu à Vierzon
en 1883
Henri Brisson est Président du Conseil
général du Cher depuis 1880 et aux élections
suivantes, qui se déroulent à l'été
1883, il se présente à nouveau au suffrage des
électeurs vierzonais, à une époque où
Félix Chédin, l'industriel bien connu, est bien
implanté à Bourges depuis 14 ans.
Henri Brisson commence sa campagne le 10 août par une profession
de foi dans laquelle il rappelle ce qu'il a fait localement :
" Le canton de Vierzon m'a fait, il y a 6 ans, l'honneur
de me choisir pour son représentant au Conseil général
du Cher.
.... En 1877, profondément pénétré
des besoins supérieurs de ce monde de travailleurs auxquels
je m'adressais, j'affirmais la nécessité de doter
la région d'une école professionnelle. cette Ecole
s'élève aujourd'hui , plus vaste que nous ne l'avions
espéré. "
Puis, il évoque une association agricole avec les voisins
de Lury et Graçay, avant de demander " de continuer
de marcher avec vous... "
Et il termine par :
" A tous ceux qui aiment la France, la République,
la Démocratie, la Liberté, le Travail, je demande
l'Union pour assurer le Progrès ".
Il faut noter que dans la liste des candidats
républicains publiée par le journal " La Démocratie
du Cher ", se trouve bien le nom de Henri Brisson, Président
de la Chambre des Députés, Président du
Conseil Général du Cher, Conseiller sortant, mais
deux lignes plus loin un autre candidat apparaît sur un
autre canton, Eugène Brisson, Maire de Bourges, Conseiller
sortant.
Il y avait au premier tour, trois candidats
:
- Henri Brisson pour les Républicains.
- M Gérard, candidat qualifié de réactionnaire.
- M Darmet pour la gauche socialiste.
Les résultats du premier tour, donnent
Henri Brisson en tête avec 1945 voix, devant Darmet 1752
et Gérard 1195.
La presse s'en donne à coeur joie, on parle de "
Brisson le ballotté " et certains évoquent
même qu'il va se désister en faveur de Darmet, ce
dernier étant soutenu par Edouart Vaillant qualifié
de " révolutionnaire-socialiste et qui est l'esprit
le plus faux qui existe dans tout le Berry ".
Au scrutin dit de ballottage, Darmet l'emporte
par 2625 voix contre 2157 à Henri Brisson qui est battu.
Et les spécialistes d'alors assurent que c'est une "
honteuse alliance " de collectivistes révolutionnaires
et de bonapartistes.
En fait, écarter Henri Brisson du département faisait
l'unanimité de ses adversaires de gauche comme de droite,
et puis il y a ce refus de voter pour un homme qui vivait beaucoup
plus à Paris qu'en Berry.
Ainsi 3 mois après avoir inauguré
cette école qui prendra son nom, Henri Brisson est battu
par une coalition et beaucoup pensent qu'il est " fini ".
Il sera sans doute affecté, mais deux ans plus tard il
deviendra Président du Conseil !
En poursuivant sur les grandes lois votées
à cette époque :
- Le 28 juin1889, est votée la loi
sur la nationalité qui débouche sur la loi du sol.
- Mais la République n'est pas encore
totalement assise, des crises se succèdent dont la plus
grave en 1889 avec la période du boulangisme et de ceux
qui voulaient faire disparaître la République.
Lors de la crise boulangiste, en 1889, Henri Brisson se montra
partisan de la défense républicaine et présida
avec une parfaite impartialité la Commission d'enquête
sur l'affaire de Panama en 1893
Le général Boulanger soutenu dès 1886 par
Paul Déroulède fut très populaire au point
de se retrouver élu député de Paris le 27
janvier 1889, et il refusa de marcher sur l'Elysée comme
le lui demandait ses amis et la foule des parisiens.
La République avait été sauvée de
justesse.
A noter cet événement pour le moins surprenant
: un duel entre le président du Conseil d'alors Charles
Floquet et le général Boulanger pour un échange
de mots... Boulanger fut blessé !
Henri Brisson est un partisan convaincu
de l'éducation primaire obligatoire, défenseur
de la laïcité et profondément anticlérical,
il présente dès 1890 au gouvernement des réclamations
à l'encontre des communautés religieuses et en
1900 dépose une proposition en vue de réduire l'importance
des propriétés appartenant aux congrégations.
L'une des idées auxquelles Henri
Brisson tient le plus, et qu'il a le premier développé
à la tribune de la Chambre, c'est la création dans
tous les cantons, d'un enseignement primaire supérieur
qui permette de donner aux enfants des campagnes des notions
moins rudimentaires que celles qui leur sont fournies dans les
écoles primaires communales.
Il veut que les petits files et filles de la campagne aient autant
de chances que ceux de la ville et ne se contentent pas seulement
de sortir de l'école avec uniquement la lecture et l'écriture,
mais reçoive un enseignement secondaire.
- Le 21 mars1884, les syndicats sont autorisés
par Waldeck-Rousseau, c'est l'existence légale des syndicats
professionnels.
La suite au CHAPITRE 3
: 1882 -1890
: au plus haut niveau >>>CLIQUER
- Président du Conseil
en 1885
- Les querelles familiales
berruyères
- Le caractère d'Henri
Brisson
CHAPITRE 1 : 1835
- 1870 : la jeunesse
d'Henri Brisson >>>
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CHAPITRE 3 : 1882 -1890 :au plus haut niveau >>>CLIQUER
CHAPITRE 4 : 1890 - 1900
le combat de Brisson >>>CLIQUER
CHAPITRE 5 : la fin
du Grand homme 1901 - 1912 >>>CLIQUER