Roland Narboux - L'horloge astronomique de Bourges- Encyclopédie

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L'HORLOGE ASTRONOMIQUE DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

L'horloge astronomique de Bourges dans la cathédrale.
Voir aussi le livre de JY CATOIRE et A. BOUGELOT sur l'histoire de cette horloge. Vous pouvez commander cet ouvrage :cliquer ici
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Version 2009

 

Parmi les merveilles de la cathédrale de Bourges, inscrite depuis 1992 au patrimoine mondial de l'UNESCO, on découvre les vitraux du XIII e siècle, les 5 portails dont le jugement dernier est une des merveilles de l'art occidental, et enfin l'architecture générale : c'est une cathédrale de lumière sans transept. Tout ceci est largement connu par les Berrichons et les Touristes.
Pourtant, la cathédrale permet toujours de retrouver d'autres merveilles, encore et encore, c'est le cas de l'Horloge Astronomique, datée de 1424 et remise en vue et en état "par miracle" dans les années 1990.

Sauvée par miracle

C'était un jeudi soir froid et pluvieux, le 24 janvier 1986, je préparais le journal local de la radio Recto Verso, et j'interviewais une personnalité parisienne à la Chambre de Commerce et d'Industrie dans le cadre des informations du lendemain matin lorsque je reçus un appel téléphonique : la cathédrale était en feu !

J'étais sur les lieux quelques instants plus tard, les pompiers terminaient leur travail, ils étaient venus à bout des flammes. Mais les dégâts semblaient importants, la fumée se dissipa et chacun vit un des portails du parvis calciné et l'intérieur de l'édifice noirci sans trop pouvoir appréhender l'ampleur des dégâts. La police est présente et trouve assez vite les causes du sinistre.
Des gosses jouant avec des pétards avaient mis le feu à la réserve des cierges en lançant ces objets à l'intérieur de la cathédrale… car cela faisait beaucoup de bruit.
Chacun s'aperçoit qu'il y avait à proximité une horloge que certains appelaient " l'horloge de Louis XI ". Elle datait de 1424 et était en bien mauvais état.
Quelques recherches montrent qu'il s'agit d'une relique de la plus grande importance, due à un savant, le chanoine Jean Fusoris.


Avant d'aller plus loin, vous pouvez passer commande de cet ouvrage :

Novembre 1424: l’horloge astronomique, imaginée par Jean Fusoris et construite par André Cassart, est mise en service sur le jubé de la cathédrale Saint-Etienne de Bourges.
Elle y fonctionnera pendant plusieurs siècles, rythmant les évènements religieux, avant de sombrer dans l’oubli.
21 juin 1992: signature d’une convention de mécénat technologique en vue de réhabiliter cette merveille d’horlogerie médiévale.
21 juin 1994: inauguration en la cathédrale de la copie fonctionnelle de l’horloge et de la présentation de l’originale.
C’est l’histoire de ce mécanisme extraordinaire dont la précision est d’une seconde pour 150 ans et dont l’unique aiguille donne six des sept indications astronomiques qui nous est contée ici. C’est aussi l’aventure de sa réhabilitation.
Les deux auteurs, techniciens qualité à l’établissement de Bourges d’AEROSPATIALE, furent deux des acteurs qui menèrent à bien cette tâche exaltante, riche d’Histoire, de technique horlogère et de chaleur humaine.

 

 

 


Le contexte historique :

Dans ces années 1420, la France va mal, la guerre "dite de 100 ans" fait rage, et le roi Charles VI n'a plus tout a fait sa raison depuis longtemps. Son fils, le dauphin Charles épouse le 22 avril 1422, Marie d'Anjou dans la cathédrale de Bourges, et… 6 mois plus tard, son père, le roi Charles VI meurt et le dauphin se proclame roi, le 26 octobre 1422.
La ville de Bourges est devenue, par la force des événements, la "capitale de la France", et le roi Charles VII est appelé, parfois par dérision, "le petit roi de Bourges", cela va durer 15 ans!

C'est dans ces moments là que se produisent deux naissances à Bourges, la première, assez classique, c'est celle du futur Louis XI qui voit le jour à Bourges le 3 juillet 1423, la seconde naissance, plus surprenante, est celle d'une horloge ! C'était en mars 1424.
Quelle relation pouvait-il exister entre la naissance royale et cette horloge ? nul ne le sait, mais il y a comme une coïncidence intéressante.
Le génie du chanoine Jean Fusoris

Jean Fusoris est le concepteur de l'horloge astronomique de Bourges. Cet homme est né vers 1360 et possède de nombreux diplômes, se spécialisant dans le métier "des Quadrans et orloges", on lui doit un astrolabe assez remarquable.

Comme souvent à cette époque, Jean Fusoris avait plusieurs cordes à son arc, il exerçait les fonctions de médecin, mais comme souvent à cette époque, il était mathématicien et astronome. En 1404, il est nommé chanoine de Reims. Il travaillait et excellait dans l'art de l'horlogerie, s'entourant par ailleurs de plusieurs associés.

Cette horloge est située dans un buffet de bois, de bonne dimension, puisqu'il mesure 6,2 mètres de hauteur et la surface au sol est un carré de 1,75 mètres de coté. Elle comporte un mécanisme fort complexe réalisé par un serrurier de Bourges appelé André Cassart, (voir un complément en fin d'article) les plans et les calculs sortant du génie de Jean Fusoris qui n'ignorait rien des mathématiques.

Le cadran principal est un bijoux artistique dû au pinceau de Jean d'Orléans, de son vrai nom Jean Grangier, il avait été au service du prince Jean de Berry. Certains pensent que les frères de Limbourg, les enlumineurs des "Très Riches Heures" ont formé cet artiste qui vécut à Bourges jusqu'à sa mort en 1460.
Ces figurines représentant les signes du zodiaque sont d'une grande pureté de trait assez comparables à celles des livres d'enluminures
Le cadran fut payé 24 écus (à convertir en Euros…).

Et l'Heure dans tout ça ?

Une horloge, par définition, donne l'heure. Visiblement, ce n'était pas le souci de Jean Fusoris. En effet, l'horloge donne les jours, les phases de la lune, la marche du soleil avec le lever et le coucher du soleil, le zodiaque…. avec une seule aiguille située dans le cadran inférieur.
L'heure dans le cadran du dessus date du XIX ième siècle, elle indique effectivement l'heure et les minutes au moyen de deux aiguilles.

En suivant les indications astrales données par cette unique aiguille, même les spécialistes sont subjugués. En (A), le cadran divisé en deux parties de 12 heures permet de lire l'heure équinoxiale. Le second cadran (B) est divisé en 29,5 parties représente le cycle lunaire, dans une ouverture, apparaît en (C) le disque lunaire tel qu'il peut être vu à Bourges. Sur le cadran (D), 12 secteurs ont été dessinés, ce sont les signes du zodiaque. Le bord du disque gradué, (E) indique le jour à l'intérieur du zodiaque, ce disque fait un tour par an. En (G), au milieu du cadran, c'est l'heure temporaire, douzième partie du jour quelque soit la saison, ainsi, en été, l'heure temporaire est plus longue qu'en hiver ! Et enfin, en (F), c'est le déplacement du soleil donnant la hauteur de l'astre par rapport à l'horizon.

Cette horloge, que des maîtres maçons placèrent en juin 1424 au dessus du jubé de la cathédrale, ce qui ne permettait que de deviner l'heure, était essentiellement un pari technologique et une œuvre d'art.
On a calculé que c'était le plus précis de tous les cadrans du monde de cette époque, avec une erreur d'une seconde en 150 ans…..
Pour le son, 4 cloches furent installées, avec un tintement tous les quarts d'heure, et à chaque heure, les 4 premières notes du Salve Régina, " la, sol, la, ré".

Parmi les engrenages retrouvés, construits par André Cassart au XV ième siècle, il existerait des trains de type " différentiels ", système mécanique révolutionnaire utilisé dans les automobiles plusieurs siècles plus tard. Cette découverte si elle était confirmée serait une "première" considérable sur le plan technologique.

 

 

La réhabillitation de l'horloge

Après l'incendie de 1986, l'horloge fut remisée au fond de la nef…. Elle n'intéressait plus personnes, et pour beaucoup, elle devrait s'en aller assez vite sur un tas d'ordures.
C'était sans compter avec le miracle, et la passion de quelques hommes, responsables économiques.
Ce fut la rencontre entre Max Brunet, directeur d'EDF/GDF, service Cher en Berry avec Jean Yves Ribault, directeur des archives départementales, et passionné d'Histoire locale. C'était en 1991. Ce fut sans doute la plus importante opération de mécénat technologique qui se déroula dans le Cher et sans doute le Berry.
Une convention est signée le 21 juin 1992 entre le Centre EDF/GDF Service, Aérospatiale, dirigée par Philippe Le Corviger, l'Université Technologique de Compiègne, le Centre Nucléaire de Production d'Electricité de Belleville et enfin l'Etat, personnifié alors par le préfet Roland Hodel, le clergé avec Mgr Plateau signa le document. Chacun était d'accord pour se partager le travail nécessaire d'une part au traitement et à la conservation du mécanisme ancien dont il manquait de nombreuses pièces à la réalisation d'une copie du mécanisme ancien, fidèle, et en état de marche .

Un travail de titans

Aérospatiale, avec Jean Yves Catoire et Alain Bougelot furent chargés de dresser les plans de toutes les pièces, et mesurèrent celles existantes, reconstituant celles qui avaient disparues. La machine à mesurer MMT, vit ainsi chaque soir, le remplacement d'une nervure d'Airbus par un engrenage de l'horloge du XV ième siècle…. Un travail de passionnés.
Ainsi, ce sont 200 pièces mécaniques qui furent mesurées, 5000 relevés de cotes, aboutissant à la réalisation de 270 plans et une documentation de 10 centimètres.
Et chacun d'œuvrer pour refaire et restaurer l'ensemble, s'adjoignant les services de Jacques Reverdy, une des plus grands maîtres horlogers de France, spécialisé dans le médiéval.
D'autres sociétés sont venus , chacun dans son domaine, comme Créa-Tech pour reproduire le cadran de Jean d'Orléans, ou Méca-précis pour réaliser de nombreuses pièces mécaniques.
Deux ans après la signature de la convention, au solstice d'été, le 21 juin 1994, l'horloge fut remise en marche, tous les acteurs de ce mécénat étaient présents dans la cathédrale…. Et depuis, elle fait la joie des Berruyers et des touristes.

Le buffet a été restauré, et à l'intérieur, le mécanisme est une copie strictement identique à l'original, et elle indique les mêmes renseignements qu'en 1424, seule concession, il ne faut plus remonter le mécanisme à la main, EDF a mis l'électricité ….. Et à côté de cette magnifique œuvre, le mécanisme original ainsi que le cadran ont été placés dans une vitrine.

Berrichon ou touriste, lorsque vous parcourez la cathédrale Saint Etienne de Bourges, faites une halte dans la nef, vers la tour sud, et laissez vous conter l'histoire de l'horloge astronomique de Jean Fusoris.

COMPLEMENTS

A la demande d'une étudiante, Alain Bougelot a complété ce que nous savons sur André Cassart, voici ce complément :

"SEMAINE RELIGIEUSE DU DIOCESE DE BOURGES" N°42, 20 octobre 1923.

Page 604: "(…) A cette époque, l'horloger proprement dit n'existait pas. Un mécanisme d'horloge était exécuté par un serrurier habile sur les plans, sous la direction d'un savant. Le mécanisme (de l'horloge astronomique de Bourges) fut donc l'œuvre manuelle d'André Cassart (dans le même article, l'on trouve les deux orthographes: Cassart et Cassard…), mais sa conception est de Fusoris" (Cassart était serrurier à Bourges).

Pour la lecture des cadrans, voir les "NOTES SUR LA CATHEDRALE DE BOURGES"

Et puis dans cet ouvrage signé Emmanuel POULLE.et intitulé "HOMMES ET TRAVAIL DU METAL DANS LES VILLES MEDIEVALES" - A.E.D.E.H. 1988.
Page 65: " (…) Les artisans sont payés au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et sans doute aussi compte tenu des rentrées d'argent. Le serrurier est André Cassart: Andreas Cassrt serruriero qui fabricat dictum horologium, bientôt désigné comme magister horologii. Il touche en tout 69 l. 1 s. 8 d., en vingt paiements; du 4 mars au 4 novembre, non comprises, naturellement, ses fournitures, fer et charbon, qui sont généralement payées directement au fournisseur. (…) …la qualification de "serrurier" donnée à André Cassart visant alors davantage le matériau qu'il travaillait que le métier qu'il pratiquait. L'établir aussi comme horloger, c'est lui reconnaître une clientèle. "

POUR EN SAVOIR ENCORE PLUS, VOIRE LA NOUVELLE CONTRIBUTION DANS UN DOSSIER COMPLET :

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Le livre sur l'Horloge astronomique par Alain Bougelot et Jean Yves Catoire est en vente depuis le 10 avril 2006, au prix de 15 Euros.

a suivre

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Les élections à Bourges au XXe siècle
Les Très Riches Heures du duc de Berry
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L'Yèvre à Bourges
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Serge Lepeltier
L'industrie à Bourges au XXIe s
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