Le jubé de la cathédrale de Bourges - Roland Narboux - encyclopédie

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LE JUBE DE LA CATHEDRALE DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

C'est un élément dont il ne reste pas grand chose, mais le Jubé de la cathédrale de Bourges, en pierre était magnifique.

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Version 2009

 

Lorsqu'au début des années 1990, il fut question de ramener à Bourges les restes du "jubé" de la Cathédrale Saint Etienne, on ne peut pas dire que l'information mobilisa les foules. Hormis quelques érudits ou passionnés des vieilles pierres et du patrimoine religieux local, bien peu de berrichons savaient ce qu'était un "jubé" ? Cet article de L'Encyclopédie de Bourges veut être une contribution à cette lacune que constitue pour beaucoup d'entre nous, la méconnaissance d'un "jubé".

 

Définir un jubé

Sans vouloir être compliqué, un jubé, c'est en fait une sorte de grande clôture qui coupait une église en deux parties. La partie comprenant la nef, où se trouvaient les fidèles était séparée par une "grille" de fer, de bois ou de pierre, et de l'autre côté, dans le chœur se trouvaient les chanoines qui officiaient.
Le nom est assez curieux, on cherche dans ce mot jubé, un acronyme comme SNCF, ce pourrait être Juste Un Bien Etre…. Et bien non, c'est beaucoup plus subtil. Les chanoines récitaient l'évangile et l'épître et montaient sur le jubé pour que la foule des fidèles puissent les voir et ils commençaient leur propos par ces mots " Jube, domine, benedicere", ce que chacun d'entre nous a traduit par " Ordonne, Seigneur, de bénir" ou plus simplement "Veuillez, seigneur, me bénir". Et c'est ainsi que la barrière prit le nom du premier mot employé par les chanoines de la cathédrale….

Le jubé de Bourges

Nous sommes au XIIIe siècle, date de la construction de l'édifice de Bourges et à cette époque, les fidèles ne participaient pas aux Offices, depuis le Concile de Latran en 1215, ils devaient communier une fois par an. Et donc ils n'avaient pas beaucoup de possibilité pour admirer ce jubé. En fait il s'agissait une rangées d'arcatures avec au dessus une tribune. Le jubé de Bourges était en pierre et comportait de très nombreuses sculptures. Il barrait la cathédrale sur toute sa largeur et revenait sur les côtés. Une longueur totale de 18 mètres il avait une hauteur impressionnante de près de 7 mètres.

Comment dater le jubé de Bourges ?

C'est une opération assez délicate que de vouloir dater la construction de ce jubé. Viollet le Duc avançait le début du XIV e siècle, alors que Robert Gauchery optait pour 1240/1250. Une fois encore c'est Jean Yves Ribault qui travaillera sur le sujet et, en 1995, il écrira que le jubé, selon les documents de l'époque était en place en 1237, il daterait donc de 1235.

La suite de la vie de notre jubé est particulièrement tragique ! Si en 1424, on lui pose sur sa gauche en entrant une horloge astronomique unique en Europe et œuvre du chanoine Fusoris, le reste de la carrière de ce jubé est peu enviable. En 1562, en pleine guerre de religion, les hommes du comte de Montgoméry décapitent les têtes et autres sculptures du jubé.
Il faut attendre un siècle pour que débute une difficile restauration qui commence précisément en 1653, c'est l'œuvre d'un artiste de Gien qui refait les têtes en plâtre…..
On attend encore un siècle et en février 1758, les chanoines décident de détruire cet édifice qui ne correspond plus aux goûts de l'époque. C'est un problème de liturgie, à la suite du Concile de Trente, il semble préférable de faire participer les fidèles à l'office et en enlevant cette barrière, ils voient enfin ce qui se passe derrière….. Il était temps !

Les pierres du jubé placées un jour sur un lieu sacré ne peuvent pas être mises n'importe ou, on ne peut pas en faire des cailloux pour les routes. Il faut impérativement les laisser sur place. Alors, les grandes pierres sont retaillées et servent à des aménagements de la cathédrale comme clôture du chœur et d'autres sont enfouies sous la cathédrale.

Lorsqu'en 1850, l'archevêque Du Pont veut réaménager le chœur, on creuse, on creuse…. Et on retrouve des pierres du jubé, aussi lorsqu'en 1894, pour installer le chauffage de la cathédrale, on ouvre une "voie ferrée"… nul n'est surpris de retrouver encore 450 fragments du jubé sous le chœur…. Puis au fil des travaux depuis un siècle on récupère quelques sculptures ou une rosace.

La démolition du jubé ne fut pas une action propre à la cathédrale de Bourges. D'autres jubés, à Amiens, Paris et Chartres ont subi le même sort. Il reste très peu de jubé de ce type en France. On connaît celui d'Albi, lui aussi en pierres, il est magnifiquement ajouré et date du XV e siècle. D'autres, comme à Troyes ou à La Chaise Dieu sont en bois.

L'exil à Paris puis le retour du jubé

Les pièces du jubé retrouvées à Bourges furent placées contre le mur de la crypte, jusqu'au jour où le Louvre demanda et obtint les quatre plus belles pièces, malgré l'opposition de la Ville et de son conseil municipal.
Bourges perd ainsi l'essentiel de son jubé et au Louvre qui possède tant et tant de pièces en provenance du monde entier, les fragments berrichons ne sont guère mis en valeur.
Aussi, la surprise est-elle de taille lorsqu'en 1962, le Louvre organise une grande exposition intitulée "cathédrale" et notre jubé figure en bonne position.
André Malraux sollicité, est alors ministre de la culture et il demande que les pièces du jubé retournent à Bourges.

Ce sera fait dans les meilleurs délais de l'administration…. C'est à dire 32 ans plus tard ! Il faut être juste, en 1975, une chercheuse, madame Fabienne Joubert réalise un travail essentiel, elle fait l'inventaire et l'étude archéologique de tous les fragments que l'on attribue au jubé. Travail de bénédictin, il apporte des informations importantes sur les sculptures et leur signification. Cette chercheuse pense qu'il ne reste que 25% d'incertitude sur le positionnement et l'interprétation des pièces.

Enfin, en avril 1994, une grande exposition du jubé se déroule au Louvre, que j'ai mis quelque temps à découvrir dans les méandres des couloirs du musée tant le Louvre est compliqué…. Et en octobre 1994, comme l'avait demandé Malraux le jubé revient dans la cathédrale de Bourges où il est installé provisoirement dans la crypte suivant une muséographie très correcte.
Depuis, et de manière régulière selon les humeurs des ministres de la culture ou de leur entourage, il est demandé de placer le jubé au Palais Jacques Cœur, nul ne sait pourquoi, ou encore de construire un musée de l'Oeuvre jouxtant la crypte de la cathédrale…..

Que lire sur le jubé ?

Le jubé, comme le montre les reproductions actuelles est formé d'arcades. Elles sont réalisées en pierre, elles portent des rosaces mais aussi de très nombreuses scènes de la vie de Jésus. En particulier l'accent est mis sur la fin du Christ. On retrouve dans une continuité exceptionnelle le complot et les 30 deniers de Judas, on pourrait presque distinguer les pièces de monnaie et voir que ce sont pas encore des euros. C'est le baiser de Judas à Jésus suivi de Ponce Pilate et de la servante, avec un fait rare : le romain ne se lave pas les mains !
Plus loin la flagellation, la montée au calvaire avec de petits cabochons certains comprenant des symboles curieux voir mystérieux. Ainsi, ces fleurs de lys, ou les châteaux à 3 tours représentant la Castille. La question posée est simple : Blanche de Castille aurait-elle donné de l'argent pour édifier le Jubé ? Les recherches continuent. Ce calvaire est un chef d'œuvre dans sa composition et dans la richesse de la sculpture.
Si on ne les distingue plus beaucoup aujourd'hui, la majorité des pièces du jubé étaient peintes. Ce moyen âge que l'on considère souvent comme gris et triste, était particulièrement coloré. Les cathédrales étaient peintes, tout comme les maisons des villes. Le jubé semble avoir eu comme couleur dominante l'orange, une teinte chaude ce qui est assez cocasse aujourd'hui. On a retrouvé 5 à 6 couches de peintures successives, un peu comme la tour Eiffel.

Parmi les pièces exceptionnelles du jubé figurent deux éléments : le gardien endormi, en cote de maille pour être dans l'actualité du XIII e siècle et la marmite de l'Enfer. Comme au portail du jugement dernier on note dans la bouche du diable ou la marmite de l'Enfer, une belle dame, un évêque et deux moines. Au dessus, deux grosses mains tassent les têtes. Ce qui fait conter à la très compétente guide conférencière des monuments historiques faisant visiter la crypte, cette anecdote : " Au XIX e siècle, un archevêque fait visiter cette partie du jubé à un cardinal de passage à Bourges. Il lui montre l'archevêque aux portes de l'Enfer, et son interlocuteur de lui faire remarquer que fort heureusement il n'y a pas de cardinaux…..
Ils sont déjà au fond réplique habilement notre archevêque".

Ainsi 480 pièces du jubé sont visibles depuis 10 ans dans la crypte de la cathédrale de Bourges, et les explications sur ce type de monument sont intéressantes. Peut-être qu'un jour, les autres fragments seront-ils retrouvés à l'occasion de travaux, complétant ainsi le petit jeu. Il faut constater l'absence presque totale d'éléments sur la représentation du jubé telle qu'elle était à l'origine. On découvre dans les Très Riches Heures du duc de Berry, de Jean Colomb une miniature représentant une partie du jubé, puis plus tard, un dessin de Martelange au XVIIe siècle. Quant aux gravures, il faut se méfier de tout, celles de cette époque dessinent 9 arcades alors qu'il y en avait 11. Dans les années 1990, une représentation virtuelle a été réalisée par Aérospatiale, au titre du mécénat d'entreprise et il est possible aujourd'hui de voir le jubé en détail et en couleur dans la cathédrale Saint Etienne de Bourges…. en vidéo.

Pour en savoir plus : "Le jubé de Bourges", dans les dossiers du Louvre par Fabienne Joubert (réunion des monuments nationaux)
Merci aux guides conférenciers de la cathédrale de Bourges.

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