Texte de la visite de Panette - Roland Narboux - - Bourges Encyclopédie -

L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES

L'HISTOIRE DE PANETTE A BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges, et voici le texte de la visite théâtralisée que les Diseurs du Berry ont proposé du 10 au 14 octobre 2019.

 RETOUR AU SOMMAIRE

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

Version 2019

 

Avec les Diseurs du Berry et l'aide de Bruno Lageline, j'ai écrit de manière synthétique l'Histoire de cet Hôtel de Panette.

"Si Panette m'était conté",

LES DISEURS DU BERRY

Nous avons dans le secteur en général et dans la cour de Panette de raconter
- 1/ La construction de l'Hôtel des Trésoriers en 1418
- 2/ La période classique avec le marquis de Tristan et sa loge
- 3/ Puis monsieur de Panette et son plan
- 4/ Bien entendu, la grande période de Don Carlos
- 5/ La période du legs
- 6/ Ces dernières années
- 7/ La conclusion avec le violon ...
- 8/ la résurrection au XXI ième siècle
En octobre sur plusieurs soirées du jeudi 10 au lundi 14.:
Jeudi 19 h - vendredi 19 h- samedi et dimanche à 15 h - lundi à 19 h.

Les personnages : 24 personnes

La guide Charlotte
La guide Pélagie

Arnoul Belin
Jacques Cœur
Macée de Léodepart
Jeanne épouse d'Arnoul

Un garde du XVIII ième siècle
La Marquise de Tristan
Le Marquis de Tristan
Marie, dame de compagnie

M. Gabriel de Panette
Naudin le géomètre

Marie Thérèse d'Espagne
Don Carlos
Le marquis de Villeneuve
Mgr de Villèle
Luis Carlos
La camériste du roi

Louise de Scoraille-Langhac
La marquise de Bélâbre
Une sœur du diocèse
Madame de La Chaussée

Bruno
Laurence
"Si Panette m'était conté",


SCENE 1
Devant le palais du duc Jean

La guide Charlotte
Nous voici ici mesdames et messieurs devant ce qui reste du magnifique Palais de ce bon duc Jean. Oui, nous sommes en 1418, il nous a quitté, depuis 2 ans,

La guide Pélagie
mais regardez, ces deux jeunes gens, ils n'ont pas vingt ans, et habitent ici, en haut de la rue du Tambourin d'Argent.
Elle se prénomme Macée, et lui c'est Jacques.

Arrivée de deux jeunes gens, Jacques Cœur et Macée de Léodepart

Jacques Cœur
Viens Macée, je voudrais te présenter au seigneur Arnoul Belin, c'est le Trésorier de la Sainte Chapelle, un homme important et riche. Je dois le voir car les chanoines doivent de l'argent à mon père pour des chasubles en zibeline.

Macée de Léodepart
Jacques, mon ami, tu ne récupéreras rien, comme le dit mon père " il n'y a plus un écu dans les coffres du Palais du duc ", et guère plus chez les chanoines de la Sainte Chapelle.
Mais je vois descendre Arnoul Belin il s'en va surveiller son nouvel hôtel qui est en construction.

Arnoul Belin sort du Palais du duc, et commence à descendre les marches

Jacques Cœur
Monseigneur, je suis bien aise de vous rencontrer, mon père fut le fournisseur de notre duc pour des pelisses et j'ai ici quelques billets, avec lesquels j'aimerais recevoir quelques écus ou livres tournois que vos gens me doivent.

Arnoul Belin
Vous n'avez pas beaucoup de chance, je suis moi-même à la recherche d'argent afin de poursuivre la construction du portail de la Maison des Trésoriers de la Sainte Chapelle.
Mais qui est cette jeune femme ?

Macée de Léodepart

Je suis la fille de Lambert de Léodepart, oui, mon père fut valet de chambre de notre duc Jean puis prévôt de la Ville de Bourges, vous devez le connaître et avec mon voisin et ami Jacques Cœur nous comptons nous marier dans les mois à venir.

Arnoul Belin
Et bien suivez-moi les enfants, je vais vous montrer les travaux de mon Hôtel.
Le groupe avance vers le milieu de la place, vers la fontaine

La guide Charlotte
Ici même, comme je peux vous le montrer, avec ces images, avait été construite la Sainte Chapelle de Bourges. Le duc Jean l'avait fait construire en 1392, sur le modèle de celle de Saint Louis à Paris.


La guide Pélagie
C'était pour en faire sa dernière demeure, et c'est là qu'il y aurait son tombeau du au ciseau de Jean de Cambray avec les 40 Pleurants… Un chef d'œuvre. Regardez cette pièce, n'est-elle pas magnifique ?
Elle montre un Pleurant en pierre (copie)
Le groupe poursuit et s'arrête devant le portail

Arnoul Belin
Voici le portail de l'Hôtel des Trésoriers de la Sainte Chapelle qui est en cours de construction.
Ce portail est constitué de 2 portes jumelles, elles sont identiques, comme je l'avais demandé, mais de dimension différente. Mais voici Jeanne mon épouse.

Jeanne l'épouse de Arnoul
Je suis l'épouse d'Arnoul, et je suis moi aussi l'avancement des travaux.
Regardez ces portes, il y a la petite et la grande, elles sont en anse de panier surmonté d'une archivolte en arc brisé. Remarquez les voussures, elles portent des crochets en forme de fleur, c'est le même motif que le portail de la Sainte Chapelle.
Il s'agit d'une architecture typique du gothique du début du XV ième siècle, comme on en trouvait dans le sublime château de Mehun, celui ne notre duc Jean ou encore de la Sainte Chapelle de Riom.

Jacques Cœur
Tu vois Macée, lorsque je serais riche, et bien moi aussi, je ferais construire un château ou un palais, enfin, une Grande Maison, et ce sera dans ce quartier d'Auron où nous avons vécu depuis près de 20 ans. Ah, si je pouvais acheter le fief de La Chaussée !

Macée de Léodepart
Tu vois trop loin, Jacques, tu dois faire tes preuves et commencer par tenir un change, celui de Gordaine est libre, et Ravant le Danois qui arrive de Rouen cherche un associé, tu devrais aller le voir, mon père pourrait t'accompagner, il connaît parfaitement tout ce qui touche aux finances et à la monnaie.

Le guide Charlotte
Ainsi, au moment où est édifié cet Hôtel des Trésoriers de France, commence la grande aventure de Jacques Cœur. Il aura bientôt un change et constituera peu à peu, un empire commercial et industriel, avec des mines, des routes, des comptoirs, et j'en oublie.
Au revoir Jacques et Macée, restez dans votre XV ième siècle,

Le guide Pélagie
J'ajoute que la façade d'entrée est inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 17 février 1928.


Nous allons poursuivre mesdames et messieurs bienvenue au XVIII ième siècle

.


SCENE 2
Le groupe franchit la porte de Panette

Un garde
Halte, ou allez-vous, ce lieu n'est pas public, vous êtes dans la propriété de monsieur le Marquis de Tristan, et il ne m'a pas donné l'ordre de faire entrer des manants comme vous.
Je vous demande de bien vouloir sortir ou je fais donner la garde royale.

La guide Charlotte
Je suis désolé de cet accueil en ce milieu de XVIII ième siècle, mais nous devons, mesdames et messieurs, vous apporter quelques précisions historiques.

La guide Pélagie
La Sainte Chapelle a été rasée en 1757, et les raisons ne sont pas très précises…Une querelle entre deux chapitres, celui de la Sainte Chapelle et celui de la Cathédrale.
Mais voici qu'approche madame la Marquise de Tristan …

La Marquise de Tristan
Je ne vous chasse pas, mais sachez que cet Hôtel des Trésoriers a été vendu aux enchères après la destruction de la Sainte Chapelle et c'est le père de mon mari, le marquis de Tristan qui s'en est porté acquéreur avec son épouse. Il l'a acheté au plus offrant, au prix de 10 000 livres tournois, c'est une somme importante.
Ils sont morts juste après l'acquisition, avant 1752, c'était sous le règne de Louis XV dit le Bien-Aimé, un Bourbon qui va régner sur le royaume de France de 1715 au 10 mai 1774.
Et c'est mon mari et moi qui avons fait des travaux considérables et coûteux, le résultat, c'est qu'il ne reste pas grand-chose de la construction d'Arnoul Belin, sauf le portail que vous venez de franchir.

La guide Charlotte
Achetée au prix Equivalent à 107 230 € d'aujourd'hui, l'ensemble ne devait pas être en très bon état. On dit même que le marquis de Tristan, a fait vraisemblablement construire ce nouvel hôtel particulier, orienté plein sud tel que vous le voyez à la place du précédent dont je n'ai même pas l'image à vous montrer.

La guide Pélagie
Je peux ajouter si cela vous intéresse que l'acte de vente de la Maison des Trésoriers date du 25 avril 1757, signé par le chapitre de la Sainte-Chapelle à Pierre Jean-Baptiste, Marquis de Tristan, seigneur de Saint-Amand.
Mais poursuivez madame la marquise …

La marquise de Tristan
Et oui c'était le titre de mon beau père.
Mais vous me paraissez sympathiques, je vais vous présenter à monsieur le Marquis mon mari, Pierre-Jean l'Evangéliste Marie. Il est né un an avant que son père achète cet hôtel.
Venez, Eh, mon ami, nous avons de la visite…

Le groupe s'en va sur la droite vers le préau

 

 

 

Le marquis de Tristan
Je me présente, Pierre-Jean l'Evangéliste Marie, je ne connais personne d'entre vous, et vous avez de drôles de costumes.
J'avais 16 ans lorsque je fus admis dans la 1re compagnie de mousquetaires de la Garde royale en 1772 sur présentation de mon oncle. A la suppression de cette compagnie, trois ans plus tard, je reçus un certificat sur lequel on pouvait lire : " qu'il a bien servi et qu'il conserve le quart de ses appointements jusqu'à son replacement ". Regardez ce document … je le conserve toujours sur moi.
J'ai épousé en 1777, dans la paroisse du quartier de Fourchaud, Marie Jeanne Moreau de Chassy qui vous a ouvert la porte.

Le guide Charlotte
Dans les années 1780, le marquis devient l'un des piliers de la Franc maçonnerie locale à l'Orient de Bourges, et il participe ainsi aux réunions, appelées tenues comme ils disent.

La guide Pélagie
Cette loge de la ville fut appelée Sainte Solange, la sainte protectrice du Berry, cette première loge de Bourges fut fondée en 1785, et notre marquis en fut un des deux surveillants.

Le marquis de Tristan
Sachez que durant les 10 ans qui ont précédé la grande Tourmente, je m'adonnais aux travaux de l'esprit.
J'aime cette fraternité, d'ailleurs à cette époque, je suis membre de la loge Sainte Solange et je vais aussi m'affilier à une nouvelle loge maçonnique, appelée Minerve un nouvel atelier installé en 1787 par la noblesse locale. J'y suis avec mes frères qui ont pour nom "de Bigny", "de Bengy", "de Villeneuve", "de Puyvallée", "de Préville". ou encore le maire de Bourges Clément de Beauvoir qui était lui aussi, comme moi surveillant.
Nous discourions beaucoup sur des sujets philosophiques.

La marquise de Tristan
Figurez-vous que les loges étaient faites pour les hommes, exclusivement, mais avec d'autres épouses, j'allais aussi voir ce qu'ils faisaient, c'était rue du Dieu d'Amour, et nous arrivions à la fin de ce qu'ils appelaient des tenues, et nous avions des agapes à la fois copieuses et joyeuses. Mais mon ami, tu peux montrer comment tu es dans la loge, ça te va si bien.

Le marquis de Tristan
Nous sommes discrets mais les francs-maçons ne se cachent pas, ceci est mon tablier, je porte des gants blancs et voici mon sautoir, avec l'épée, car nous sommes frères et égaux en loge.
Sur la tête je portais ce tricorne.
Mais voici notre dame de compagnie, Eugénie.

La dame de compagnie Eugénie
Le marquis de Tristan est un Aristocrate libéral, deux ans plus tard, c'est 1789. Il n'est pas ennemi de la Révolution et il n'est pas inquiété par la Terreur.
Le citoyen-marquis de Tristan devient Maire de Vornay, en 1800, Mais je ne le dis qu'à vous, la roue tourne, sa fin de vie, sous la Restauration est celle d'un vieil aristocrate solitaire.

Le marquis de Tristan
Oui, je suis destitué par le préfet ultra Villeneuve,

La dame de compagnie Eugénie
Le nouveau gouvernement royaliste ne pardonne pas d'avoir servi les Cent jours. Le marquis poursuit ses activités maçonniques et après l'arrêt pendant plusieurs années, celle de la Révolution, il participe en avril 1805 à la résurrection de la loge de Sainte Solange.

La guide Charlotte
Le 18 janvier 1818, le marquis de Tristan qui a 62 ans vendit son hôtel particulier au marquis Gabriel de Panette, ingénieur.

La guide Pélagie
Et j'ajoute que monsieur de Panette était vérificateur du cadastre, et cette vente s'est faite au prix de 40 000 francs. Et le marquis de Tristan meurt deux ans plus tard. C'est une période nouvelle qui se présente.
Mais suivez-moi,

 

 


SCENE 3
Le groupe s'en va vers le fond du jardin

Un homme est devant une carte avec des outils d'arpenteur.

Le guide Charlotte
Je vous présente Barthélémy Gabriel Vincent de Panette qui est originaire de la région des Dombes, on va l'appeler Gabriel de Panette.
Nous lui devons le plan et le cadastre de la Ville de Bourges et son épouse était une grande dame, Marie-Madeleine de Marcillac.

Le guide Pélagie
Il est me semble-t-il en plein travail.
Le cadastre est né de la nécessité de recenser les biens fonciers et le nom de leurs propriétaires afin de fixer l'impôt. Sous l'Ancien Régime, le cadastre est systématique dans le Midi de la France car la taille qui est le principal impôt du Roi y est réelle, c'est-à-dire qu'elle est assise sur des biens fonciers. A Bourges, c'était plus vague …
On ne vous dérange pas Monsieur de Panette ?

M Gabriel de Panette
Je n'ai pas beaucoup de temps libre, et en cet automne 1814, je termine mon travail qui consiste à dresser un plan connu aujourd'hui sous mon nom : le plan de Panette. Je suis en effet ingénieur et vérificateur du Cadastre Napoléonien à la ville.
C'est une loi du 15 septembre 1807 qui institue le cadastre parcellaire appelé aussi napoléonien du nom de son fondateur. Ce cadastre est fait par arpentage systématique des parcelles.
Il commence à la création du département en 1808 et est achevé en 1837.
Des plans sont établis après les expertises de terrain, et j'ai été aidé par une équipe comme monsieur Naudin géomètre de deuxième classe qui arrive à l'instant…

Naudin, un dessinateur du cadastre
Poussez-vous mesdames. Je viens de l'abbaye Saint Ambroix, pour retrouver les différentes parcelles, et ce n'est pas simple. Il y a des marais et autres rivières qui se déplacent parfois.
Mais j'y suis enfin arrivé et voici le résultat.

Il montre un plan
Sachez que M. Gabriel de Panette est le premier à avoir réalisé un vrai plan de la ville de Bourges et des faubourgs, Il a fait plusieurs ajouts et apporté des précisions en 1814 et en 1815.
Il a été aidé dans ce travail de romain, par des géomètres, comme moi ou Chevalier et nous faisons les dessins.

M Gabriel de Panette
Jusqu'à ce jour, nous avions à Bourges le plan de Nicolaï au XVI ième siècle, puis celui de Nicolas de Fer qui est plus récent, mais c'était encore un tracé très grossier, et inutilisable pour déterminer les surfaces de chaque parcelle.
Regardez la précision de ce que nous avons, avec ces plans d'aujourd'hui, plus de possibilité de tricher sur la surface des parcelles et des propriétés à Bourges.
Venez voir messieurs dames.

M. de Panette montre le plan qu'il est en train de faire

M Naudin le géomètre
Plus tard, M. de Panette acheta en 1829 le château de Contremoret, à Fussy où il vécu. Il aura un fils, Alphonse en 1816, marié à Louise de Scoraille-Langhac et prendra le titre de vicomte.

La guide Charlotte
Il est vraisemblable que notre ingénieur transforma son hôtel particulier en bien de rapport et il le louait.
Il faut dire que la vue que l'on a sur le haut de la Cathédrale Saint-Etienne est tout à fait exceptionnelle. Regardez-vous-même.

La guide Pélagie
En 1839, il réussit à louer son Hôtel au Gouvernement de Louis Philippe pour abriter l'exil de Don Carlos.
Suivez-moi à nouveau, je vous prépare une surprise.

Le groupe se retourne et s'approche de l'entrée de la Maison.

 


SCENE 4

La guide Charlotte
Nous restons au XVIII ième siècle, car cet hôtel qui reste avec son nom de Panette, devient en quelque sorte sous le règne de Louis-Philippe, le centre de l'Europe et de la diplomatie française et espagnole avec sa majesté Don Carlos futur roi d'Espagne.
Une dame est à une fenêtre

Arrivent M. de Villeneuve et Mgr de Villèle

La guide Pélagie
Mais je vois arriver deux fortes personnalités de notre Ville, c'est monsieur le marquis Pons-Louis-François de Villeneuve qui fut préfet du Cher, en 1816, et il est de retour à Bourges c'est un légitimiste, il est accompagné de Monseigneur de Villèle, l'Archevêque de notre diocèse.

Mg de Villèle
Oui, mon cher marquis, c'est bien moi qui ai prêté ma voiture à sa majesté Don Carlos et à son épouse la princesse de Beira, et cela permet au couple royal de faire ses promenades quotidiennes et de venir assister aux offices à la cathédrale Saint-Etienne.

Le marquis de Villeneuve
Ces promenades de Don Carlos, enfin de sa majesté Charles V d'Espagne, sont indispensables, même si ce n'est pas toujours d'une folle gaité. Oh, vous savez, je le note dans mon petit carnet, une vieille habitude du temps où j'étais préfet, écoutez : " on descend la rue d'Auron, et on arrivait au bord de cette rivière, on y faisait languissamment quelques tours à pied, et on revenait tristement ".

Mg de Villèle
C'est incroyable, à l'heure qu'il est, Don Carlos est ici à Bourges en résidence surveillée, alors qu'il devrait être à Madrid, comme roi d'Espagne, c'est une drôle de destinée, et une drôle de période, monsieur le marquis.

 

Le marquis de Villeneuve
Vous avez raison, quelle période, mais quelle période !
Cette sinistre révolution de 1789, et puis Napoléon, et le retour de nos amis, Louis XVIII puis Charles X et aujourd'hui, le roi, quelle terme ne doit-on pas utiliser, ah, ce Louis Philippe, roi des français !
Et en Espagne ce fut pareil, et l'Histoire de Don Carlos, je la raconte souvent.

Une dame est bien à la fenêtre, elle s'adresse aux visiteurs

Marie-Thérèse d'Espagne
En espagnol
Quiénes son estas personas? Su alteza, Don Carlos, no da audiencia esta tarde. Vaya por donde llamo al guardia.

La guide Charlotte
Personne ne parle l'espagnol ? Vous pouvez nous aider Pélagie ?

La guide Pélagie
Il faut que je fasse tout ici, alors voici ce que dit la dame, je vous traduis ses paroles :
" Qui sont ces gens, son altesse Don Carlos ne donne pas d'audience cet après midi, passez votre chemin où j'appelle la garde "

Le garde se présente devant le groupe

Un garde
Mesdames, veuillez quitter cette résidence, comme vous l'a ordonné la princesse de Beira, comtesse de Molina, reine consort d'Espagne. Son mari, sa majesté Charles d'Espagne ne reçoit pas aujourd'hui, je ne comprends pas que vous ayez pu entrer, et puis parmi vous il y a peut-être des espions, des coupes jarret et des comploteurs à la solde de ce traitre de Ferdinand.

Don Carlos
Il sort de la maison

Vous êtes français, et bien sachez que Moi, Charles de Bourbon, plus connu ici sous le nom de Don Carlos, en cette année 1840, j'ai 52 ans, et je rejette et dénonce la modification de l'ordre de succession au trône d'Espagne.
Sachez que je suis l'héritier légitime direct, de l'Espagne et je n'en démords pas.
Je suis roi des " Espagnes " sous le nom de Charles V depuis 1833 à la mort de Ferdinand VII mon frère qui n'a pas eu d'enfant après 3 mariages.
Ah, mais vous êtes là Marie-Thérèse.
Je vous présente mon épouse Marie-Thérèse de Bragance, qui fut infante du Portugal et princesse de Beira et aujourd'hui infante d'Espagne et comtesse de Molina.

Marie Thérèse est descendue et se trouve devant la porte

Marie-Thérèse d'Espagne
Excusez-moi, je vous ai parlé un peu brusquement tout à l'heure, Mais vous semblez être des gens honnêtes. Figurez vous que mon Charles était destiné à régner. Mais le roi Ferdinand VII épouse en quatrième noces sa nièce Marie Christine des Deux Siciles, qui lui donne deux filles.
Et s'appuyant sur un édit datant de 1789, Ferdinand VII, par un décret, abolit la loi salique, laquelle avait exclu les femmes du trône.
Ce décret qui a abolit la loi salique est inadmissible.
Avec mon second époux, Charles d'Espagne, je suis devenue la figure centrale du mouvement Carliste et je suis devenue la reine consort d'Espagne

Don Carlos
Et le trône s'en va à la fille de Ferdinand.
Elle vient de naître, ce sera la future Isabelle II, ma nièce qui va succéder à son père après son décès qui survient trois ans plus tard.
Oui, et je suis soutenu par une grande partie du peuple espagnol, mes partisans sont les carlistes. Je devrais être en Espagne et je devrais être aujourd'hui roi.
C'est vrai que j'ai perdu la Première guerre carliste en 1833.
Nos partisans carlistes ont été battus six ans plus tard en 1839, et c'est ici à Bourges que nous nous sommes réfugiés.

Le marquis de Villeneuve
La première guerre carliste fit entre 150 000 et 200 000 morts, elle opposa les provinces du nord de l'Espagne, les carliste de Navarre, Aragon, Catalogne et les Basques aux régions du sud comme l'Andalousie, et qui étaient libérales.
Cela dura 7 ans, avec des ravages considérables.

Monseigneur de Villèle
Et Don Carlos fut vaincu, par la trahison du général Maroto, et ce fut l'afflux de milliers de réfugiés carlistes vers Bayonne et beaucoup de civils que notre église a dû protéger. Bientôt, ce sont 26000 réfugiés qu'il fallut répartir dans plusieurs départements, et c'est ainsi que le ministre Soult fit ouvrir cet hôtel de Panette pour Don Carlos et sa cour.

La guide Charlotte
Je dois vous dire que Pío Caro Baroja, le grand écrivain a publié un recueil de contes intitulé ?Vies sombres" et l'un s'intitule ?Aviraneta ou la vie d'un conspirateur", dans lequel plusieurs pages sont consacrées à Bourges et à Don Carlos.

La guide Pélagie
Je vous invite à lire cet ouvrage tout comme le livre d'Alain Pauquet sur cet exil.
Mais Don Carlos a une véritable cour, ici à Bourges, et c'est sa camériste qui peut nous en dire davantage.

La camériste de la princesse
Lorsque Don Carlos fuit l'Espagne, il avait son passeport en règle et il prit la diligence à Bayonne, résolu à voyager sans halte jusqu'à Bourges, ville que le gouvernement français lui avait assigné pour son exil. Le trajet ne lui parut ni très amusant ni extraordinaire.
Il arriva à Bourges et descendit à l'hôtel du Bœuf Couronné. L'hôtel lui parut au premier abord assez sordide. Il sortit dans la rue ; il faisait mauvais temps ; les rues, désertes et mal pavées, étaient pleines de boue.
Il va rester dans la capitale du Berry pendant plus de 5 ans.

Don Carlos
Aujourd'hui, avec ma suite nous sommes bien à l'hôtel de Panette. On assure que le préfet a des ordres pour me laisser sortir et me promener aux alentours. Le clergé de la cathédrale m'a reçu comme un roi, et tous les légitimistes me donnent, quand ils viennent me rendre visite, le titre de majesté. Le préfet, comte de Lapparent, revêt toujours son grand uniforme pour me recevoir

Marie-Thérèse d'Espagne
En face de ce vieil édifice, il y avait un cabaret ; j'ai vu un drôle d'homme qui y entra et s'assit près de la vitre. Il prit un rafraîchissement et resta à contempler la façade de l'hôtel,
Il prenait ses notes en cachette. J'ai toujours eu peur que l'on vienne nous assassiner.

La camériste de la princesse
Sa présence à Bourges, pendant 5 ans, rendit célèbre l'hôtel de Panette. Et je peux témoigner et même de décrire sa vie d'exilé. La chambre qu'il occupa est juste là-haut, elle est magnifique.

Don Carlos
Au bout de 5 ans passés à Bourges, un quinquennat en quelque sorte, j'ai finalement abdiqué en faveur de mon fils aîné ici présent, le 18 mai 1845 et je pris le titre de " comte de Molina " et à partir de là je fus appelé " roi père " par mes partisans, les carlistes.

Luis Carlos
Mon père, Don Carlos mourut à Trieste dix ans plus tard, le 10 mars 1855.
Quant à moi, son fils, Carlos Luis, prince des Asturies je suis né à Madrid, en 1818, et je devais être roi, en succédant à mon père Don Carlos.
Mais je me suis retrouvé à Bourges où je dois rester à Panette, en exil après le départ de mon père, j'étais en quelque sorte un otage. Je prends le titre de Charles VI ou Carlos VI.
Et je deviens le nouveau prétendant carliste au trône d'Espagne et curieusement, je prends le titre de courtoisie de comte de Montemolín.
Je ne vous raconte pas ma fuite rocambolesque de Bourges vers l'Angleterre.

Le guide Charlotte
Restons dans cette décennie, et sachez qu'en 1863, Gabriel Vincent de Panette meurt et le domaine est partagé entre son épouse Mélanie de Marcillac, et son fils Alphonse Vincent de Panette
A partir de la fin du XIX ième siècle, plusieurs changements de propriétaires, comme en 1879 avec la vente de l'hôtel de Panette aux époux Pilté-Jouslin.

La guide Pélagie
La vente porte sur " un hôtel sis à Bourges, 1 rue du Vieux-Poirier, comprenant 2 corps de bâtiments d'habitation, communs, cour d'honneur ouvrant sur la rue du Vieux-Poirier par une grande porte et une petite porte.
On écoute au loin un air joué au violon

 

 


SCENE 5

Louise de Scoraille-Langhac

Ecoutez mesdames et messieurs… Nous restons au milieu du XIX ième siècle, c'est Alphonse, oui, il joue encore du violon. Il en joue très bien, un virtuose je crois. C'est mon mari, Alphonse de Panette, il est né l'année de la bataille de Leipzig, c'était en 1813. Nous nous sommes mariés en 1846 et nous avons habités loin du Berry, dans un château à Gargenville où naitront deux filles, Jeanne en 1851 et Marie-Charlotte l'année suivante, cette dernière sera la future marquise de Bélâbre. Je vous la présente.

La marquise de Bélâbre
Je dois vous confesser que je suis la fille d'un musicien qui aurait du faire une grande carrière, c'était un amateur éclairé de musique, et fou du violon qu'il jouait fort bien.
C'est ainsi qu'il acheta en 1847 un violon qui avait appartenu à Jean-Baptiste Vuillaume, mais pas n'importe quel violon, pas un stradivarius, non, c'était trop courant mais un Guarnerius. Oui, un instrument œuvre du grand luthier crémonais Guarnerius del Gesù

 

 

La guide Charlotte
Un siècle plus tard, en 1947, ce magnifique instrument devient la propriété d'Isaac Stern et il jouera avec pendant près de cinquante ans.
Et c'est la banque BSI de Lugano en fit l'acquisition récemment en 2005.

La guide Pélagie
L'instrument est désormais rendu à une vie publique grâce au mécénat de la banque qui l'a mis à disposition de Renaud Capuçon, lequel serait en train de l'acquérir.

La marquise de Bélâbre
Je vous quitte, mesdames et messieurs, je m'en vais au cimetière des Capucins pour me recueillir sur les quatre tombes de notre famille.
Le groupe s'en va vers la porte de sortie

Le guideCharlotte
En novembre 1946 la descendante de la famille de Panette, Madame de La Chaussée par un acte étudié, et devant l'étude de Maître Devaux et Brochard léga cet hôtel de Panette à l'Association Diocésaine de Bourges.

La guide Pélagie
Qui était alors représentée par Mgr Joseph Lefèvre, archevêque du diocèse de Bourges et futur cardinal de notre diocèse, Qu'en dit madame de La Chaussée ?

Madame de la Chaussée
Mais ce legs était conditionné, comme souvent à Bourges, et je cite certaines clauses :
" consent cette attribution sous cette condition expresse et spéciale que l'immeuble ci-dessus désigné ne pourra être occupé que par des ministres de l'église catholique, apostolique et romaine, en communion avec notre Saint Père le Pape, et que cet immeuble soit affecté à l'usage du Culte, et spécialement comme annexe de l'Archevêché ".
Elle précise que " si cette condition n'était pas respectée, l'immeuble lui fasse retour, à elle ou ses ayants droit, sans aucune indemnité pour les améliorations qui auraient été apportées ".
Une sœur du diocèse
L'hôtel de Panette est alors transformé en bureaux, appartements, et il devient le siège d'un journal catholique, ainsi que de la direction de l'école catholique
Pendant des années, personne ne pouvait voir ce qui se passait dans cet ancien hôtel de Panette. En marchant sur le trottoir de la rue Henri Ducrot, chacun se demandait ce que cachaient ces immenses murs, et ce portail toujours fermé.
Par manque d'entretien, le bâtiment est alors dans un triste état, mais il ne demande qu'à ressusciter, il est mis en vente après la recherche des héritiers de madame de la Chaussée.
Le groupe regarde la descente des escaliers de la cour

 


 

SCENE 6

La guideCharlotte
C'était hier, Bruno et Laurence ici présents, pénètrent dans la cour de l'hôtel particulier le vendredi 3 septembre 2010.

La guide Pélagie
C'est un véritable choc émotionnel.
Ils ne savent rien de l'endroit, ni son nom, ni son histoire.

Bruno
J'étais, je suis toujours, agent immobilier, et je tombe amoureux de ce lieu, vite suivi par mon épouse journaliste, nous sommes bien décidés à avancer dans un projet fou : acquérir ce lieu et le réhabiliter.
Je fédère une partie de la famille, des associés agents immobiliers, et j'obtiens le soutien et l'accompagnement du directeur de l'Office du Tourisme et de quelques amis. Après de multiples péripéties et des dossiers de prêt refusés, l'acte d'achat enfin passe le 28 décembre 2011.

Laurence
La partie sur jardin est à usage d'habitation avec des chambres d'hôtes, une partie sur rue à usage de bureaux, et d'hébergements touristiques. Les dépendances, à usage d'hébergement touristique.
Malgré des moyens limités, les associés confient la décoration à Jean Luc Charpagne.
Les portes de l'hôtel de Panette ont été ouvertes à tous le 16 septembre 2012, lors des journées du patrimoine.

Les deux guides ensemble
Et votre rêve ?

Bruno
C'est la réfection du portail d'entrée, celui d'Arnoul Belin, ce n'est pas très simple avec les monuments historiques et puis nous avons rencontré Renaud Capuçon à Chambord, et il nous a promis, avec enthousiasme, de venir jouer dans les salons de l'Hôtel de Panette.
De beaux moments en perspective....

La guide Charlotte
Ainsi se termine cette évocation de l'Hôtel de Panette, sachant qu'il reste encore beaucoup d'autres faits historiques, car c'est ici par exemple que fut caché après l'insurrection dite de la Vendée sancerroise, Phélippeaux dit Passaplan.

Le guide Pélagie
Plus tard, lors du procès des émeutiers de 1830, jugeant Raspail, Barbès, Blanqui et ses amis, les membres du tribunal furent hébergés ici, et puis chambres d'hôtes oblige, de Miss France à Julien Clerc en passant par X et Y, c'est le rendez-vous des personnalités…
Mesdames et messieurs les Diseurs du Berry vous remercient de votre présence.

 

 

 

 

Et 44 photos en plus >>> cliquer ici

 

 

 

Retrouvez quelques articles de l'Encyclopédie :
François Mitterrand à Bourges
Chiffres essentiels
Les Templiers
Les élections à Bourges au XXe siècle
Les Très Riches Heures du duc de Berry
les villes jumelles
Radios locales
Les francs-maçons
Kiosque et musique
Agnès Sorel
L'horloge astronomique
Les tramways de Bourges
L'Yèvre à Bourges
L'alchimie
La Bouinotte, magazine du Berry
L'usine Michelin
La maison de la Reine Blanche
Serge Lepeltier
L'industrie à Bourges au XXIe s
Monuments Historiques Classés
 

Et puis une nouveauté : L'information et l'actualité à savoir sur Bourges, en quelque clip et quelques lignes :

http://www.bourges-info.com/

 

Vous souhaitez enrichir le site de l'Encyclopedie de Bourges ?

 

Cliquer ici