Dans certains villes
françaises, Nantes, Grenoble et bientôt Paris, les
tramways reviennent. A Bourges, le transport urbain a connu ce
type de locomotion dès la fin du XIX e siècle,
et il disparaît en 1949 pour laisser la place aux bus.
Cet article de M. Henri Martin brosse de manière synthétique,
ce que furent les tramways à Bourges.
Les débuts du réseau
Comme de nombreuses villes à la
fin du 19ème siècle, Bourges a voulu se doter d'un
réseau de tramways électriques. Elle ne disposait
alors, comme transports publics, que de fiacres.
En 1896 apparaît la Compagnie des Tramways de Bourges
(CTB), bientôt reprise par le groupe de l'Omnium Lyonnais,
qui contrôlait déjà neuf réseaux de
province.
Le réseau est inauguré en 1898 et comporte trois
lignes, à voie métrique, alimentées en courant
continu 600 volts :
· Gare-Pyrotechnie ;
· Gare-Arsenal ;
· Gare-Octroi de Saint-Amand (Mazières).
Pour l'exploitation la CTB dispose de quinze petites motrices
de couleur brune, construites par la SACM (Société
Alsacienne de Constructions Mécaniques), acquises en 1898
et numérotées de 1 à 15.
L'année suivante, quatre remorques, n° 20 à
23, sont mises en service et proviennent de la société
Hanquet-Aufort, de Vierzon. En 1901, la n° 23 sera cédée
à Troyes, autre réseau de l'Omnium Lyonnais, et
trois autres remorques seront achetées, n° 23 à
25.
Tout le matériel est garé au dépôt
de Mazières (devenue rue Théophile Lamy), qui subsistera
jusqu'à la fin de l'exploitation. Il est encore actuellement
utilisé pour les autobus, après agrandissement
et de multiples et importantes transformations.
L'évolution jusqu'en
1945
Pendant la 1ère guerre mondiale,
les besoins de transport, liés à la présence
d'usines militaires, amènent à recevoir en renfort
temporaire, de 1916 à 1919, deux motrices (n °49 et
50) et deux remorques (n° 117 et 119) provenant du réseau
de Reims.
Les
difficultés financières de l'après-guerre
conduisent la CTB à suspendre dès 1922, l'exploitation
de la ligne de l'Arsenal. Elle sera officiellement supprimée
en 1927.
En 1931, soucieuse de renforcer son parc avec du matériel
de capacité plus importante, la CTB achète d'occasion
neuf motrices au réseau de Clermont-Ferrand, numérotées
30 à 38. Ces motrices vont désormais assurer l'essentiel
du service et en priorité sur la ligne de la Pyrotechnie,
la plus importante du réseau. Leur arrivée va amener
l'introduction d'une nouvelle couleur pour les véhicules,
vert deux tons, qui subsistera jusqu'en 1974 sur les autobus.
En 1932, une première ligne d'autobus est ouverte entre
l'Aéroport et l'octroi de Pignoux ; l'année suivante,
une deuxième ligne apparaît entre la Halle et Asnières.
Lors de la seconde guerre mondiale, le service des bus est
suspendu en 1940, et le parc des tramways est un peu étoffé.
En 1940, trois motrices, n° 16 à 18, sont fournies
par le réseau de Troyes, appartenant au groupe de l'Omnium
Lyonnais. L'année suivante arrive de Fontainebleau, autre
réseau du même groupe, la motrice n° 4, qui
garde son numéro d'origine et pendant quelques années
sa couleur jaune. Ce renforcement du parc est rendu nécessaire
également par le fait que de nombreuses motrices SACM
de 1898 ont été réformées ou garées
en mauvais état.
Les dernières
années des tramways (1946 - 1949)
Dès 1938 la question du remplacement
des tramways est posée. La solution trolleybus est envisagée
à partir de 1941, mais finalement, pour des raisons financières,
le choix de la Ville et de la CTB se porte en 1948 sur les autobus.
Ceux-ci ont d'ailleurs repris leur service sur la ligne d'Asnières
en 1946 et sur la ligne Aéroport - Pignoux en 1947.
Dans la période d'octobre 1947 à septembre 1948,
la situation du réseau est la suivante :
· quinze motrices sont encore utilisables : les SACM n°
9, 10 et 11, les troyennes n° 17 et 18, la motrice de Fontainebleau
n° 4, maintenant repeinte avec la livrée CTB vert
deux tons, les neuf motrices Clermont. Du fait du mauvais état
du matériel il ne reste certains jours que huit motrices
utilisables, les plus fiables étant dans l'ensemble les
motrices Clermont et les SACM n° 9 et 11.Les motrices Clermont
assurent le service sur la ligne de la Pyrotechnie, mais parfois,
en cas d'urgence, la motrice SACM en réserve à
la Gare pendant la journée peut assurer un service occasionnel.
Sur la ligne de Mazières circulent très souvent
les troyennes, complétées par des motrices Clermont
ou SACM. La motrice de Fontainebleau y a assuré du service,
mais a rapidement été garée, dès
le printemps 1948 ;
· quatre remorques figurent au parc, les n° 20, 22,
23 et 24. Elles ne circulent que sur la ligne de la Pyrotechnie,
au nombre de deux le lundi, le dimanche et les jours fériés,
quatre le samedi et trois les autres jours. La motrice quittant
la gare vers midi tracte généralement deux remorques,
mais en dehors de ce service les motrices circulent seules ou
avec une seule remorque ;
· sur les deux lignes, la fréquence se situe aux
alentours de 10-15minutes ; le service commence vers 7h, sauf
le dimanche où il n'y aucun service le matin, et se termine
vers 20h ;
· en dehors de la section de la Gare à la place
Mirpied, les deux lignes sont à voie unique, avec des
croisements qui limitent la vitesse de circulation en cas de
retard d'un véhicule ;
· lorsque le service est le plus étoffé,
c'est-à-dire surtout l'après-midi , 5 motrices
sont nécessaires sur la ligne de la Pyrotechnie et 3 sur
la ligne de Mazières.
· la perception se fait par receveur ambulant, distribuant
des billets à souche ; il existe aussi des carnets de
10 billets et des abonnements, notamment pour les scolaires.
Le personnel féminin est nombreux, même pour la
conduite des motrices.
Pendant la Foire Exposition de 1948, en
juin - juillet, le service est renforcé sur la ligne de
la Pyrotechnie :
· service assuré le dimanche matin ;
· utilisation des quatre remorques le dimanche ;
· une navette spéciale les après-midi du
samedi et du dimanche, directe de la Gare à Séraucourt,
assurée par deux motrices seules ne prenant aucun voyageur
en cours de route ;
· enfin service prolongé le soir jusque vers 21h.
Un des dimanches après-midi, dix motrices seulement restaient
utilisables et assuraient le service sur les deux lignes, sans
la moindre réserve, la ligne de Mazières étant
desservie par les trois motrices SACM.
Le 1er octobre 1948,
les autobus remplacent les tramways sur la ligne de la Pyrotechnie. Le service y est alors assuré par quatre
Renault 215 D, deux achetés d'occasion (n° 11 et 12),
deux prêtés par le réseau de Saint-Etienne,
du groupe Omnium Lyonnais (n° 44 et 45), et le Citroën
P 45 n° 10. En cas de besoin il est fait appel aux vieux
Renault ADJ 1, n° 7 et 9.
La ligne de Mazières subsiste encore pour près
d'un an, desservie par un parc réduit à quelques
motrices Clermont. La démolition du matériel commence,
pour faire de la place aux autobus dans le dépôt
; elle concerne les motrices SACM et les remorques.
La livraison, à partir de juin 1949, de quatre autobus
Citroën 45 UDI neufs, numérotés 13 à
16, va permettre la suppression des tramways sur la ligne de
Mazières.
Le 21 août
1949 est le dernier
jour d'exploitation. A 20h09, la rentrée de la motrice
n° 33 au dépôt marque la fin des tramways de
Bourges.
Le matériel roulant sera ferraillé
avant la fin de l'année. Aucun véhicule n'a été
sauvegardé, mais à l'époque le souci de
conserver du matériel ancien n'était pas aussi
présent qu'il le sera à partir de 1957, au moment
de la disparition des tramways de Versailles, qui a été
un déclic.
Le 22 août un nouveau réseau de bus est mis en place,
desservant à partir de la Gare les destinations suivantes
: Pignoux, la Pyrotechnie, l'Aéroport et la route de Trouy.
La ligne d'Asnières est bien sûr maintenue.
Bourges a disposé d'un autre tramway original, pour les
établissements militaires, totalement indépendant
du réseau de la CTB.
· une première ligne, à voie de 60 cm, a
fonctionné de 1899 à 1915 dans la rue de la Salle
d'Armes ;
· en 1915, elle a été remplacée par
une ligne à voie métrique, de la place de la Pyrotechnie
à la porte n° 9 ; cette ligne a été
desservie par des motrices provenant du réseau de Saint-Etienne
et n'a disparu qu'en 1961.
Les tramways de Bourges
ont suscité peu de publications, mais il faut impérativement
citer :
· un article d'André Jacquot dans le numéro
75 (1966-III) de la revue de la FACS-UNECTO
· le remarquable ouvrage d'Alain Giraud Les Tramways de
Bourges, publié par le SIVOTU en 1998, à l'occasion
du centenaire des " trams ".
Henri Martin
Ci-dessous, la couverture
du livre d'Alain GIRAUD