L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES
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MICHELIN ET BOURGES ?
Par Roland NARBOUX

L'histoire de l'implantation de l'usine Michelin dans la banlieue de Bourges, fait toujours l'objet d'une polémique, pas trop en faveur des Berruyers.

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Version 2009

 

Michelin est une des grande entreprise de production française, elle va vouloir, dans les années 1950 s'installer à Bourges, mais la municipalité d'alors va "traîner les pieds" et les patrons auvergnats vont aller dans la banlieue toute proche, à quelques mètres de la limite de la commune de Bourges, mais à Saint Doulchard.

BOURGES NE VEUT PAS DE MICHELIN....

C'est au mois de mars 1950 que des informations de plus en plus précises font état de la venue éventuelle des Usines Michelin à Bourges. C'est un épisode intéressant car une controverse a éclaté sur ce sujet : la ville de Bourges, avec son maire, a-t-elle oui ou non refusé la venue à Bourges d'une usine Michelin, sous le prétexte de rester "entre Berruyers", et de ne pas voir un afflux important d'ouvriers dans la ville ?
Le maire, qui était avant tout un honnête homme, respecté de ses concitoyens, n'avait pas peur de dire ce qu'il pensait. Dans ce domaine, il estimait que les paysans étaient bien à leur place, dans leur campagne, et il redoutait l'urbanisation sauvage.
André Cothenet s'adresse ainsi à son Conseil Municipal sur ce sujet :

"Le résultat des démarches n'a pas été favorable. Dès que M. le Secrétaire Général a eu connaissance de ce projet, il m'a alerté et m'a soumis une lettre que j'ai adressé à la société Michelin. En réponse, cette firme a fait connaître qu'elle n'avait rien décidé.... Mais qu'elle avait envisagé la construction d'une usine annexe à Clermont-Ferrand, dans un certain nombre de villes et qu'elle examinera les propositions de Bourges".

En fait, pour Robert Verglas, Secrétaire Général de la mairie, "il n'y avait pas une grande volonté de Cothenet d'accueillir une usine Michelin". Il me racontera les faits ainsi :

" Ayant appris que Michelin perdait son temps à Orléans, j'avais constitué un dossier très précis et discuté avec le contentieux de l'usine de Clermont. J'en informais Monsieur Cothenet, qui grognait sur ce projet, car visiblement, ça ne l'intéressait pas !
Je termine mon dossier, et à ma grande surprise, le maire le signe. Dans les conclusions, je demandais qu'une délégation vienne de Clermont à Bourges pour se rendre compte sur place.
Une semaine après, la délégation de Michelin est à Bourges, quelle aventure, se souvient Robert Verglas. Le maire n'était pas présent, je lui téléphone afin qu'il vienne...... mais il ne veut pas venir. J'insiste en affirmant que ces représentants sont ici pour voir le maire de Bourges et non le secrétaire de mairie. Je dit au maire que s'il n'est pas là dans cinq minutes, je demanderais à un huissier de conduire les personnes présentes chez lui, à son domicile."

André Cothenet n'y mettra aucune bonne volonté, il renverra la délégation voir le représentant de l'équipement..... et le maire de Saint-Douchard.
En privé Robert Verglas, si maître de ses mots, et toujours respectueux de la fonction des maires qu'il a servi, affirmera que le maire pensait qu'avec la venue d'une usine à Bourges : "ça allait voter à gauche".

On apprendra par la suite que Michelin aurait acheté un terrain à La Chapelle-Saint-Mesmin, mais que des représentants de la firme clermontoise ont aussi visité Bourges, où il y a, selon leur point de vue, "des possibilités intéressantes".
Ce premier débat sur Michelin se termine par une demande du maire de savoir si le Conseil est favorable ou non à l'installation d'une usine Michelin à Bourges. Il n'y aura pas de vote, mais si Robert Chaton, communiste, pense qu'il faut "demander des explications", Marcel They, le gaulliste, est très favorable à un tel projet, "pour redonner de la vie à Bourges", et il ajoute :

"C'est à nous de savoir si nous ne voulons pas faire comme nos prédécesseurs qui ont décidé que la gare de triage devait être à Vierzon et non à Bourges".

Une nouvelle lettre sera envoyée à Michelin.
En juillet 1950, les Etablissements Michelin font savoir qu'ils ont bien acheté un terrain de 6 hectares à La Chapelle-Saint-Mesmin, et qu'ils vont créer une usine. Dans le même secteur industriel, Dunlop cherchait aussi à implanter une nouvelle usine. Bourges se proposera, mais se verra refusée, la nouvelle usine allant vers Le Havre, ville plus proche de l'arrivée des matières premières.

MICHELIN L'INDUSTRIEL PERSEVERE

Pourtant Michelin n'abandonnera pas la région de Bourges. Avec une persévérance qu'il faut louer, l'industriel clermontois cherchera un lieu d'implantation bien situé, et une région entre Clermont et Paris offre un certain attrait.
Sur le plan industriel et commercial, la demande pour les pneus "Métallic Poids Lourd" s'accroît de manière considérable et il devient nécessaire d'augmenter la production des câbles d'acier.

Michelin cherche toujours un emplacement pour installer une usine, afin de soulager les unités de production de Clermont-Ferrand, lesquelles sont totalement engorgées. De plus, les dirigeants de l'entreprise désirent recruter de la main d'oeuvre nombreuse et peu qualifiée, le département du Cher, touché par la modernisation de l'agriculture, offre des "ruraux" correspondant bien à la demande.

En août 1952, c'est, pour reprendre l'expression des journalistes, "la manne céleste de l'emploi pour l'agglomération berruyère", car un vaste terrain longeant la route d'Orléans sur la commune de Saint-Douchard est en cours d'équipement. Le premier coup de pioche est donné le 20 avril 1952 sur un terrain de culture de 23 hectares au lieu-dit "Le Paradis".
Un chantier quadrillé de rues s'anime et en quelques mois, des bâtiments, des bureaux, des ateliers sortent de terre. On annonce que l'on embauche des hommes de 20 à 40 ans, et déjà le début prévoit l'embauche de 300 personnes, et 900 un an plus tard. Ce n'est pas encore une fabrique de pneus, mais de carcasses, c'est à dire une tréfilerie.

Cinq mois plus tard, le 26 septembre, débute le montage des machines du service "R" sur une surface couverte de 3700 mètres carrés. Ce service "R" spécialisé dans la fabrication et la transformation "du fil machine en cheveux d'acier" s'accroît de manière continue et régulière à six reprises, couvrant alors en 1956, une surface de 6 fois supérieure à celle du bâtiment initial. Après l'usine "R" de fabrication de fils métalliques, l'extension de l'usine se poursuit, mais cette fois avec un projet de construction d'un service réalisant en totalité des pneus pour Poids Lourds.
Les promesses seront tenues, en mars 1954, le directeur de Michelin, qui s'appelle Monsieur Dieu, annonce la construction d'une seconde usine. Le 7 mai 1954 commencent les travaux, sur un chantier qui occupe jusqu'à 400 ouvriers. Cette nouvelle tranche entraîne l'agrandissement du laboratoire, la construction de magasins, d'une nouvelle chaufferie, d'une salle des machines... etc
Le premier pneu Métalic sort de l'atelier berrichon le 26 mai 1955 à 18 heures ! c'est à dire 12 mois après le début de ce second grand chantier. Michelin à Saint-Doulchard devient alors véritablement un fabricant de pneus.

Cette fois, ce sont 1500 à 2000 ouvriers supplémentaires qui seront embauchés. Et Saint-Doulchard, commune de 3000 habitants, deviendra un centre de production de pneus, spécialisé dans les pneus de poids lourds et l'accroissement des ventes de pneus "X" permettront d'agrandir les ateliers existants.
L'usine de Bourges comme le titre le bulletin intérieur de Michelin reçoit la plupart de ses matières premières de l'extérieur, à l'exception du fil Métalic qui est produit sur place par le service "R". Les pneus livrés sont alors les Métalic B 20, C 20, ainsi que les 8-25-20 X. Au total, dans ces années, Michelin sortira un peu plus de pneus qu'Orléans.
A la fin des années 1960, Michelin et son usine de Saint-Doulchard occupera une surface couverte de 138 625 mètres carrés, et occupera plus de 4000 personnes.

Bourges au quotidien

A cette époque, à Bourges, une centaine de personnes sont inscrites au chômage.
Dans le domaine industriel, à l'automne de 1950, une demande de M. Gallicher sur la transformation de la Distillerie de Germigny en raffinerie de sucre est formulée. Il est fait état du grand intérêt pour le département d'avoir ainsi une fabrique de sucre aux portes de Bourges.
Sur un tel sujet, il y a unanimité en ville, certains faisant remarquer qu'en France "on fait toujours trop d'alcool et pas assez de sucre à partir de la betterave".

Cette situation de l'après-guerre devient de plus en plus précaire. Le 17 novembre 1952, des malfrats fracturent tous les troncs de la cathédrale de Bourges, ils ne prennent que des billets et des pièces, et laissent les objets de valeurs comme des croix en or ou des ciboires.
La misère est grande, et le 19 novembre de la même année, l'abbé Moreux, le grand mathématicien, l'érudit, l'homme qui avait participé à la Résistance, met en vente son appartement. Il a 85 ans, il n'écrit que pour quelques rares revues scientifiques, il n'a plus d'argent. Sa maison est située derrière l'Hôpital Militaire, c'est un observatoire curieux comprenant un style à caractère mauresque. Pour les Berruyers, c'est une Mosquée, et cet Abbé est un drôle d'original.
L'abbé, qui donnera un jour son nom à un cratère lunaire, est oublié. Une campagne de presse, en date du 12 décembre, va provoquer un sursaut des Berrichons, et bientôt, un "comité des Amis de l'abbé Moreux" est constitué pour lui venir en aide.
Plus tard, une rue portant son nom sera inaugurée.

MICHELIN AUJOURD'HUI

En ce début de XXI e siècle, Michelin est toujours présent à Saint Doulchard mais les trente dernières années ont été une lente décroissance des effectifs.

En 1973 = 4044 employés

En 2004 = 980 employés et en 2006, les effectifs pourraient passer à 800 personnes.

Les productions de Michelin :

        - pneus pour camionnettes = 1,3 millions de pneus par an soit une production très importante de 5500 pneus par jour !
        - pneus pour avions : 43 000 pneux par an, avec beaucoup d'espoir dans la production des pneus pour l'Airbus A 380.

Michelin produit aussi de la gomme pour d'autres application ainsi que des ensembles montés, et cette dernière activité qui pourrait disparaître.

A noter la compétence de cette usine dans les pneus des avions, puisque c'est à Saint Doulchard que les nouveaux pneus pour Concorde après le drame de Gonesse ont été produits. Cela permi le redémarrage de l'avion, montrant la qualité des produits sortis de cette usine.

Le directeur Bertand Ballarin déclarera en février 2005 :

" L'usine a pris son destin en mains, nous avons choisi d'être forts sur nos lignes porteuses : avions et camionnettes qui ont une forte valeur ajoutée. Notre objectif est d'optimiser les flux de production".

Derniers chiffres, l'usine occupe environ 40 hectares et la moyenne d'âge des effectifs est de 47 ans.


365 postes supprimés à Michelin :
Le groupe Michelin vient d’annoncer le 10 octobre 2006 la suppression de 365 postes à l'usine Michelin de St Doulchard, il ne restera plus que 450 salariés sur le site.
Michelin s’est inscrit dans cette logique depuis 1999, en annonçant à l'époque, la suppression de 3500 postes au niveau européen, alors que ses bénéfices n'avaient jamais été aussi importants.
Yann GALUT dénonce cette situation. : " Cette logique uniquement financière a des effets dévastateurs non seulement au plan local mais aussi au plan national. Je souhaite que si la gauche remporte les élections présidentielles et législatives, une législation spécifique en droit du travail soit mise en place pour interdire les licenciements "boursiers"."

La Bouinotte N°42
Journal interne de Michelin du 16 janvier 1953 - du 10 juin 1955
Bib revue N° 452 de mai 1973

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Les tramways de Bourges
L'Yèvre à Bourges
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L'usine Michelin
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L'industrie à Bourges au XXIe s
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Et puis une nouveauté : L'information et l'actualité à savoir sur Bourges, en quelque clip et quelques lignes :

http://www.bourges-info.com/

 

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