Michelin est une des grande entreprise
de production française, elle va vouloir, dans les années
1950 s'installer à Bourges, mais la municipalité
d'alors va "traîner les pieds" et les patrons
auvergnats vont aller dans la banlieue toute proche, à
quelques mètres de la limite de la commune de Bourges,
mais à Saint Doulchard.
BOURGES
NE VEUT PAS DE MICHELIN....
C'est au mois de mars 1950 que des informations
de plus en plus précises font état de la venue
éventuelle des Usines Michelin à Bourges. C'est
un épisode intéressant car une controverse a éclaté
sur ce sujet : la ville de Bourges, avec son maire, a-t-elle
oui ou non refusé la venue à Bourges d'une usine
Michelin, sous le prétexte de rester "entre Berruyers",
et de ne pas voir un afflux important d'ouvriers dans la ville
?
Le maire, qui était avant tout un honnête homme,
respecté de ses concitoyens, n'avait pas peur de dire
ce qu'il pensait. Dans ce domaine, il estimait que les paysans
étaient bien à leur place, dans leur campagne,
et il redoutait l'urbanisation sauvage.
André Cothenet s'adresse ainsi à son Conseil Municipal
sur ce sujet :
"Le résultat des démarches
n'a pas été favorable. Dès que M. le Secrétaire
Général a eu connaissance de ce projet, il m'a
alerté et m'a soumis une lettre que j'ai adressé
à la société Michelin. En réponse,
cette firme a fait connaître qu'elle n'avait rien décidé....
Mais qu'elle avait envisagé la construction d'une usine
annexe à Clermont-Ferrand, dans un certain nombre de villes
et qu'elle examinera les propositions de Bourges".
En fait, pour Robert Verglas, Secrétaire
Général de la mairie, "il n'y avait pas une
grande volonté de Cothenet d'accueillir une usine Michelin".
Il me racontera les faits ainsi :
" Ayant appris
que Michelin perdait son temps à Orléans, j'avais
constitué un dossier très précis et discuté
avec le contentieux de l'usine de Clermont. J'en informais Monsieur
Cothenet, qui grognait sur ce projet, car visiblement, ça
ne l'intéressait pas !
Je termine mon dossier, et à ma grande surprise, le maire
le signe. Dans les conclusions, je demandais qu'une délégation
vienne de Clermont à Bourges pour se rendre compte sur
place.
Une semaine après, la délégation de Michelin
est à Bourges, quelle aventure, se souvient Robert Verglas.
Le maire n'était pas présent, je lui téléphone
afin qu'il vienne...... mais il ne veut pas venir. J'insiste
en affirmant que ces représentants sont ici pour voir
le maire de Bourges et non le secrétaire de mairie. Je
dit au maire que s'il n'est pas là dans cinq minutes,
je demanderais à un huissier de conduire les personnes
présentes chez lui, à son domicile."
André Cothenet n'y mettra aucune
bonne volonté, il renverra la délégation
voir le représentant de l'équipement..... et le
maire de Saint-Douchard.
En privé Robert Verglas, si maître de ses mots,
et toujours respectueux de la fonction des maires qu'il a servi,
affirmera que le maire pensait qu'avec la venue d'une usine à
Bourges : "ça allait voter à gauche".
On apprendra par la suite que Michelin
aurait acheté un terrain à La Chapelle-Saint-Mesmin,
mais que des représentants de la firme clermontoise ont
aussi visité Bourges, où il y a, selon leur point
de vue, "des possibilités intéressantes".
Ce premier débat sur Michelin se termine par une demande
du maire de savoir si le Conseil est favorable ou non à
l'installation d'une usine Michelin à Bourges. Il n'y
aura pas de vote, mais si Robert Chaton, communiste, pense qu'il
faut "demander des explications", Marcel They, le gaulliste,
est très favorable à un tel projet, "pour
redonner de la vie à Bourges", et il ajoute :
"C'est à nous de savoir
si nous ne voulons pas faire comme nos prédécesseurs
qui ont décidé que la gare de triage devait être
à Vierzon et non à Bourges".
Une nouvelle lettre sera envoyée
à Michelin.
En juillet 1950, les Etablissements Michelin font savoir qu'ils
ont bien acheté un terrain de 6 hectares à La Chapelle-Saint-Mesmin,
et qu'ils vont créer une usine. Dans le même secteur
industriel, Dunlop cherchait aussi à implanter une nouvelle
usine. Bourges se proposera, mais se verra refusée, la
nouvelle usine allant vers Le Havre, ville plus proche de l'arrivée
des matières premières.
MICHELIN
L'INDUSTRIEL PERSEVERE
Pourtant Michelin n'abandonnera pas
la région de Bourges. Avec une persévérance
qu'il faut louer, l'industriel clermontois cherchera un lieu
d'implantation bien situé, et une région entre
Clermont et Paris offre un certain attrait.
Sur le plan industriel et commercial, la demande pour les pneus
"Métallic Poids Lourd" s'accroît de manière
considérable et il devient nécessaire d'augmenter
la production des câbles d'acier.
Michelin cherche toujours un emplacement
pour installer une usine, afin de soulager les unités
de production de Clermont-Ferrand, lesquelles sont totalement
engorgées. De plus, les dirigeants de l'entreprise désirent
recruter de la main d'oeuvre nombreuse et peu qualifiée,
le département du Cher, touché par la modernisation
de l'agriculture, offre des "ruraux" correspondant
bien à la demande.
En août 1952, c'est, pour reprendre
l'expression des journalistes, "la manne céleste
de l'emploi pour l'agglomération berruyère",
car un vaste terrain longeant la route d'Orléans sur la
commune de Saint-Douchard est en cours d'équipement. Le premier coup de pioche est donné
le 20 avril 1952 sur un terrain de culture de 23 hectares au
lieu-dit "Le Paradis".
Un chantier quadrillé de rues s'anime et en quelques mois,
des bâtiments, des bureaux, des ateliers sortent de terre.
On annonce que l'on embauche des hommes de 20 à 40 ans,
et déjà le début prévoit l'embauche
de 300 personnes, et 900 un an plus tard. Ce n'est pas encore
une fabrique de pneus, mais de carcasses, c'est à dire
une tréfilerie.
Cinq mois plus tard, le 26 septembre, débute
le montage des machines du service "R" sur une surface
couverte de 3700 mètres carrés. Ce service "R"
spécialisé dans la fabrication et la transformation
"du fil machine en cheveux d'acier" s'accroît
de manière continue et régulière à
six reprises, couvrant alors en 1956, une surface de 6 fois supérieure
à celle du bâtiment initial. Après l'usine
"R" de fabrication de fils métalliques, l'extension
de l'usine se poursuit, mais cette fois avec un projet de construction
d'un service réalisant en totalité des pneus pour
Poids Lourds.
Les promesses seront tenues, en mars 1954, le directeur de Michelin,
qui s'appelle Monsieur Dieu, annonce la construction d'une seconde
usine. Le 7 mai 1954 commencent les travaux, sur un chantier
qui occupe jusqu'à 400 ouvriers. Cette nouvelle tranche
entraîne l'agrandissement du laboratoire, la construction
de magasins, d'une nouvelle chaufferie, d'une salle des machines...
etc
Le premier pneu
Métalic sort de l'atelier berrichon le 26 mai 1955 à
18 heures ! c'est à dire
12 mois après le début de ce second grand chantier.
Michelin à Saint-Doulchard devient alors véritablement
un fabricant de pneus.
Cette fois, ce sont 1500 à 2000
ouvriers supplémentaires qui seront embauchés.
Et Saint-Doulchard, commune de 3000 habitants, deviendra un centre
de production de pneus, spécialisé dans les pneus
de poids lourds et l'accroissement des ventes de pneus "X"
permettront d'agrandir les ateliers existants.
L'usine de Bourges comme le titre le bulletin intérieur
de Michelin reçoit la plupart de ses matières premières
de l'extérieur, à l'exception du fil Métalic
qui est produit sur place par le service "R". Les pneus
livrés sont alors les Métalic B 20, C 20, ainsi
que les 8-25-20 X. Au total, dans ces années, Michelin
sortira un peu plus de pneus qu'Orléans.
A la fin des années 1960, Michelin et son usine de Saint-Doulchard
occupera une surface couverte de 138 625 mètres carrés,
et occupera plus de 4000 personnes.
Bourges au quotidien
A cette époque, à Bourges,
une centaine de personnes sont inscrites au chômage.
Dans le domaine industriel, à l'automne de 1950, une demande
de M. Gallicher sur la transformation de la Distillerie de Germigny
en raffinerie de sucre est formulée. Il est fait état
du grand intérêt pour le département d'avoir
ainsi une fabrique de sucre aux portes de Bourges.
Sur un tel sujet, il y a unanimité en ville, certains
faisant remarquer qu'en France "on fait toujours trop d'alcool
et pas assez de sucre à partir de la betterave".
Cette situation de l'après-guerre
devient de plus en plus précaire. Le 17 novembre 1952,
des malfrats fracturent tous les troncs de la cathédrale
de Bourges, ils ne prennent que des billets et des pièces,
et laissent les objets de valeurs comme des croix en or ou des
ciboires.
La misère est grande, et le 19 novembre de la même
année, l'abbé Moreux,
le grand mathématicien, l'érudit, l'homme qui avait
participé à la Résistance, met en vente
son appartement. Il a 85 ans, il n'écrit que pour quelques
rares revues scientifiques, il n'a plus d'argent. Sa maison est
située derrière l'Hôpital Militaire, c'est
un observatoire curieux comprenant un style à caractère
mauresque. Pour les Berruyers, c'est une Mosquée, et cet
Abbé est un drôle d'original.
L'abbé, qui donnera un jour son nom à un cratère
lunaire, est oublié. Une campagne de presse, en date du
12 décembre, va provoquer un sursaut des Berrichons, et
bientôt, un "comité des Amis de l'abbé
Moreux" est constitué pour lui venir en aide.
Plus tard, une rue portant son nom sera inaugurée.
MICHELIN AUJOURD'HUI
En ce début de XXI
e siècle, Michelin est toujours
présent à Saint Doulchard mais les trente dernières
années ont été une lente décroissance
des effectifs.
En 1973 = 4044 employés
En 2004 = 980 employés et en 2006,
les effectifs pourraient passer à 800 personnes.
Les productions de Michelin :
- - pneus pour camionnettes = 1,3 millions
de pneus par an soit une production très importante de
5500 pneus par jour !
- - pneus pour avions : 43 000 pneux par
an, avec beaucoup d'espoir dans la production des pneus pour
l'Airbus A 380.
Michelin produit aussi de la gomme pour
d'autres application ainsi que des ensembles montés, et
cette dernière activité qui pourrait disparaître.
A noter la compétence de cette usine
dans les pneus des avions, puisque c'est à Saint Doulchard
que les nouveaux pneus pour Concorde après le drame de
Gonesse ont été produits. Cela permi le redémarrage
de l'avion, montrant la qualité des produits sortis de
cette usine.
Le directeur Bertand Ballarin déclarera
en février 2005 :
" L'usine a
pris son destin en mains, nous avons choisi d'être forts
sur nos lignes porteuses : avions et camionnettes qui ont une
forte valeur ajoutée. Notre objectif est d'optimiser les
flux de production".
Derniers chiffres, l'usine occupe environ
40 hectares et la moyenne d'âge des effectifs est de 47
ans.
- 365 postes supprimés à
Michelin :
Le groupe Michelin vient dannoncer le 10 octobre 2006 la
suppression de 365 postes à l'usine Michelin de St Doulchard,
il ne restera plus que 450 salariés sur le site.
- Michelin sest inscrit dans cette
logique depuis 1999, en annonçant à l'époque,
la suppression de 3500 postes au niveau européen, alors
que ses bénéfices n'avaient jamais été
aussi importants.
- Yann GALUT dénonce cette situation.
: " Cette logique uniquement financière a des
effets dévastateurs non seulement au plan local mais aussi
au plan national. Je souhaite que si la gauche remporte les élections
présidentielles et législatives, une législation
spécifique en droit du travail soit mise en place pour
interdire les licenciements "boursiers"."
La Bouinotte N°42
Journal interne de Michelin du 16 janvier 1953 - du 10 juin 1955
Bib revue N° 452 de mai 1973