L'arbre fait partie désormais
du patrimoine d'une ville au même titre qu'une église
gothique ou un château Renaissance. C'est un phénomène
assez nouveau accentué par la nouvelle fibre " écologique
" que découvre beaucoup de monde.
Les arbres pendant très longtemps
avaient une triple fonction, c'était une ressource économique,
pendant des siècles, le bois fut le matériaux numéro
un pour toute sorte d'usage, de la maison à la cuillère.
Puis l'arbre pour certains d'entre eux fut aussi le moyen de
subsistance, chênes et châtaigniers pour nourrir
le bétail et parfois se nourrir soi-même. Enfin,
l'arbre sera dans certaines périodes chaudes de l'année,
le moyen de se tenir
à l'ombre, les places du midi
de la France avec leurs platanes sont encore visibles aujourd'hui..
Progressivement, l'arbre va acquérir
une dimension écologique et en ce début de siècle,
vouloir abattre un arbre dans une ville demande du tact et de
la diplomatie. Quel que soit le motif d'une coupe végétale,
la plupart du temps légitime, la réaction de la
population face à l'action de la hache ou de la tronçonneuse
devient un sujet de polémique, qui n'est jamais simple
à régler.
C'est souvent une réaction irrationnelle, beaucoup s'offusquent
de la coupe d'un arbre, pensant que le Berry ou la ville de Bourges
sont sur la pente de la désertification, au même
titre que la forêt Amazonienne
Beaucoup ne savent
pas que depuis une trentaine d'années, il n'y a jamais
eu autant d'arbres de plantés dans une ville comme Bourges,
et notre pays possède davantage d'arbres qu'à l'époque
du Moyen Âge.
Bourges et ses arbres en chiffres
La ville possède plusieurs types
d'arbres, et il est possible de distinguer les arbres d'alignement
qui se situent le long des avenues ou des routes qui entrent
dans la cité. Ils ont été plantés
à une époque pour faire de l'ombre, comme les platanes,
présents le long du canal de Berry ou de ce qu'il en reste.
Ce sont des arbres qui datent du milieu du XIX ième siècle.
On dénombre en ville environ 11 000 arbres d'alignement,
selon Hervé Brousseau, le responsable du patrimoine végétal
de Bourges, 11 458 très exactement.
Une cité comprend aussi des arbres qui ont été
plantés pour agrémenter certains parcs, jardins
ou cours, ils ont alors un rôle ornemental. On en compte
environ 1500 dans Bourges.
A cela il faut ajouter les arbres qui sont plantés par
les particuliers dans leur jardin, c'est le tilleul d'autrefois
ou le thuya d'aujourd'hui, soit une estimation de plus de 10
000 arbres.
Enfin, les espaces naturels comme le lac d'Auron comprennent
900 arbres auxquels il faut ajouter ceux des parcs de loisirs
ou de détente, avec 1200 arbres comptabilisés.
Une addition rapide montre la présence sur une ville comme
Bourges, de plus de 25 000 arbres sur 6800 hectares.
Parmi cette végétation, il
faut distinguer une centaine d'espèces d'arbres, de très
communs à certains que l'on peut qualifier d'exotiques.
Nos anciens ne se posaient pas trop de
questions lorsqu'ils plantaient des arbres. Pour le canal de
Berry qui traverse la cité de Jacques Coeur, ils choisirent
des platanes comme dans tout le pays, et sur la commune de Bourges,
ce sont près de 1000 platanes qui ont poussé donnant
une ombre agréable aux chemin de hallage.
Plus tard, les peupliers d'Italie eurent leur heure de gloire
tout comme les érables sycomores, sans oublier les tilleuls
de nos cours d'écoles.
Dans les années 1970/80, la recherche devient plus poussée,
la vogue est à " l'exotique ", avec le savonnier,
l'érable de Rotterdam et plus tard, pour céder
à une mode à caractère esthétique,
on planta des arbres à fleurs comme les cerisiers, pommiers
ou amandiers.
Aujourd'hui, tout en introduisant des espèces
nouvelles et en les diversifiant afin de prendre le moins de
risque en cas de maladie d'une espèce, des plantations
comme celles du pin ont été arrêtées,
à cause de la présence des chenilles processionnaires.
Il en est de même des catalpas, et autres pommiers à
fleurs.
Les arbres remarquables de Bourges
Dans une ville de patrimoine comme Bourges,
chacun s'attend à voir des arbres plusieurs fois centenaires,
que Jeanne d'Arc ou Jacques Cur auraient pu connaître
vers 1430. Au risque de décevoir le lecteur, il n'en est
rien, les arbres de Bourges sont récents, ils ont un siècle
à un siècle et demi pour les plus anciens.
Ainsi les grands arbres du petit jardin de l'Hôtel de Ville
datent de 1850 et la plupart de ces arbres ont été
planté vers 1900.
Les plus anciens sont les platanes qui bordent le canal de Berry,
ils sont énormes et causent parfois des dégâts,
comme celui qui s'abattit sur une automobile il y a quelque 5
ans, fort heureusement sans faire de victime.
Quant aux grands arbres du centre de la
cité, tout à fait remarquables comme ce cèdre
situé à moins de 10 mètres de la cathédrale,
il a poussé dans la petite cour d'une maison de chanoine,
devenue la maison du tourisme et du patrimoine. On dit qu'il
a été " classé ".
Les polémiques autour des
arbres
Comme souvent dans une ville, l'arbre est
lui aussi, à son corps (ou tronc) défendant victime
de sombres polémiques.
Au cours de ces 30 dernières années, les désaccords
entre des Berruyers et leurs élus ont porté la
plupart du temps sur l'opportunité de couper ou non un
arbre. Et pire encore vouloir tronçonner toute une rangée
d'arbres
.
Dans les années 1980, la place Anatole France ayant été
transformée en parking, il fallut toute l'action des riverains
ayant déjà l'âme quelque peu écologique
pour forcer la municipalité de l'époque pour que
des arbres soient replanter. Le malheur voulut qu'ils sont encore
aujourd'hui particulièrement chétifs, le terrain
n'étant pas propice à leur épanouissement.
Autre cas plus récent, dans le jardin de l'Archevêché.
Des arbres presque centenaires avaient fait l'objet d'une étude
sanitaire par les services spécialisés. Il ressortit
que plus de 200 arbres devaient être coupés et remplacés.
Comment annoncer " la chose " à la population
? Pas simple d'autant plus qu'en pareille circonstance, les avis
des techniciens sont toujours contestés. Mais la chance
pour une fois fut du côté de la mairie. La destruction
devait s'opérer en l'an 2000. Or, à la fin du mois
de décembre 1999, la terrible tempête qui se déchaîna
sur la France fit penser à beaucoup, que ces arbres avaient
été affectés et menaçaient de tomber.
C'était vrai, mais la tempête n'y était pour
rien. Et pour nombre de Berruyers, la cause était entendue,
les arbres devaient être abattus, comme ceux de Versailles
!
Plus difficile fut le remplacement des
arbres de l'entrée du site militaire de Lahitolle. Il
était apparu sur les deux rangées d'arbres que
certains spécimens avaient des problèmes, les uns
étaient malades, d'autres qui avaient été
plantés plus récemment ne poussaient pas, manquant
de lumière. Que faire ? Les esprits s'échauffèrent.
La bataille de Lahitolle commençait.
Pour les uns, il fallait simplement remplacer les arbres malades.
Non ! Répliquaient les autres, car les arbres nouveaux
ne pousseront pas. Pour l'Architecte des Bâtiments de France,
il fallait remplacer tous les arbres et non pas une seule rangée
mais les deux rangées, c'était impératif,
le site étant classé. Pour d'autres enfin il ne
fallait rien toucher, les arbres étaient sains.
Ce fut épique et finalement, les arbres furent tous abattus,
certains étant sains mais ils ont permis de reconstituer
deux magnifiques rangées d'arbres nouveaux, des marronniers
de 12 à 14 ans, alignés comme des militaires. Les
contestataires trois ans plus tard passaient, sur cette allée,
admiratifs sur un résultat inespéré.
L'arbre de l'Aéroport
Avec les arbres, on trouve de multiples
anecdotes, comme l'arbre de l'Aéroport. C'était
en 1929, l'aérodrome de Bourges venait d'ouvrir pour accueillir
l'école de pilotage Hanriot, et le directeur de la "
maison Hanriot " écrivit au maire afin de lui demander
s'il pouvait donner son autorisation afin d'abattre un arbre
qui était situé en plein milieu de la piste de
décollage et d'atterrissage des aéroplanes, car,
ajoutait le directeur, " cet arbre peut causer un accident
". Il est vrai qu'un arbre au milieu d'une piste d'aviation,
c'était surprenant et dans la marge, au crayon rouge,
figurait le nom de l'arbre, il s'agissait d'un orme ! Une espèce
qui aura bien des soucis un demi-siècle plus tard.
Le peuplier d'Italie
Le peuplier d'Italie était à
la mode dans les années 1970, avec l'époque de
l'urbanisation des quartiers Nord de la ville, Chancellerie et
Gibjoncs. Ces arbres avaient une qualité double, ils poussaient
très vite et surtout ils étaient effilés,
et ainsi ne cachaient pas la lumière des immeubles lorsqu'ils
étaient d'une belle hauteur.
La réalité fut à la fois conforme aux prévisions,
devenant toutefois 30 ans plus tard un vrai problème.
Ils poussèrent effectivement très vite et leur
alignement le long des grandes avenues faisait l'admiration des
urbanistes et de la population
. Sauf que les racines apparurent
de plus en plus grosses, éventrant les trottoirs, la chaussée,
et faisant des dégâts dans les habitations des riverains,
maisons et immeubles qui ne les supportaient plus.
Il fut décidé d'en abattre un certain nombre, mais
surtout de ne plus en planter.
Les arbres de demain
L'arbre en ville doit posséder des
qualités qui sont le fait de bien peu d'espèces.
L'arbre doit être robuste, il doit faire de l'ombre, mais
pas trop, et surtout, il ne doit pas laisser tomber des aiguilles,
des fruits ou des
.feuilles.
Après des essais d'espèces lointaines, il est apparu
aux responsables locaux que les espèces dites " indigènes
" étaient souvent favorables. Aujourd'hui dans la
ville, sur les dix dernières années, ce sont plus
de 3000 arbres qui ont été plantés, une
moyenne de 300 par an.
En savoir plus avec un petit ouvrage
" Promenade parmi les arbres de Bourges " de Roland-Marie
Marceron directeur des services de la ville de Bourges. Il est
disponible gratuitement à l'Office de Tourisme de Bourges.