S'il avait survécu
le Caquésiau
aurait 60 ans !
Qu'est ce qu'un caquésiau ; un
moustique, pardi !
A Bourges, dans le temps, il y avait un
Caquésiau voici sa courte histoire :
Ce Caquésiau là, il avait
tenu deux ans. Ce n'était pas un moustique mais une gazette
! Forcément satirique avec un nom pareil ; un peu comme
le Canard enchaîné, qui volait dans toute le France
; mais le nôtre était plus fragile. Il ne s'aventurait
guère en dehors du Cher. Modeste mais quand même
gonflé. Bien sûr, on peut rire de tout ; mais pour
remplir huit pages par mois, il faut un tombereau d'anecdotes
et le Cher, même avec une pincée d'Indre, c'est
petit. Pari audacieux ? Pari réussi !
Nous sommes en octobre1954, il y a juste
60 ans - les Berriauds qui ne sont plus en âge de travailler
s'en souviennent encore - le Caquésiau n°1 arrive
dans les kiosques : d'un seul coup, 3000 exemplaires vendus !
Pas mal
A la Une, un conseil : Si le Caquésiau vous
démange, donnez-le à votre voisin ! Miracle, celui
qui le lit le fait. Donc beaucoup plus de 3000 lecteurs. Voici
que Bourges, qui ronronnait doucement dans les mièvreries
diffusées par la presse quotidienne régionale,
éclate de rire ! Et, avec l'aide du bouche à oreille,
la bonne humeur gagne progressivement tout le département.
Préfets, conseillers généraux, maires, adjoints,
mais aussi comédiens, sportifs, curés, enseignants
pittoresques, etc. : tous caricaturés ! Evidemment, à
Bourges comme à Paris, les personnalités politiques
bénéficient de la plus grande partie des piqûres
malveillantes de l'insecte maudit
et, pour tout savoir,
se précipitent chez le marchand dès la sortie du
journal !
Mais qui donc ose ainsi se moquer des personnages
respectables, dénoncer des injustices et des manuvres
douteuses, colporter des potins, caricaturer des profils ? Mystère.
Il y a bien un directeur de la publication4 mais c'est un prête-nom
et il n'est pas tenu de communiquer l'identité de ceux
qui signent les impertinences qui font l'intérêt
du journal. Bien sûr, il ne dit rien. Le secret a été
longtemps bien gardé mais en octobre 2014 il ne tient
plus. S'il avait survécu, le Caquésiau aurait soixante
ans. Pour saluer cet anniversaire, le Petit Berrichon vous en
dit plus, avec la complicité de Jean Goblet5, l'un des
acteurs de cette aventure.
" Nous n'avons jamais été
identifiés, assure notre interlocuteur. Seuls, quelques
amis très sûrs étaient dans le secret. Nous
étions très prudents, il y allait de notre place
et de notre fiche de paye ! ". Tous les rédacteurs
étaient, en effet, des journalistes de la presse quotidienne
régionale6, une équipe jeune (tous avaient moins
de 30 ans), tonique, mordante, qui pensait que le journalisme
local manquait de fantaisie. Des jeunes qui s'ennuyaient un peu
dans les rédactions dotées de directeurs plus âgés
et spécialistes, selon Jean Goblet, de la " brosse
à reluire vis-à-vis des autorités ".
Les jeunes du Caquésiau avaient envie d'en découdre
mais pas de perdre leur place. Côté direction, black-out
complet ! En octobre 1964, contrairement aux usages, l'arrivée
sur le marché du petit monstre - un confrère pourtant
! - n'a été annoncée ni par la Nouvelle
République ni par Le Berry Républicain. Et pourtant,
les élus ont rapidement pris l'habitude de faire avec.
Ainsi, raconte encore Jean Goblet, " à Bourges, en
séance du Conseil Municipal, Alfred Depège, adjoint
au maire, concluant une discussion confuse, s'écria un
jour : Ah !si au moins le Caquésiau était là
! Il y était ". Et il était demandé
par ceux-là même qui supportaient ses critiques.
Que l'on dise du bien ou que l'on dise
du mal d'un élu, qu'importe ? L'essentiel c'est qu'on
en parle !
Jean Goblet, né à Plou (Cher) en 1928, journaliste
à La Nouvelle République (Bourges) jusqu'en 1968
puis directeur départemental du quotidien à Angers
; auteur de plusieurs livres, dont J'ai été envoyé
spécial à bicyclette, Editions du Petit Pavé,
2012, ouvrage truffé d'anecdotes situées dans le
Cher de l'après-guerre (entre autres, évocation
du Caquésiau). 6 Louis Carraz, Raymond-Louis Pinçon,
Bernard Hilbert, Robert Léchelon et Jean Goblet de la
Nouvelle République ; Michel Noizat et Patrice Potier
du Berry Républicain ; Henry Boudrant de La voix du Sancerrois.
Parmi les " amis très sûrs ", Rochelet,
le dessinateur, a largement contribué au succès
du journal.
Bernard Epailly