PREMIERE
TOUR DE LA CHANCELLERIE
En ce début du mois de septembre
1964, les premiers habitants prennent possession de leur appartement
dans la tour de la Chancellerie. La réception de la tour
a été faite par monsieur Teinturier, Ingénieur
des Ponts et Chaussées, et l'architecte en fut Pison,
à ne pas confondre avec Marcel Pinon, l'architecte local
des années 1940 à 1960. Cette tour de 50 mètres
de haut comprend 13 étages et renferme 78 appartements.
C'est en quelque sorte la fierté de Bourges-Nord. Tout
autour, d'autres immeubles sortent de terre.
Le plan directeur qui est à l'origine de l'aménagement
de la ville datait du 3 mai 1954. Il fut accepté par le
Ministre de la Reconstruction et du Logement le 1er septembre
suivant. C'est le document qui va servir de base à toutes
les opérations d'urbanisme. Cela concerne les îlots
à rénover, la protection des paysages, les clôtures,
la hauteur des constructions, la déserte des voies etc.
Il comprend quatre chapitres et une vingtaine d'articles par
chapitre.
La Chancellerie fait partie de ce plan directeur, c'est avant
tout un grand projet dont les premières études
commencent en 1957, sous le mairat de Louis Mallet. Il s'agissait,
une bonne fois pour toute, de résoudre le problème
du logement à Bourges et les immeubles qui sortent de
terre à Avaricum ne sont qu'une goutte d'eau, par rapport
à l'ampleur du problème.
C'est monsieur Bourgeois, Directeur départemental de l'urbanisme
et de la reconstruction, qui réalise les premiers plans.
Il s'agit de faire des logements avec les commodités dites
"normales", à une époque où une
salle de bains passait presque pour "un signe extérieur
de richesse".
Lorsque l'équipe Boisdé arrive,
c'est une aubaine de trouver un tel projet, bien structuré
et qu'il faut mener à bien. En septembre 1959, les cultivateurs
du plateau dit de la Chancellerie font leur dernière récolte
de maïs, avant de laisser la place aux bulldozers.
Cet emplacement, situé au nord de la cité berruyère,
avait déjà fait l'objet de différents projets
dans l'entre-deux-guerres, sous Laudier, pour étendre
le périmètre de la ville. La cité du Moulon
avait en conséquence vu le jour.
Deux quartiers sont définis sur
une surface de 165 hectares, avec La Chancellerie et les Gibjoncs.
Le plan de masse a été étudié par
M. Pison, architecte à Paris, sur l'initiative
du Ministère de la Construction. Pour l'ensemble du projet,
il y aura 4000 logements, un Lycée de garçon, un
Parc des sports pour la ville et éventuellement une nouvelle
caserne de gendarmerie.
En 1958,
lors des élections municipales, le coeur du débat
concerne cette ville nouvelle. Les logements sont prévus
comme une grande cité, au centre de laquelle une grande
place, comme dans toutes les villes, et, autour, les magasins,
un marché couvert, une salle de réunion, un groupe
scolaire et une salle paroissiale.
Dans un premier temps, la tranche 1 comprendra 1800 logements
pour la période 1959-1963, alors qu'une seconde tranche
de 1500 logements sera construite de 1964 à 1968.
En attendant, il faut réagir et c'est immédiatement
qu'une centaine de logements sortent de terre, ils vont servir
à terminer le relogement des habitants du quartier Avaricum.
L'équipement d'un terrain sur lequel sera bâti 300
maisons individuelles va être entrepris.
Avec les premières présentations
du projet, arrivent les premières critiques, l'architecte
en chef Guy Pison se défendra :
"Ce n'est pas
une cité dortoir, c'est un quartier de la ville où
l'on retrouve le commerce de première nécessité
et les équipements sociaux d'une ville moderne".
Les premiers coups de pioche sont donnés
en février 1961, pour des logements livrés à
la fin de l'année, alors que le centre commercial ouvre
ses portes en septembre 1963, donnant ainsi à ce quartier
les premiers éléments lui permettant de vivre.
On construira le plus long immeuble
de Bourges avec une bâtisse de 167 mètres de longueur,
permettant d'abriter plusieurs centaines de personnes.
La SO.BE.R.E.M. réalise cette opération qui porte
sur 116 hectares et 4935 logements, comportant 7 zones.
Le quartier de la Chancellerie va pousser
comme un champignon. On dénombrera dès 1963, près
de 5000 habitants pour atteindre en 1976, à la fin de
l'opération, un chiffre considérable de 29 221
personnes. A cette époque, cela représente 35%
de la population berruyère.
Les promoteurs de Bourges-Nord, en 1959, pensaient à loger
les Berruyers qui habitaient dans des appartements insalubres
et qu'il fallait reloger, mais nul ne songeait que la fin de
la guerre d'Algérie allait apporter un flot de rapatriés
qu'il faudrait installer en toute urgence.
Raymond Boisdé s'intéresse
beaucoup à Bourges-Nord, en 1966, il fait remarquer "qu'il
ne s'agit pas d'une ville différente, d'une ville neuve,
mais d'un quartier, d'un quartier de notre grande commune".
En mai 1967, on pense à installer
un château d'eau, pour lequel le maire est très
circonspect, d'une part pour une telle dépense, mais surtout
pour sa construction en raison de l'esthétique toujours
discutable d'un château d'eau. Le choix se fera sur un
réservoir métallique comme celui qui est implanté
à Mantes-la-Jolie. Le débat sur le "champignon"
va occuper les conseillers, car si monsieur Arquinet voit dans
cette forme évasée un ensemble acceptable, il trouve
que la peinture, à l'usage, va faire une dépense
et une charge importante. Boisdé s'est toujours opposé
à cette construction, et cela fait 4 ans qu'il tergiverse.
Comme André Cothenet trouve qu'on ne peut pas indéfiniment
retarder la construction de ce réservoir, finalement,
entre le béton armé et la construction métallique,
c'est cette dernière technologie qui est choisie. Boisdé
aura le dernier mot : "comme ingénieur, je ne peux
pas en dire du mal".
Pour les spécialistes de l'urbanisme,
il apparaît aujourd'hui que le plan global de La Chancellerie
était assez remarquable. Jean Pierre Roger affirme "qu'il
y avait une véritable unité de construction, que
les immeubles étaient en pierre de taille d'excellente
qualité ". Par contre si la plupart des immeubles
ne comprenaient que 4 étages, il faut ajouter que l'on
a aussi construit des immeubles qui n'étaient pas prévus
sur les plans d'origine !
A l'inverse, l'urbanisation du quartier
des Gibjoncs apparaît comme beaucoup plus déstructuré,
l'urbanisme n'est plus en Z.U.P., ce n'est plus la même
réflexion, et les immeubles sont davantage posés
les uns à côté des autres.
A SUIVRE SUR LA VIE DU QUARTIER AUJOURD'HUI
Hormis le complexe de La Chancellerie,
d'autres opérations immobilières voient le jour.
C'est ainsi qu'un autre quartier se construit à Vauvert,
avec 87 pavillons et 58 logements. Il est prévu de terminer
l'opération dans l'année 1965. L'architecte est
M. Audureau et les logements sont construits en "accession
à la propriété" avec l'aide financière
du Crédit Foncier de France.
Par rapport à ce qui se fait à Bourges Nord, le
concept est totalement différent. Ce sont des pavillons
individuels, et de petits immeubles de 1 ou 2 étages maximum,
et la publicité de leur vente insiste sur ce nouveau quartier
qui est "un milieu calme, aux portes de l'agglomération".