Comment, ce vaste domaine, que fut l'Abbaye
Saint-Ambroix puis une manufacture de toiles appartenant à
un certain Butet, se retrouve-t-il propriété d'une
des plus illustre famille de France : les Bourbons.
Comme cela a été mentionné
au chapitre précédent, l'ensemble appartient à
la famille Butet suite à un achat comme Bien national
par le patriarche, Jean-Baptiste Butet lequel a disparu quelque
part en Europe avec les armées de Napoléon, alors
que sa fille Camille, après le décès de
son mari et 1811 et de son frère en 1828 se retrouve la
seule héritière de ce domaine important au milieu
du premier Empire. Elle n'a qu'une enfant, la jeune Sarah qui
hérite à son tour.
Sarah épouse alors un voisin, le
jeune monsieur Yel, qui devient Charles Louis Yel de Castelnaut.
De cette union, va naître en 1832 Marie Anne Louise Yel
de Castelnaut
Et c'est à partir de cette époque
que le nom de Bourbon apparaît en ce lieu.
En effet, cette Marie-Anne-Louise Yel épouse
Gaspard Louis Joseph de Bourbon, c'était pour lui, une
seconde noce après le décès de son épouse
avec laquelle il avait eu deux garçons. De cette seconde
union, avec un Bourbon, Marie-Anne-Louise va donner naissance
à Louise Marie Joséphine Charlotte de Bourbon,
ce sera pendant un siècle ou peu s'en faut Mademoiselle
de Bourbon.
Et le domaine prendra alors le nom connu
aujourd'hui d'Hôtel de Bourbon.
Une recherche généalogique complexe
Il ne fut pas simple de retrouver comment,
un domaine aussi important, acheté par un révolutionnaire,
ancien maire de La Charité, dans le cadre de la vente
des Biens nationaux, se retrouve dans l'escarcelle d'une des
plus prestigieuses famille de la noblesse française, les
Bourbons, héritiers d'Henry IV.
Ce ne fut pas, comme certains l'avaient
pensé, un achat d'un comte de Bourbon à un successeur
de M. Butet, surtout après les difficultés de la
fabrique de toiles de bateaux, ou encore une " récupération
" des biens de l'Eglise dans l'époque ultra-royale
du XIXième siècle.
Tout sera plus simple, c'est l'arrière
arrière petite fille de ce Monsieur Butet, qui avait épousé
le comte de Bourbon Chalus, et leur fille unique, Louis, sera
cette demoiselle de Bourbon qui donnera désormais le nom
au domaine.
A Bourges, on parlera aussi bien de Saint-Ambroix
que d'Hôtel de Bourbon, mais comme résidence de
cette comtesse et non comme un Hôtel
Cette dénomination
viendra beaucoup plus tard, en 1990.
En résumé, sur la généalogie
de ces nouveaux propriétaires après la longue période
de " l'Abbaye " :
Jean Baptiste Butet
entrepreneur de voiles de bateaux.
Il a des enfants dont une fille :
- Marie Camille Butet : la Camille qui
écrit sur son frère et la famille.
Camille épouse Pierre Durand
C'est celui qui rapporte les restes de Chimène et Rodrigue.
- Marc-Pierre-Alexandre Butet
Camille et Pierre Durand ont des enfants dont :
- Marie Anne Sara Durant
née le 10 mars 1805
dcd le 20 juillet 1888 à 83 ans
Elle épouse
- Charles Louis Yel de Castelnaut
né le 11 sept 1785 à Paris
décédé en 1859
Ils ont des enfants dont
Marie Anne Louise Yel de Castelnaut
née le 4 avril 1832 à Bourges
dcd le 22 mai 1899 à Paris
Cette Marie Anne Louise Yel épouse
- Gaspard Louis Joseph de Bourbon
né le 21-1-1819 à Paris
mort le 10-11-1871 à Busset
Il se marie en 1847 avec Céline (1825 - 1857)
Il se marie en seconde noce avec Marie Anne Louise Yel de Castelnault
le 21-12-1860.
Ils ont une fille unique :
- Louise Marie Joséphine Charlotte
de Bourbon
née le 13 sept 1861 à Thony ou Thory dans l'Allier
décédée le 11 sept 1959 à Bourges.
Cette dernière personne sera pour
les Berruyers et les maires de Bourges, Mlle de Bourbon.
Les Bourbons-Chalus
La branche des Bourbons est à la
fois riche et complexe, avec de nombreuses " sous-branches
comme les " Bourbon-Busset " et les " Bourbon-Chalus
".
A l'origine, sans tracer l'ensemble de
la généalogie des Bourbons, on trouvera François-Louis-Joseph,
comte de Bourbon-Busset (4 février 1782, Paris - 14 décembre
1856, Paris), c'est un général et homme politique
français.
Puis, c'est la branche Chalus qui est un
rameau, d'où descendra Mlle de Bourbon. Parmi ce rameau,
se situe :
Charles Ferdinand de Bourbon-Busset, comte
de Busset (1819-1897).
Et
Gaspard-Louis-Joseph de Bourbon-Busset, comte de Châlus
(1819-1871), marié avec Céline Bravard d'Eyssat
(1825-1857),
François-Louis-Joseph, comte de
Bourbon-Busset
Lorsque l'on épluche les écrits
sur la période au cours de laquelle Mlle de Bourbon, descendante
tout de même du " roi de la poule au pot ", qui
se retrouve à la tête du domaine, il est question
d'achat alors que la réalité est plus curieuse
et plus simple.
En 1899, à la mort de sa mère,
Mlle de Bourbon a 38 ans et pendant 60 ans, elle sera la "
patronne " très stricte du domaine Saint-Ambroix.
Mlle de Bourbon entre en scène
Mademoiselle de Bourbon est donc issue
d'une des branches de la famille de Bourbon, c'est Louise Marie
Joséphine Charlotte de Bourbon, qui est née au
château de Thoury dans l'Allier, elle meurt à Bourges
Nous ne remonterons pas à l'origine
des Bourbon, seulement à ses parents avec le père
Gaspard Louis de Bourbon (1819 - 1871), qui était comte
de Chalus, de la branche Bourbon-Busset. commandeur de Pie X
Il est devenu veuf avec deux enfants, en
bas âge et il épouse en 1860 une jeune femme de
petite noblesse, Yel de Castelnault, âgée alors
de 28 ans.
L'acte de naissance de Louise de Bourbon
Sa mère, c'est à dire Marie
Anne Louise Yel de Castelnaut, qui était native de Bourges,
née le 4 avril 1832 était la seconde épouse
de Gaspard (elle meurt en 1899).
Cette jeune femme, Yel de Castelnault est née le 4 avril
1832 et elle était la fille de Charles Louis Yel de Castelnault
né à Paris le 11 septembre 1785. Il meurt en 1859,
et c'est à ce moment dans cet arbre généalogique
que l'on trouve la clé de ce qui fut longtemps une énigme
: en effet, ce Charles Louis Yel de Castelnault épouse
une roturière qui se nomme Marie Anne Sarah Durand, laquelle
est la fille de Camille Durand, cette dernière possédant
à la mort de son mari, Pierre, puis de son frère,
le domaine de l'Abbaye Saint-Ambroix.
Louise de Bourbon va naître en Bourbonnais
le 13 septembre 1861, juste 9 mois après le mariage de
ses parents, elle est donc de la " branche Bourbon Chalus
".
Louise de Bourbon meurt à Bourges le 11 septembre 1959
à l'âge de 98 ans. Elle s'appellera toujours mademoiselle
et n'aura ni mari ni descendance.
Notre Louise Marie de Bourbon avait deux
demi-frères, Robert et Charles.
Ainsi, l'Abbaye Saint-Ambroix prend le
nom de domaine et Hôtel de Bourbon, illustre famille par
simple succession des propriétaires, de la famille Butet
dont le fils Pierre épousera Camille et aura des enfants
dont Marie Anne Sarah !
Le domaine de Bourbon va donc appartenir
à Mlle de Bourbon qui était la seule et unique
héritière de madame Marie Anne Louise Yel de Castelnault,
sa mère
Premiers combats contre la municipalité
Ce quartier de Bourges qui comprend toujours
l'hôpital général de Taillegrain, prend de
l'importance avec l'implantation de la gare qui fut érigée
sur son emplacement actuel le 16 mai 1851 après que l'on
eut étudié la possibilité de creuser un
grand tunnel dans la butte d'Archelet pour faire passer la ligne
de chemin de fer qui datait de
1847 !
Pourtant, la présence des marais
des Prés Fichaux et de jardins rendaient ces lieux peu
attrayants, même si un effort avait été fait
dans les jardins de l'Abbaye par les propriétaires. Progressivement,
des travaux vont se réaliser, en particulier dans le domaine
de la voirie et de l'assainissement.
Avec l'arrivée des industries militaires dans les années
1870, Bourges se transforme et accroît sa population. De
profondes modifications se déroulent à partir d'un
décret de Jules Grévy, président de la République,
sur " l'ouverture d'un boulevard entre le pont Saint-Ambroix
et le cours Saint-Louis (Anatole France actuel) " et c'est
ainsi que le domaine de l'Abbaye est amputé d'une parcelle
importante avec le percement du boulevard de la République,
et le jardin au nord de Saint-Ambroix est coupé en deux
comme le montrent les plans de Delafosse et de Gassot.
Ainsi, le plan de Gassot de 1828 montre
l'ampleur du domaine, et le plan de Delafosse qui date de 1886
montre l'ouverture du boulevard de la République et ajoute
en plus la modification de ce qui sera la rue Jean Jaurès
qui sera sensiblement rectiligne de la place Mirpied actuelle
à la gare, amputant encore une partie du domaine Saint-Ambroix.
C'est un grignotage qui modifie considérablement le parcellaire,
les élus avaient comme idée, de permettre des constructions
de maisons de la place Parmentier au pont Saint-Ambroix ? Cela
ne se fera pas, pour des raisons techniques de terrain, et à
la place ce sera le jardin des Prés-Fichaux.
La discussion se fait houleuse entre le
maire de l'époque, Eugène Brisson, et la famille
de Mlle de Bourbon, ils ne s'aimaient pas beaucoup. Il était
radical et " un peu " anti-clérical, comme son
cousin, le grand Henri Brisson, Président du Conseil à
deux reprises, alors que Mlle de Bourbon était une catholique
fervente..
En 1897, le plan Delafosse est revu avec les lignes de tramways,
et ainsi, sur le boulevard de la République passera ledit
tramway devant une Mlle de Bourbon âgée de 36 ans
qui voyait son horizon se rétrécir et s'urbaniser
Ce n'était pas terminé !
Sur l'importance du domaine, il était
immense, puisqu'il allait jusqu'au cours Beauvoir plus le jardin
de la Légion d'Honneur et à la place Sainte-Catherine.
Pourtant le domaine est en assez mauvais état. En 1906,
on trouve chez François Vilaire cette phrase : "
Saint-Ambroix, dont on aperçoit quelques ruines, sur l'avenue
de la gare, près de la maison Yel ".
Plus tard encore, c'est un litige qui oppose en mai 1911, le
maire de Bourges Henri Ducrot à Mlle de Bourbon au sujet
d'un égout pour les eaux pluviales, que la ville a édifiée
à partir du Bouillet, et qui se déversait dans
un fossé ; les techniciens de la ville pensaient qu'il
appartenait à la commune. Or, après vérification,
ce fossé était propriété de Mlle
de Bourbon qui s'opposa dans un premier temps à ce déversement
d'eau de pluie dans sa propriété !
Il fallut une action forte de conciliation
délicate, le maire était en outre avocat, et finalement
ils aboutirent à un accord : " Mademoiselle de Bourbon,
inspirée de sentiments de conciliation et du désir
de rendre service à la Ville de Bourges
ne s'opposera
pas au maintien provisoire de l'égout ", et suivaient
4 paragraphes donnant les conditions d'utilisation de cet égout,
dans lequel était stipulé que le curage du fossé
de la propriété Saint-Ambroix sera effectué
par la Ville.
L'ensemble du secteur qui va s'appeler le quartier
de la gare sera l'objet de nombreuses convoitises dès
la première guerre mondiale terminée, c'est ainsi
que le monument aux morts de la ville est érigé,
alors que les édiles pensent à transformer les
marais en jardin populaire et de qualité. Aussi, après
ces différentes créations urbanistique, il restait
le domaine de Saint-Ambroix, encore très vaste malgré
les amputations faites par la ville.
Qu'allait devenir ces parcelles et ces
bâtiments, dans un état qui laissait à désirer,
dans un quartier qui ne demandait qu'à se développer.
Tout était entre les mains de Louise, comtesse de Bourbon.
Le Testament de Mlle de Bourbon
La logique économique et l'urbanisation
de la cité aurait voulu que tout soit détruit et
vendu à des promoteurs pour des opérations immobilières
de haut standing. C'est pourtant l'histoire d'un sauvetage que
nous allons analyser, avec un des épisodes les plus importants
pour la suite de cet Hôtel particulier et de ses dépendances.
En effet, le maintient dans " un certain état "
du domaine avec les bâtiments et l'Eglise tient du miracle.
Cette dernière aurait pu subir le sort de la Sainte Chapelle
de Bourges construite par Jean de Berry et démolie par
les chanoines
C'est dans les archives de l'Archevêché
du diocèse de Bourges que se trouvent les différents
documents relatifs au testament de Mlle de Bourbon. Il y a un
premier document manuscrit de l'Association Diocésaine.
Cette association a été créée en
vertu d'une Assemblée Générale constitutive
le 2 novembre 1925, date à laquelle elle fut déclarée
et publiée.
Le document préparatoire a été
rédigé par François Vilaire et bien entendu
par le notaire.
A l'origine, Mlle de Bourbon voit son notaire à Bourges,
M° Brochard et signe deux actes importants, l'un daté
du 24 avril 1944, et le second du 12 mai 1944, à 3 semaines
du débarquement des Alliés, et elle attribue son
domaine à l'Association diocésaine, sans aucune
charge de prix. Elle est âgée de 83 ans.
Visiblement, Mlle de Bourbon, très pieuse ne voulait pas
que ce domaine s'en aille ailleurs que dans le patrimoine religieux.
Cela permet de voir que l'adresse de la
propriétaire qui possède les numéros des
différents bâtiments de 40 à 64, et elle
habite personnellement au numéro 62.
Le signataire pour l'Association Diocésaine est Monseigneur
Joseph Lefèvre, qui est l'Archevêque de Bourges,
futur cardinal.
Il reste toutefois quelques réserves comme la maison située
avenue de la Gare, au nord de l'abbaye, et occupée à
ce moment par M et Mme Garançon.
Cette attribution à l'Association Diocésaine du
Diocèse de Bourges avait une condition expresse et spéciale
et si cette condition n'est pas acceptée, cette sorte
de legs sera caduque. On peut lire que :
" L'Hôtel particulier ci-dessus
désigné ne pourra être occupé que
par des Ministres de l'Eglise Catholique Apostolique et Romaine
en communion avec notre Saint-Père le Pape et que cet
hôtel sera utilisé après aménagement
comme maison de retraite des Prêtres du Diocèse
".
De plus, compte tenu des lois relatives
à la séparation des Eglises et de l'Etat de 1905,
cette opération devient possible à la suite d'une
loi du 25 décembre 1942 qui permet aux Associations Diocésaines
de recueillir, dorénavant " les libéralités
testamentaires ou entre vifs destinées à l'accomplissement
de leur objet ou grevées de charges pieuses ou culturelles
". Il a été demandé une autorisation
préfectorale qui est signée par le Préfet
du Cher le 18 février 1944, sous le numéro 433.
Quelques années plus tard, Mlle
de Bourbon fait évoluer son testament qui est reçu
le 31 janvier 1958 par M° Brochard son notaire et dans lequel
elle modifie en quelque sorte les termes de la donation de 1944.
Il est écrit :
" L'Association Diocésaine
pourra disposer de ces immeubles à sa guise et elle pourra
également disposer à sa guise de l'Hôtel
particulier que j'habite 60 et 62 Avenue Jean Jaurès et
dont je lui ai fait apport en nue-propriété aux
termes d'un acte reçu par M° Brochard le 12 mai 1944.
J'entends donc dispenser formellement l'Association Diocésaine
de l'affectation particulière contenue audit acte ".
Mais, très âgée, elle
a plus de 80 ans, lors du legs de 1944, elle se réserve
l'usufruit du domaine jusqu'à son décès.
Aussi, à la mort de la comtesse, en 1959, après
vérification auprès du bureau des hypothèques
de Bourges, le domaine devient la propriété de
l'Association Diocésaine.
Il est aussi écrit que ses héritiers
auront un délai de 6 mois pour l'enlèvement du
mobilier qui pourrait s'y trouver.
Le Conseil d'Administration de l'Association
Diocésaine s'est réuni le 19 avril 1944, avec outre
Mgr Lefèvre qui en est le président, les chanoines
Camille Signargout et Joseph Rivièe, ainsi que le chancelier
Bedu, le chanoine Vilaire et le chanoine Dallois.
L'ouragan de 1952
Il y a régulièrement à
Bourges comme ailleurs des tempêtes et autres ouragans
et celui du 28 septembre 1952 semble avoir été
particulièrement dévastateur.
En effet, le vent a soufflé selon les services de la météo
local à plus de 140 Km/h, et les dégâts ont
été importants dans le centre-ville de Bourges,
avec des cheminées qui se sont effondrées et des
arbres qui ont été déracinées. La
circulation, le lendemain sera interrompue dans plusieurs rues,
comme Mirebeau ou les Hemerettes, et plus au nord, vers le domaine
de Mlle de Bourbon.
Aussi, la maison occupée par l'aumônier des Hospices
qui loge au N° XX, et le chanoine Dallois au vu des dégâts
sur cette maison qui est " une annexe du Palais Bourbon
", c'est la terminologie alors employée
a
demandé à un architecte de Bourges, M. René
Roussillon de procéder à l'examen des dégâts
et chiffrer le coût des réparations.
En effet, cette maison était située sous un arbre
gigantesque, et une grosse branche est tombée sur le toit
de cette petite maison.
L'architecte demande qu'une autre branche qui menace soit coupée,
et il établit un devis estimatif qui se monte à
24 618 00 francs.
Ces dégâts montrent que la situation de l'Hôtel
est devenue précaire et nécessite des travaux que
Mlle de Bourbon, compte tenu de son âge n'est pas très
décidée à entreprendre. Elle va pourtant
vivre encore près de 10 ans, restant plus souvent à
paris ou dans une autre maison rue Henri Laudier que dans "
son Hôtel ".
La mort de Mlle de Bourbon
Mlle de Bourbon meurt le 11 septembre 1959,
elle avait 98 ans, et sans doute comme l'on disait à l'époque
" de vieillesse ". Le très court avis mortuaire
indique qu'elle était décédée "
munie des Sacrements de l'Eglise ".
Il n'y aura aucun article dans les journaux
locaux, pas plus dans le Berry Républicain que dans la
Nouvelle République.
C'est dans l'Eglise Notre-Dame que se déroulera en petit
comité la messe de la cérémonie religieuse,
il s'agit en effet de sa paroisse, il y aura des condoléances
à l'issue de la cérémonie, mais " ni
fleurs ni couronne " et il est ajouté " que
des messes " !
Outre le faire part de décès
qui paraît dans les deux journaux locaux, on pouvait s'attendre
à un article circonstancié dans une revue catholique
locale du diocèse de Bourges
et il n'en fut rien.
Dans La Vie Catholique du Berry du 19 septembre 1959, alors que
le diocèse va récupérer un domaine qui sera
estimé à une somme considérable de près
de 750 000 nouveaux francs, il n'y a qu'une phrase dans la rubrique
" Recommandation aux prières ".
L'information est noyée au milieu
d'autres avis de décès, avec d'autres personnes.
On peut lire dans ces recommandation aux prières "
Mlle la Ctesse Louise de Bourbon, tertiaire de Saint-François,
décédée à l'âge de 98 ans à
Bourges, le 11 septembre ".
Un faire-part très succinct
Cela permet de voir qu'il ne reste que
ses deux neveux, des Bourbons-Chalus, respectivement Charles
et Pierre, et une nièce, la Comtesse de Rougé.
Elle est inhumée dans le tombeau
où reposent sa grand mère, Maria-Anne-Sarah Durand,
devenue Yel de Castelnault et sa mère Maria-Anne-Louise
au cimetière des Capucins, qui est le cimetière
" historique " de Bourges, le plus ancien de la cité.
La tombe est modeste, et il est indiqué
gravé dans la pierre " à la mémoire
de Louise Marie Charlotte de Bourbon, " ce qui aurait pu
faire penser qu'elle n'est pas inhumée dans ce caveau.
Il n'en est rien, les archives des Capucins donnent la fiche
de l'inhumation qui se déroulera le 15 septembre à
10 h 30.
Les inscriptions sur la tombe familiale
nous plonge dans l'expectative, puisque si il y a trois corps
inhumés, ce sont trois personnes de sexe féminin.
Il est possible de lire, gravé sur la pierre tombale :
HIC JACENT
. qui signifie " Ci-gisent ceux qui espèrent
la Résurrection " et ont été inhumées
:
Maria Anna Sarah Durand VIDUA, veuve de CAROLI LUDOVICI, Charles
Louis YEL DE CASTELNAULT
Puis sa fille :
Maria Anna Louise YEL DE CASTELNAULT, veuve de GASPARD DE BOURBON,
COMTIS DE CHALUS.
Et enfin la comtesse de Bourbon, LOUISE MARIE CHARLOTTE JOSEPHINE
DE BOURBON qui est la fille de la personne précédente.
On remarquera que les maris des deux première femmes ont
été enterrées dans un autre lieu ! sans
doute dans leur province du Bourbonnais et que les deux épouse
ont voulu rester à Bourges dans le plus vieux cimetière
de la ville. : le " Père Lachaise " de la capitale
du Berry.
Après le décès de
Mlle de Bourbon, chacun veut savoir, et surtout le diocèse
ce que constitue ce legs et avoir avec précision ses limites
et tous les termes des écrits sur le plan juridique.
C'est dans un document rédigé au mois d'octobre
1959, un mois après le décès de la Comtesse,
par l'architecte de la rue Porte Jaune, M. A Heer, que se trouve
le plan de la propriété à la mort de Mlle
de Bourbon.
En effet, l'Association Diocésaine
qui se retrouve avec ce domaine, cherche à savoir quelle
est l'ampleur réelle des biens qu'elle vient de récupérer.
Il y a quelques surprises, car si la partie
de l'Abbaye est bien connue, de par l'importance des immeubles,
se trouvent aussi aux numéros 40 à 58, des maisons
qui sont occupées par différents locataires dont
M. Silvin, lequel possède un magasin de fleurs et plantes
et surtout un " domaine horticole ".
En 1960, au mois de février, le
notaire qui craint toujours un incendie de ces bâtiments
livrés à l'abandon fait examiner le contrat d'assurance
incendie qui est localisé chez M. de Bengy, et qui est
selon M° Moilard, successeur de M° Brochard est assuré
pour des sommes ridicules que " Mademoiselle de Bourbon
n'avait jamais voulu augmenter depuis 1936
"
Ce qui permet, après examen du travail de M. Heer, de
noter les surfaces habitables
ou presque.
Il ressort que :
- L'habitation personnelle de Mlle de Bourbon
est de 758 M2, y compris les anciennes écuries.
- L'habitation du N° 58 fait 137 M2.
- Les deux maison des N° 54 et 56 font une superficie totale
de 156 M2
- La maison occupée par M. Silvin fait 112 M2 avec les
dépendance.
- La maison N° 50 a une superficie de 107 M2
- Enfin la maison du numéro 60, a une superficie de 54
M2.
L'Association diocésaine, après
analyse de la situation et de l'état de ce qui est légué,
n'est pas très active pour en prendre possession, elle
n'a aucun projet à court terme compatible avec les finances
du diocèse.
Aussi, dès le début des années 1960, les
négociations entre la Ville et l'Association Diocésaine
commencent, la ville prend connaissance du dossier, les discussions
se poursuivent et en mars 1961, c'est le notaire M° Brochard
qui souligne par courrier à monseigneur Depigny, certaines
difficultés, à savoir l'enclave formée par
la maison occupée par l'aumônier qui ferait une
enclave et la Ville ne peut l'accepter, mais R. Boisdé,
le maire de Bourges depuis 1959, s'engage à loger l'aumônier.
Si le bail de M. Silvin pose problème,
il n'est pas insurmontable, mais l'autre maison louée
à madame Garançon n'est pas dans la propriété
de l'Association Diocésaine, il y avait quelques exceptions
dans le legs, dont une petite maison qui appartient à
l'héritière de la Comtesse de Bourbon, qui est
sa nièce et c'est " madame de Rouge ", le notaire
dans sa précipitation en oublie le titre et le nom exact
qui est Mme la Comtesse de Rougé !
Lorsque se déroulent différentes
tractations entre l'Association diocésaine et la Ville
de Bourges, le domaine de Bourbon est donc épluché
sur le plan juridique et urbanistique.
Le directeur des services techniques de la ville établit
le 17 avril 1961 une note au Directeur général
qui découpe alors l'ensemble en 4 îlots d'importance
inégale, mais dont la surface totale est proche de 15
000 M2, soit plus d'un hectare. ( 13143 M2).
Les 4 îlots sont ainsi décrits
:
Ilot N° 1 :
Ce fut la première surprise puisque
cette petite parcelle n'est pas dans le legs, elle a été
donné en héritage à Mme la Comtesse
de Rouget, qui loge une personne âgée de 74 ans,
Mme veuve Foucherat " dans une chambre et un débarras
", il est ajouté que cette vieille personne est employée
de maison rue Littré et la Comtesse de Rouget accepterait
de vendre cette propriété à condition de
reloger Mme Foucherat dans un logement à petit prix.
Ilot N°2 :
C'est la partie du domaine qui est habituellement
appelée " Hôtel de Bourbon ", une surface
de 5128 M2, avec des bâtiments plus une chapelle "
dont l'état nécessiterait de grosses réparations
d'un coût élevé et suivant son affectation,
des aménagements ". De plus un vaste terrain est
attenant à cette partie du domaine, à usage de
parc et jardin.
L'association Diocésaine qui en est propriétaire
semble pouvoir en disposer librement et accepterait de vendre
cet îlot au prix de 360 000 nouveaux francs. (soit 560
000 euros), ce qui est conséquent.
Ilot N° 3
C'est un ensemble de constructions portant
les numéros 48 - 50 - 52 -54 - 56 - et 58 de l'avenue
Jean Jaurès, avec ses cours et des serres horticoles.
Les n° 48 à 50, à usage commercial et d'habitation,
sont loués à diverses personnes.
Le N° 52, qui est de même nature est loué par
bail à M. Silvin, horticulteur.
Les N° 54 et 56 sont à usage d'habitation.
Le N° 58 est occupé par un aumônier.
La superficie totale de cet ensemble est de 3130 M2.
Il est indiqué dans la note que
ces bâtiments sont en état de vétusté
avancé, et de plus frappés par une servitude de
reculement par le plan d'alignement de l'avenue Jean Jaurès.
Le cabinet Nérault, en février 1960 a estimé
cet ensemble qui appartient à l'Association Diocésaine
qui en est propriétaire de l'Ilot à 160 000 nouveaux
francs, soit 250 000 euros.
Ilot N°4
C'est essentiellement un jardin horticole
de 4885 M2, et il est loué suivant un bail de longue durée
à M. Silvin, horticulteur.
Il a été légué, ce qui ne simplifie
pas les choses par moitié à l'Association Diocésaine
de Bourges et à Mme la Comtesse de Rouget.
Le cabinet Nérault, compte tenu de l'existence de ce bail
a estimé ce bien à 200 000 nouveaux francs soit
315 000 euros.
Le rédacteur de la Ville note qu'en cas d'acquisition,
par la Ville, l'indemnité d'éviction à accorder
à l'occupant pour le terrain et aussi pour le magasin
d'exposition de l'Ilot 3 serait très élevée.
Juin 1961 : le legs est enfin une réalisé
Mais pour que le legs soit accepté,
il faut en particulier que le Préfet du Cher donne son
accord, mais celui-ci ne prend pas de risque et fait remonter
la question au plus haut niveau de l'Etat.
En effet, dans cette période de 1961, troublée
sur le plan politique, il est bon de ne faire aucune erreur juridique
ou politiques.
C'est ainsi qu'un décret ministériel est pris,
autorisant une association cultuelle à accepter un legs,
par le premier ministre de l'époque, M. Michel Debré,
au vu des différents documents qui lui sont présentés,
et en particulier le testament de Louise, Marie, Joséphine,
Charlotte de Bourbon Chalus, avec les codicilles olographes de
mars 1959.
Le document est signé du ministre
de l'Intérieur, M. Roger Frey pour le Premier Ministre
Michel Debré le 29 mai 1961.
Le fond des 4 Piliers, à la bibliothèque
de Bourges, a permis, après des recherches délicates,
de retrouver des clichés de l'abbaye, certains pris à
l'insu des propriétaires, et qui montrent sur certaines
époques, comment a évolué le domaine.
Clichés parfois pris sous la neige,
avec deux séries principales, l'une datant des années
1930 et l'autre des années 1960. Nul ne sait qui les a
pris, et comment ils se sont retrouvés dans ces archives
du fond Berry.
A notre grand regret, aucun portrait ou
photographie de Mlle de Bourbon n'a été retrouvé
à ce jour !
Cet article provient d'un livre de Roland
Narboux : De l'Abbaye Saint Ambroix à l'Hôtel de
Bourbon, édité en 2017 aux éditions de La
Bouinotte.