MAURICE
ESTEVE LE BERRICHON DE CULAN
Maurice
Estève est né à Culan le 2 mai 1904. Sa
mère était venue le mettre au monde chez ses beaux-parents,
simples paysans. Elle le leur confiera pour poursuivre son travail
dans un atelier de haute-couture comme couturière d'abord
puis modéliste. Alors, Estève sera élevé
par ses Grands Parents paternels à Culan.
Il écrira plus tard, se rappelant de son enfance :
"Dès
que j'avais un moment libre, et souvent même plutôt
que de jouer avec mes petits camarades, je m'enfermais pour dessiner".
Estève va vouer une
véritable vénération à sa grand-mère
illettrée mais d'une grande sensibilité.
Au cours d'un voyage à Paris, il n'a pas dix ans et il
découvre le Musée du Louvre, petit enfant, il est
attiré par Chardin, Corot et Courbet.
Estève raconte encore :
" Je me souviens même qu'à Culan, avant mes
neuf ans, au sortir d'une maladie d'enfance lorsque, après
un mois de chambre, je fis ma première sortie à
la naissance d'un printemps très beau et très doux,
en franchissant le petit pont sur la rivière, j'eus comme
une illumination.
je découvris le merveilleux : la lumière, les champs,
les fleurs. Tout concourait à me mettre dans un état
d'intense émotion devant la beauté véritable".
Il vient à Paris retrouver ses parents en 1913, mais la
guerre arrive et il la passe à Culan qu'il quitte seulement
à 14 ans, en 1918 avant de rejoindre ses parents à
Paris. C'est un milieu peu ordinaire que cet adolescent découvre,
d'un côté les coulisses de la riche haute couture
avec sa mère, d'un autre côté, ce sont les
meetings syndicaux qu'il fréquente avec son père.
ESTEVE
CHERCHE SON STYLE
C'est à l'âge de 11 ans qu'Estève commence
à peindre. Mais tout ne se passe pas facilement. Son père
veut en faire un travailleur manuel, il va combattre la vocation
du jeune Maurice.
" Je voulais continuer mes études, mon père
y était hostile", la vie "de famille" devenant
intenable, Estève quitte Paris, en 1923, à 19 ans,
il s'en va à Barcelone pour diriger un atelier de dessins
de châles.
De retour à Paris après un an en Espagne, il se
remet à peindre en alternant avec des "petits boulots".
A partir de 1930, Estève s'installe dans un vrai atelier
de peintre, Porte de Vanves. On lui propose à cette époque
d'exposer 25 toiles (dont certaines sur le thème du Couple,
ce sera " Le grand couple ", mais aussi " Les
fiancés du jour de l'An " et enfin " Le couple
sombre ") à la galerie Yvangot : aucun vente en raison
de la crise. L'exposition suivante se déroulera seulement
18 ans plus tard.
En 1929, Estève a 25 ans, il vit à Paris, il subit
les influences des grands mouvements de la peinture du XX°
siècle, il flirte avec les surréalistes, mais il
cherche son style. Parfois, dans une toile, on trouve ce qui
sera la pièce maîtresse de toute son uvre.
C'est à partir de 1930 qu'il commence à abandonner
tout modèle, dans son atelier de la rue de Vanves, il
peut enfin faire des toiles de toute dimension. Pour Dorival,
il y a dans cette période, "la volonté de
l'artiste de repenser le monde en termes de plastique pure".
En 1936, il est traumatisé comme l'ensemble des intellectuels,
par la guerre civile de l'Espagne, c'est une des rares périodes
où il fait éclater son sentiment sur l'injustice
et les inégalités de la Société,
on ne retrouvera guère ce cri dans le reste de son uvre.
C'est l'époque des difficultés financières,
il ne peut pas s'acheter facilement ses toiles et ses tubes de
couleurs, il en est réduit à réutiliser
des toiles peintes auparavant.
"Dès
que j'avais un peu d'argent, je peignais, lorsque je n'avais
plus rien, je cherchais un modeste gagne pain. Cela dura jusqu'en
1939."
ESTEVE
APRES 1940 : UN GRAND PEINTRE
Pendant la guerre, Estève continue
à peindre, il réalise en particulier de nombreuses
esquisses qu'il espère pouvoir finaliser plus tard.
L'Art est difficile à faire de manière libre. Picasso
est en sommeil, et pendant toute la période nazie, l'abstraction
est tout simplement interdite.
C'est aussi l'arrivée de la nouvelle génération
des peintres avec Lapicque, Manessier, Tal Coat et bien sûr
ESTEVE. Pour eux, c'est l'attachement aux leçons constructrices
du cubisme et son goût pour la couleur héritée
de Matisse et Bonnard. Ils se tournent vers l'abstraction sans
refuser la réalité.
Estève commence à vivre de sa peinture. Vers 1943
il va vers l'abstrait, il dira lui-même : " Je peux fixer
à 1944 le début de mon évolution "rectiligne"...
j'ai l'impression de partir en voyage dans un monde inconnu".
Avec d'autres jeunes peintres, ils ont alors un peu plus de 40
ans, ils sont attachés à la sensibilité
picturale humaniste. Il y a Bazaine, Pignon, Manessier : ce sont
les espoirs de demain ! Cette Ecole de Paris occupe des positions
avancées, la notoriété d'Estève s'affirme.
Il expose beaucoup en particulier dans les pays du nord de l'Europe,
qui semblent aimer les teintes chaudes du peintre, ce jaune qui
est dans la plupart de ses toiles. Estève touche à
d'autres formes picturales, comme l'aquarelle, et il se tourne
aussi vers la tapisserie.
Il y aura deux grands moments
dans cette période, le premier, c'est la rétrospective
en octobre 1986 au Grand Palais à Paris, il y avait là,
François Léotard, Jack Lang et Jacques Rimbault.....pour
le vernissage, ils entouraient un des grands peintres contemporains.
Le second, c'est l'ouverture du Musée ESTEVE à
Bourges, dans cet Hôtel c'était le 19 décembre
1987.
Dans ce magnifique musée, ouvert au public, il y a des
dizaines de toiles d'Estève, des tapisseries, des dessins,
des aquarelles, des lithographies originales et quelques papiers
collés, c'est la chance de Bourges de disposer d'une telle
richesse.
Maurice Estève meurt en 2001 à Culan où
il est enterré, il avait 97 ans.
LA COTE
DES TOILES D'ESTEVE
Estève accordera à la galerie Louis Carré,
un contrat en 1942 qui lui permettra dès lors de vivre
de son uvre.
Ce galiériste, avocat d'origine était aussi passionné
d'orfèvrerie. Mais il se fait connaître par ses
achats en matière d'art. Il expose Picasso, Bonnard, Léger
et bien sûr Estève. Louis Carré meurt en
1977, et c'est Patrick Bongers, son petit fils, qui reprend la
galerie.
Après la mort de Maurice Estève, il apparaît
que la "cote" des tableaux augmente.
A l'hôtel Drouot, lors de la vente des uvres de la
collection d'Alain Delon, le tableau d'Estève " Noirbel
" de 1957" a atteint le prix de 478.624 euros, soit
un record mondial pour cet artiste.
Quatre donations seront réalisées
par Monique et Maurice Estève en 1985, 1989, 1992 et 1997.
En 2005, une exposition de "monotypes" est organisée
à partir des uvres d'Estève, il était
entouré de Braque, Picasso ou Matisse.
En octobre 2007 deux collages de Maurice Estève sont donnés
à la ville par Mme Estève, il s'agit :
- du collage C 275 réalisé en 1993, à l'occasion
de l'inscription de la cathédrale de Bourges au patrimoine
mondial de l'UNESCO.
- du collage C 320, créé par Estève en 1998
pour le carton d'invitation, l'affiche et la couverture du catalogue
de l'exposition "Collages. Invention, subversion, ou diversion
?" présentée en 1999 au musée Estève.
juillet 2010