Vers les Etats Généraux
à Bourges
Tout d'abord, la convocation des Etats
généraux en France ne s'est pas faite dans la précipitation.
En effet, la décision remonte à juillet 1788, et
l'objectif du pouvoir était
de trouver de l'argent
pour la couronne. C'est à la fin de l'année
1788 que Bourges commence à s'intéresser à
ces Etats généraux.
Les modalités d'organisation n'étaient
pas très simple, car plus personne ne savait faire. Il
faut savoir que les derniers Etats généraux remontaient
dans le temps à 1614, et c'était à Tours.
Il fallait réinventer le nombre de députés,
les électeurs, les collèges
bref tout était
à construire.
Mais la première étape des
Etats généraux, c'est l'élaboration et l'écriture
des cahiers de doléances.
Pourtant la politique politicienne reprend vite son rôle
et cette période est avant tout consacrée à
savoir si le nombre de députés du Tiers Etat aura
ou non autant de députés que la somme des députés
de la noblesse et du clergé.
Le 27 décembre 1788, le Conseil
du roi accepte la proposition du Tiers Etat, à la demande
du ministre Necker. C'est un peu le début de la toute
nouvelle puissance de ce qui sera " le peuple " pendant
cette révolution qui va durer une dizaine d'années.
Ce point qui n'était pas un détail
intéressait davantage Châteauroux qui était
pour le Berry plus en avance que Bourges pour les idées
nouvelles.
Le responsable de la convocation des Etats
généraux pour l'ensemble de la province du Berry
est Claude de Bengy dont un contemporain a pu dire de méchante
manière :
" Il était un
honnête homme, doux, modeste, sans énergie, sans
ambition ".
Claude de Bengy, dont le portrait est peu
flatteur réalisa ce travail d'organisation de fort brillante
manière.
Bourges et le Berry soufraient de l'absence
des fortes personnalités, l'apanage, le gouverneur, l'archevêque,
ils étaient absents de leur province du Berry. Aussi Claude
de Bengy du les suppléer dans le travail administratif.
L'apanage appartenait au Comte d'Artois,
le futur Charles X. Mais bien peu de berrichon se souvenaient
de lui, tant il était absent. Quant au gouverneur de la
province, il s'agissait là encore d'un " Grand "
de l'époque, le prince de Conti, lui, n'avait jamais mis
les pieds dans sa province.
L'intendant du Berry, se nommait Dufour de Villeneuve, pour faire
sans doute comme les autres il demeurait loin de Bourges, il
était malade, mais il rentrera quelque temps jusqu'au
lendemain de la nuit du 4 août, et il sera le premier noble
berrichon à émigrer.
Enfin, l'archevêque de Bourges, Mg Chastenet du Puységur,
il avait été nommé à ce poste le
6 avril 1788, mais ne vint à Bourges qu'un an plus tard.
Les Etats généraux correspondaient
à une forte attente de la population, mais le besoin était
flou et diffus, car ce qui préoccupait les gens, c'était
le quotidien, et pas les grandes idées, et encore moins
une hausse des impôts.
Beaucoup attendaient plus de justice fiscale, et en Berry, tout
cela était amplifié par une dizaine d'années
de mauvaises récoltes, et en 1788, cela fut accru par
une forte mortalité du bétail, les intempéries
avaient en effet décimé le bétail, les vignobles
avaient eux aussi beaucoup soufferts.
Aussi, lorsque l'hiver 1788 / 1789 arriva, avec un froid qualifié
de " fameux " et des inondation à la fin de
l'hiver et au début du printemps, la population était
à bout. Les gens des campagnes qui formaient l'essentiel
de la population du Berry, mais aussi les négociants,
et autres juristes mettaient beaucoup d'espoir dans les Etats
Généraux.
Les Etats généraux
se réunissent
Tout d'abord, la première phase
des Etats généraux se déroule en province,
et donc en Berry. Il faut attendre le 5 mai 1789 pour que Paris
et Versailles prennent rang dans l'actualité et l'histoire.
En Berry, Claude de Bengy organise ces
Etats Généraux à partir d'un règlement
de convocation daté du 24 janvier 1789. Les électeurs
sont dans les 3 ordres, clergé, noblesse et tiers état
et c'est le 16 mars 1789 qu'ils se réunissent à
10 heures du matin en l'église des Carmes, sur la place
qui est aujourd'hui la place Cujas. C'est le comte de La Chatre
qui assure la présidence des premières séances.
Le clergé est à droite, ce
qui semble normal, la noblesse à gauche ce qui l'est moins,
et le tiers état est face au président, aussi nombreux
à lui seul que les deux autres ordres.
Tout commence avec une messe, puis un appel nominal et un discours
d'ouverture du comte de La Chatre, grand bailli de France et
ses propos sont assez surprenants, ils annonce la futur nuit
du 4 août prochain, il dit par exemple :
" les députés vont s'occuper de déraciner
un grand nombre d'abus
. Le tiers état ne sera plus
foulé
enfants adoptifs d'un même père,
tous les français sont frères, ils sont tous égaux
pour la cause commune " ".
De tels propos sont à rapprocher
du vocabulaire maçonnique de l'époque, et le comte
était un " initié " parisien, alors que
le maire de Bourges, Clément de Beauvoir, son premier
échevin Sué, et Claude de Bengy l'organisateurs
tous étaient des francs maçons de Bourges.
Le comte de La Chatre ira encore plus loin
en déclarant :
" Des trois ordres de l'état, nous voulons
être le premier à offrir nos fortunes à la
patrie, comme nous sommes les premiers à combattre pour
elles ".
Le ton à Bourges est donné,
et les trois ordres vont se séparer pour s'en aller rédiger
les cahiers de doléances, et ensuite pour élire
leurs députés.
Le clergé se réunit au palais
épiscopal (aujourd'hui mairie de Bourges) sous la direction
de l'archevêque Mg de Puységur. La noblesse s'en
ira à l'Hôtel de Ville, c'est à dire au palais
Jacques Cur, et c'est le comte de La Chatre qui préside.
Enfin le tiers état reste sur place à l'église
des Carmes et ira ensuite au collège, aujourd'hui hôtel
des Echevins.
Certains auteurs affirment que la noblesse
de Bourges était, contrairement aux propos du comte de
La Chatre, particulièrement intolérante.
Les cahiers de doléances
Au cours des premières réunions,
chacun rédige son propre cahier de doléances, et
c'est celui du tiers état qui présente la meilleure
rédaction.
Il demande, l'égalité devant les charges publiques,
la réforme de l'impôt, la suppression des lois qui
excluaient les roturiers des grades civils et militaires.
A lire ces cahiers, on peut lire pour le
Berry, que " la presse sera libre sous la condition
que l'auteur demeurera responsable de sa production ",,
mais aussi ces lignes qui vont revenir très souvent dans
les provinces, " qu'il n'y ait plus à l'avenir qu'un
seul poids et une seule mesure dans toute la France ".
L'élection des députés
Puis ce sont les élections des députés
qui vont s'en aller siéger à Paris, alors on trouve
des personnages qui vont avoir une importance considérable
durant une dizaine de ces années, alors que d'autres vont
sombrer dans l'anonymat. Pour le Berry, il y aura donc 4 députés
pour la noblesse et 4 pour le clergé, mais 8 représentants
pour le tiers état.
Pour l'ordre de la noblesse, sont élus
:
Le comte de La Chatre
Le marquis de Bouthilliers
Le vicomte Heurtault de Lammerville
Philippe, Jacques de Bengy-Puyvallée.
Pour l'ordre du clergé, c'est la surprise, car si l'archevêque de
Bourges est élu, les trois autres appartiennent au bas-clergé
ce qui provoque une grave crise, car la défaite des chanoines
et autres dignitaires de l'église passe très mal,
certains très fâchés, vont en parler au roi.
Sont élus :
Mg de Puységur, archevêque
de Bourges
Poupart, curé
Villenanois, curé
Yvernault, professeur de théologie.
Enfin, pour le tiers état, ils sont 8 :
Thoret, docteur en médecine à
Bourges
Sallé de Choux, avocat à Bourges
Grangier, avocat à Sancerre
De Boery, avocat à Châteauroux
Poya de l'Herbe, lieutenant particulier d'Issoudun
Legrand, avocat à Châteauroux
Auclerc Descote médecin à Argenton
Beaucheton, avocat à issoudun.
En examinant la liste, ion remarque 5 avocats,
2 médecins et un lieutenant de baillage, les berrichons
envoient à Paris des gens qui savent parler
et 3
d'entre eux sont des nobles !
Parmi ces personnages, deux auront un destin
fort. D'abord Legrand, l'avocat de Châteauroux, c'est lui
qui va quelques semaines plus tard, faire proclamer que le tiers
état soit transformé en Assemblée nationale,
avec l'aide de Sieyes c'est un acte majeur de la Révolution.
Le second est Sallé de Choux, à
qui l'on doit la départementalisation du Berry et la formation
du cher et de l'Indre.
Enfin, à la veille de se rendre
à Paris, on remarque que ces représentants berrichons
ne sont pas des révolutionnaires, ils sont tous monarchistes
et veulent simplement davantage de justice et d'égalité.
Ils ne " montent " pas à Paris pour tout chambouler
!
Les berrichons à Paris
Une fois les cahiers de doléances
rédigés, les députés élus
s'en vont à Paris où plutôt à Versailles,
où ils sont reçus par le roi Louis XVI le 2 mai
de cette année 1789. C'est dans la salle dite des "
menus plaisirs " que se déroule cette séance
inaugurale qui a du impressionner nos députés berrichons.
Ils sont là, 16 députés,
divisés, au milieux de 1165 de leurs collègues
élus.
Le premier à se porter au devant
de la scène est le marquis de Boutilliers, député
de Bourges qui fait adopter une motion le 28 mai 1789 qui fut
adoptée, stipulant que les délibérations
se feraient par ordre avec des veto respectifs de chacun des
ordres. C'était le principe constitutif de la monarchie,
et rien de bien nouveau et encore moins révolutionnaire.
A Paris et Versailles, les événements
se précipitent, le 20 juin, c'est le serment du jeu de
Paume, le 9 juillet, l'assemblée nationale devient assemblée
constituante et quelques trois semaines plus tard, c'est le 14
juillet et la prise de La Bastille.