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MONSEIGNEUR FOUCHER, ET LE MUSEUM DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges, avec Monseigneur Gabriel Foucher, cet homme d'église et homme de sciences fut le créateur du Muséum.

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Version 2015

 

Personnage peu connu à Bourges aujourd'hui si ce n'est que le Muséum d'Histoire naturelle dont il est le créateur porte son nom. Monseigneur Foucher fut un grand personnage local.

Tout commence en 1925 avec une lettre signée du chanoine G. Foucher, envoyée à la presse locale. Ce distingué personnage signale que le Musée de Bourges s'est enrichi d'une magnifique collection d'insectes de France. Ces petites bêtes furent données par le fils d'un éminent entomologiste, ancien brillant élève au lycée de Bourges. Et le chanoine Foucher, par ailleurs Membre correspondant du Muséum de Paris, d'ajouter qu'il compléterait avec ses collections personnelles ce premier apport. Il signalait aussi que des échantillons de la faune du Brésil avaient été donnés par M. Vatan, adjoint au maire de Bourges.
"Ainsi, commencera à se réaliser ce désir de créer dans toutes les villes un musée d'histoire naturelle qui permette aux enfants de s'instruire" écrira cet homme d'Eglise. Il suggère que Bourges se dote d'un vrai Musée d'Histoire Naturelle, puisque ses premières collections ont été présentées dans le Musée du Berry, davantage prévu pour l'archéologie.

Ce Monseigneur Foucher était berrichon, né le 22 juillet 1865 à Henrichemont ; il fut ordonné prêtre en 1889, puis nommé curé d'Avord et dans d'autres ministères du diocèse de Bourges et de Paris.

Il devient Chanoine titulaire de la cathédrale de Bourges en 1922 et prélat de la Maison de la Sainteté.

En avril 1914, en récompense des services rendus à l'Institut catholique de Paris, , où il avait été professeur, il est décoré par le Pape PieX, de la croix de " Pro Ecclesia et Pontifice".

Il recevra diverses autres décorations comme en 1912 à Monaco où il reçoit le Mérite civil de Roumanie par le roi Carol 1 er.

Il reçoit aussi le mérite agricole pour ses travaux sur les insectes xylophages.

Enfin, il reçoit le Prix Montyon de l'Académie des Sciences pour ses découvertes sur la biologie des invertébrés.

Pendant la Guerre de 14/18, il fut choisi par par l'aumonier de l'ambulance de l'Académie.

 

Entomologiste passionné, il "monta" à Paris et créa le Vivarium du jardin des Plantes, dont il devient le directeur adjoint honoraire. Il étudiera les orthoptères exotiques et c'est lui "qui décrivit le détail du mécanisme des mues et rechercha l'influence de la nutrition sur le sexe des phasmes". Pendant que certains philosophaient sur le sexe des Anges, Monseigneur taquinait celui des phasmes !
Autre découverte, ce titre assez surprenant qui le fit passer de Chanoine à Monseigneur est dû au fait qu'il était prélat de la Maison du Pape.

A partir de 1926, il devient Conservateur du Musée du berry et il reçoit la légion d'honneur en 1928.

En 1932, Mgr Foucher établissait le Muséum d'Histoire Naturelle et le Parc Ecologique de Bourges, lieu d'enseignement scientifique pour tous les élèves des écoles du département du Cher.

Le Muséum de Bourges fut déclaré officiellement annexe du Muséum de Paris.. Cet établissement se classait parmi les plus riches de France.

 

Un homme simple et érudit.

Il meurt au 13 de la rue Eugène Brisson à Bourges le 25 mars 1949.

 

Dans un article paru dans le quotidien national "Le Matin", le journaliste E.F. XAU après avoir titré sur : "Bourges, cité merveilleuse des eaux vives et des vieilles pierres", écrit des lignes savoureuses sur Mgr Foucher :


"Une vraie figure balzacienne m'a été révélée à Bourges. Celle d'un délicieux vieillard dont je ne suis pas peu fier d'avoir fait la connaissance ; l'érudit conservateur du Musée du Berry, Mgr Foucher, prélat de Sa Sainteté. Il possède une incomparable collection de papillons et sa vaste demeure retentit des criailleries de je ne sais combien de perroquets et des chants de myriades d'oiseaux. Les oiseaux, il suffit que quelqu'un veuille se débarrasser des siens pour qu'il les adopte aussitôt.
Monseigneur est une manière de cousin Pons, à cette différence près que, lui, ce sont les volatiles qu'il collectionne. Innocente manie".

Pendant deux ans, grâce à l'action de ce savant berrichon vivant à Paris, mais aussi Conservateur du Musée du Berry, les collections s'enrichirent de manière considérable. L'explorateur Guy Babault ayant donné des animaux empaillés, il fut décidé de les montrer au public berruyer. Ce sera, pendant une quinzaine de jours, à partir du 23 juin 1927, une exposition à l'intérieur du Palais Jacques Coeur. Chacun viendra admirer le Pangolin ou le Gnou. Les oiseaux étaient présents, parmi ce qui existe de plus rare. Et comme il fallait de la couleur, Mgr Foucher présentera "à la demande générale" sa collection personnelle de papillons.

Cette exposition fut le prélude à l'installation d'un véritable Muséum à Bourges ; ce sera chose faite dès la fin de cette année 1927. L'action conjuguée de deux hommes passionnés pour la ville de Bourges permettra d'aboutir à cette réalisation.....


MONSEIGNEUR FOUCHER, CREATEUR DU MUSEUM DE BOURGES

Le Muséum de Bourges date de 1927. L'inauguration officielle a eu lieu le 8 octobre, avec la nomination comme Directeur du chanoine Foucher. Parmi les personnalités présentes, Laudier et le préfet du Cher, M. Duffau. Les collections furent présentées dans le gymnase municipal, rue Michel Servet. Ces collections avaient deux provenances : une première partie venait de dons du chanoine Foucher, lequel avait été chargé par un ami, en qualité d'exécuteur testamentaire, de transférer au Muséum de Paris une collection d'ornithologie comprenant 7 600 oiseaux. Sur ce nombre, Paris en avait conservés 1 100, et le chanoine Foucher, membre associé du Muséum National, récupéra les 6 500 oiseaux restants pour le Muséum de Bourges. Ces spécimens étaient répartis dans 34 vitrines formant une longueur de 43 mètres !
Le conseiller municipal Buisson signalera que Bourges est la seule ville de France et peut être d'Europe, en dehors du British Museum à posséder une collection aussi importante.
La seconde donation provient du début de l'année 1927 avec une offre de Guy Babault, un des grands explorateurs de l'époque. Il donne toute la collection de mammifères qui se trouve dans sa propriété de Diénay en Côte-d'Or, et toute une série d'oiseaux, comprenant des paradisiers, oiseaux mouches et autres volatiles... Ainsi, avec cette collection qui comprend un lion capturant une antilope, un zébu, un groupe de deux hyènes ... etc c'est le début d'un grand muséum à Bourges.
Lors du compte rendu de l'inauguration, la feuille d'information des Berrichons de Paris parlera, "des jeunes élèves qui n'auront plus seulement des livres, mais ils pourront étudier de près les spécimens eux-mêmes naturalisés, d'une façon remarquable". Et pour faire encore plus Berrichon, le journaliste E.H. terminera son article ainsi :
"Donc, un certain jour, dans la foule des visiteurs, un couple de braves berriauds se trouva tout à coup devant un fauve particulièrement impressionnant : "R'tire toé ! dit la prudente "payse" à son "houme", en le retenant par les "biaudes", si queuq' foé, c'te bête all' tait pas ben empâillée !"

Dans le même esprit que l'ouverture d'un vrai Muséum à Bourges, en 1931, Mgr Foucher avait fait construire des bassins de pisciculture. L'entreprise Métivier avait édifié cinq bassins dans le quartier Saint-Bonnet, à proximité de la Fontaine de Fer. Un dispositif spécial permettait de déverser en nappes et plusieurs heures par jour une eau aérée et riche en oxygène. Dans le premier bassin, se trouvaient les gros reproducteurs, des truites arc-en-ciel de 4 à 5 livres, puis des truites moyennes, d'autres espèces comme les black-bass ou perches noires étaient dans d'autres bassins. Toutes ces petites bêtes étant carnivores, on les nourrissait avec de la viande de cheval. Mgr Foucher et son adjoint, M. Bertrand, rappelleront qu'un poisson doit manger chaque jour son propre poids de nourriture.
L'objectif de cette réalisation était double : l'étude des poissons, et aussi l'alimentation des rivières du département, de quoi donner satisfaction aux 16 000 pêcheurs du Cher.

L'idée d'un vrai et grand Muséum faisait des adeptes parmi les Berruyers. Mais assez vite, chacun s'aperçut qu'il n'était pas possible de conserver dans un état acceptable l'ensemble de ces collections, les locaux étaient trop exigus. Alors, après le noyau formé rue Michel Servet, les collections vont rejoindre le Parc Saint-Paul qui devient un des hauts lieux de la ville de Bourges. L'inauguration de ce nouvel espace se déroulera en juin 1932 pour la XIIIe Foire-Exposition de Bourges qui quitte la Halle au Blé elle aussi pour le Parc Saint-Paul, à l'emplacement de l'ancienne cartoucherie. C'est le ministre de l'Education Nationale, Monsieur de Monzie qui, venant inaugurer la Foire de Bourges, en profite pour faire la même chose avec le nouveau Muséum.


La description faite par le journaliste de la Dépêche du Berry est assez fidèle :


"Ayant eu la bonne fortune de pouvoir joindre Mgr Foucher, nous avons demandé au savant prélat quelques renseignements, en commençant par la tortue géante. Il s'agit d'une tortue éléphantine de Madagascar, pesant 260 kilogrammes. Puis nous admirons dans les galeries du Muséum avec les précieuses boîtes où sont épinglées de multiples papillons aux ailes soyeuses ; puis, parmi les insectes coléoptères, il faut admirer le scarabé d'or, pièce unique au monde. Dans les vitrines trônent les oiseaux dont le plumage demeure éclatant.
Sur un mur, s'étalent des flèches en usage chez les indigènes; n'y touchez pas elles sont peut-être empoisonnées ! Après le passage vers les reptiles de la collection Raymond Rollinat, on admire un lama du Pérou, un ours noir de l'Himalaya, ou encore une antilope ."

Au premier étage, la salle Guy Babault avec un loup enragé, et, dans un bocal, le pouce d'un homme retrouvé dans l'estomac de ce loup ; cet homme d'Argenton était mort de la rage. Par la suite, pour ne pas rester sur cette image, il est bon d'aller poser un regard sur des perruches et des martins-pêcheurs.
Désormais, on dira : Bourges, sa Cathédrale, son Palais Jacques Coeur, son Muséum d'Histoire naturelle."

Le ministre de Monzie fut accueilli au Muséum par la musique du 95e R.I., il s'arrêta devant la plaque commémorative en marbre gris, que d'un geste symbolique, le sénateur maire Henri Laudier dévoila. Cette plaque porte gravée cette inscription :


" Le Muséum d'histoire naturelle de Bourges, fondé en 1928 par la Municipalité, a été transféré en ce lieu et inauguré officiellement ce dimanche 26 juin 1932 par :
M. A. de Monzie, ministre de l'Education Nationale;
M. Charles Bourrat étant Préfet du Cher; M. Henri Laudier, maire de Bourges et sénateur, M. Cochet député, Mgr Gabriel Foucher, directeur fondateur et Albert Bertrand, sous-directeur.
Donateurs:
Le Muséum d'histoire naturelle de Paris
Mgr Gabriel Foucher, zoologiste, membre associé du Muséum de Paris.
M. le Capitaine Koechling, entomologiste
M. Albert Maes, ornithologiste
M. Monnot, entomologiste
M. Raymond Rollinat, naturaliste
M. de Rotschild, sénateur
M. Vatan, ancien adjoint au maire
M. Guy Babault, explorateur."

Dans son discours devant une nombreuse assistance, Laudier dira :
"... ces merveilleuses collections permettront à nombre de jeunes intelligences de prendre le goût des études scientifiques auxquelles déjà, d'illustres concitoyens se sont voués : j'ai nommé les de Lapparent, les de Grossouvre, que s'honore d'avoir compté dans ses rangs l'Institut de France." Il poursuivra son propos en remerciant Mgr Foucher et l'explorateur Guy Babault.
Dans le discours du ministre Anatole de Monzie, il y aura des propos symboliques, en particulier lorsqu'il évoquera devant Mgr Foucher le rôle de Laudier vis-à-vis de la laïcité :


"... Votre laïcité s'est manifestée par l'ambition architecturale. Vous voulez construire et non seulement sur terre, mais dans les esprits, et par là, mon cher ami, vous montrez que vous êtes un vrai laïc, un vrai laïc.... C'est le droit pour chacun d'enseigner en dehors de toutes les confessions et de toutes les tyrannies confessionnelles ou doctrinales : celle de la ténacité des grands hommes comme Jules Ferry. La laïcité, la neutralité de l'Etat, c'est à dire l'émancipation de l'Ecole."

Quelques temps plus tard, en mai 1933, le Muséum fait son entrée au Sénat. Il y eut dans "Paris-Centre", à la page "Berry", le compte-rendu de la séance du Sénat au cours de laquelle Henri Laudier demanda au ministre de l'Education Nationale une aide au titre des crédits du chapitre 50 du budget.
La réponse du ministre, A. de Monzie, toujours lui, sera brève et humoristique :


"Je suis plus disposé à donner de justes louanges à M. Laudier que des crédits. Les louanges, il les mérite... Le maire a été le premier à passer un contrat avec le Muséum de Paris.
Je ne veux pas mêler de pittoresque à cette histoire, mais le sénateur-maire de Bourges avait reçu d'un évêque, qui était en même temps un savant, les premiers éléments de la collection de son Muséum".

Et le compte rendu du Journal Officiel fit alors dire à Laudier :
"Horresco referens ! (rires)"
D'où la conclusion de Monsieur de Monzie :


" J'ai été appelé par la double invitation du maire socialiste et de l'évêque érudit, à inaugurer ce Muséum, et il n'est pas mauvais, après les accusations de sectarisme d'Etat dont j'ai été l'objet que j'associe à ma revanche, M. Laudier (nouveaux rires)"

les animaux du Muséum de BourgesLaudier voulait des crédits, car il était déjà en train d'agrandir le Muséum pour créer un Parc Zoologique, lequel sera présenté au public pour la XIVe Foire-Exposition de 1933. Cette fois, les animaux ne seront pas naturalisés, mais bel et bien vivants.
En février 1933, les premières informations sur ce zoo commencent à parvenir au public. Ce sera comme à Vincennes ; les animaux seront dans des cages avec des grillages solides, on trouvera des fauves comme des lions, 2 puis 3, un chacal, deux renards, une hyène, six singes et une panthère, mais aussi des antilopes. Comme l'on est au bord de l'Auron, on installera des bassins pour mettre des phoques et otaries "dont les jeux pleins d'adresse et d'agilité retiendront l'attention des curieux". Il reste deux problèmes à résoudre, l'inconvénient des rugissements, la nuit de ces fauves, pour le voisinage et aussi le coût de la nourriture.
Et le projet deviendra réalité, Bourges disposera bientôt, dans le Parc Saint-Paul de son Zoo. Les Berruyers viendront contempler Athos, Porthos et Aramis dans leur cage, ces lions étaient assez dangereux, l'un d'entre eux attaquera un ouvrier serrurier venu réparer la porte de la cage il s'en tirera mais devra subir l'amputation de l'avant-bras.

le muséum aujourd'hui.

 

Comme le rappellera en juin 1935, Mgr Foucher, lors du Tricentenaire du Muséum national d'histoire naturelle de Paris, en présence du Président de la République :


" Vous avez voulu, Messieurs les Professeurs, qu'un de vos associés résidant en Berry, entreprenne une décentralisation scientifique et vous lui avez fourni les moyens de réalisation par des dons princiers ; le Parc zoologique de Bourges est donc le premier parc zoologique de province établi en collaboration avec le Muséum National de Paris".


Ainsi, Bourges disposait en 1933 d'un complexe important dans le domaine scientifique, et ce n'est que plus tard que des voix s'élèveront pour améliorer le sort des bêtes. C'est à cette même époque que Bourges se préoccupe aussi d'industrie et des communications, l'aviation reste au premier plan des soucis

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