Personnage
peu connu à Bourges aujourd'hui si ce n'est que le Muséum
d'Histoire naturelle dont il est le créateur porte son
nom. Monseigneur Foucher fut un grand personnage local.
Tout commence en 1925 avec une lettre signée
du chanoine G. Foucher, envoyée à la presse locale.
Ce distingué personnage signale que le Musée de
Bourges s'est enrichi d'une magnifique collection d'insectes
de France. Ces petites bêtes furent données par
le fils d'un éminent entomologiste, ancien brillant élève
au lycée de Bourges. Et le chanoine Foucher, par ailleurs
Membre correspondant du Muséum de Paris, d'ajouter qu'il
compléterait avec ses collections personnelles ce premier
apport. Il signalait aussi que des échantillons de la
faune du Brésil avaient été donnés
par M. Vatan, adjoint au maire de Bourges.
"Ainsi, commencera à se réaliser ce
désir de créer dans toutes les villes un musée
d'histoire naturelle qui permette aux enfants de s'instruire"
écrira cet homme d'Eglise. Il suggère que
Bourges se dote d'un vrai Musée d'Histoire Naturelle,
puisque ses premières collections ont été
présentées dans le Musée du Berry, davantage
prévu pour l'archéologie.
Ce Monseigneur Foucher était
berrichon, né le 22 juillet 1865 à Henrichemont
; il fut ordonné prêtre
en 1889, puis nommé curé d'Avord et dans d'autres
ministères du diocèse de Bourges et de Paris.
Il devient Chanoine titulaire de la cathédrale
de Bourges en 1922 et prélat de la Maison de la Sainteté.
En avril 1914, en récompense des
services rendus à l'Institut catholique de Paris, , où
il avait été professeur, il est décoré
par le Pape PieX, de la croix de " Pro Ecclesia et Pontifice".
Il recevra diverses autres décorations
comme en 1912 à Monaco où il reçoit le Mérite
civil de Roumanie par le roi Carol 1 er.
Il reçoit aussi le mérite
agricole pour ses travaux sur les insectes xylophages.
Enfin, il reçoit le Prix Montyon
de l'Académie des Sciences pour ses découvertes
sur la biologie des invertébrés.
Pendant la Guerre de 14/18, il fut choisi
par par l'aumonier de l'ambulance de l'Académie.
Entomologiste passionné, il "monta"
à Paris et créa le Vivarium du jardin des Plantes,
dont il devient le directeur adjoint honoraire. Il étudiera
les orthoptères exotiques et c'est lui "qui décrivit le détail
du mécanisme des mues et rechercha l'influence de la nutrition
sur le sexe des phasmes".
Pendant que certains philosophaient sur le sexe des Anges, Monseigneur
taquinait celui des phasmes !
Autre découverte, ce titre assez surprenant qui le fit
passer de Chanoine à Monseigneur est dû au fait
qu'il était prélat de la Maison du Pape.
A partir de 1926, il devient Conservateur
du Musée du berry et il reçoit la légion
d'honneur en 1928.
En 1932, Mgr Foucher établissait
le Muséum d'Histoire Naturelle et le Parc Ecologique de
Bourges, lieu d'enseignement scientifique pour tous les élèves
des écoles du département du Cher.
Le Muséum de Bourges fut déclaré
officiellement annexe du Muséum de Paris.. Cet établissement
se classait parmi les plus riches de France.
Un homme simple et érudit.
Il meurt au 13 de la rue Eugène
Brisson à Bourges le 25 mars 1949.
Dans un article paru dans le quotidien
national "Le Matin", le journaliste E.F. XAU après
avoir titré sur : "Bourges, cité merveilleuse
des eaux vives et des vieilles pierres", écrit des
lignes savoureuses sur Mgr Foucher :
"Une vraie
figure balzacienne m'a été révélée
à Bourges. Celle d'un délicieux vieillard dont
je ne suis pas peu fier d'avoir fait la connaissance ; l'érudit
conservateur du Musée du Berry, Mgr Foucher, prélat
de Sa Sainteté. Il possède une incomparable collection
de papillons et sa vaste demeure retentit des criailleries de
je ne sais combien de perroquets et des chants de myriades d'oiseaux.
Les oiseaux, il suffit que quelqu'un veuille se débarrasser
des siens pour qu'il les adopte aussitôt.
Monseigneur est une manière de cousin Pons, à cette
différence près que, lui, ce sont les volatiles
qu'il collectionne. Innocente manie".
Pendant deux ans, grâce à
l'action de ce savant berrichon vivant à Paris, mais aussi
Conservateur du Musée du Berry, les collections s'enrichirent
de manière considérable. L'explorateur Guy Babault
ayant donné des animaux empaillés, il fut décidé
de les montrer au public berruyer. Ce sera, pendant une quinzaine
de jours, à partir du 23 juin 1927, une exposition à
l'intérieur du Palais Jacques Coeur. Chacun viendra admirer
le Pangolin ou le Gnou. Les oiseaux étaient présents,
parmi ce qui existe de plus rare. Et comme il fallait de la couleur,
Mgr Foucher présentera "à la demande générale"
sa collection personnelle de papillons.
Cette exposition fut le prélude
à l'installation d'un véritable Muséum à
Bourges ; ce sera chose faite dès la fin de cette année
1927. L'action conjuguée de deux hommes passionnés
pour la ville de Bourges permettra d'aboutir à cette réalisation.....
MONSEIGNEUR FOUCHER,
CREATEUR DU MUSEUM DE BOURGES
Le Muséum de Bourges date de 1927.
L'inauguration officielle a eu lieu le 8 octobre, avec la nomination
comme Directeur du chanoine Foucher. Parmi les personnalités
présentes, Laudier et le préfet du Cher, M. Duffau.
Les collections furent présentées dans le gymnase
municipal, rue Michel Servet. Ces collections avaient deux provenances
: une première partie venait de dons du chanoine Foucher,
lequel avait été chargé par un ami, en qualité
d'exécuteur testamentaire, de transférer au Muséum
de Paris une collection d'ornithologie comprenant 7 600 oiseaux.
Sur ce nombre, Paris en avait conservés 1 100, et le chanoine
Foucher, membre associé du Muséum National, récupéra
les 6 500 oiseaux restants pour le Muséum de Bourges.
Ces spécimens étaient répartis dans 34 vitrines
formant une longueur de 43 mètres !
Le conseiller municipal Buisson signalera que Bourges est la
seule ville de France et peut être d'Europe, en dehors
du British Museum à posséder une collection aussi
importante.
La seconde donation provient du début de l'année
1927 avec une offre de Guy Babault, un des grands explorateurs
de l'époque. Il donne toute la collection de mammifères
qui se trouve dans sa propriété de Diénay
en Côte-d'Or, et toute une série d'oiseaux, comprenant
des paradisiers, oiseaux mouches et autres volatiles... Ainsi,
avec cette collection qui comprend un lion capturant une antilope,
un zébu, un groupe de deux hyènes ... etc c'est
le début d'un grand muséum à Bourges.
Lors du compte rendu de l'inauguration, la feuille d'information
des Berrichons de Paris parlera, "des jeunes élèves
qui n'auront plus seulement des livres, mais ils pourront étudier
de près les spécimens eux-mêmes naturalisés,
d'une façon remarquable". Et pour faire encore plus
Berrichon, le journaliste E.H. terminera son article ainsi :
"Donc, un certain jour, dans la foule des visiteurs, un
couple de braves berriauds se trouva tout à coup devant
un fauve particulièrement impressionnant : "R'tire
toé ! dit la prudente "payse" à son "houme",
en le retenant par les "biaudes", si queuq' foé,
c'te bête all' tait pas ben empâillée !"
Dans le même esprit que l'ouverture
d'un vrai Muséum à Bourges, en 1931, Mgr Foucher
avait fait construire des bassins de pisciculture. L'entreprise Métivier avait édifié
cinq bassins dans le quartier Saint-Bonnet, à proximité
de la Fontaine de Fer. Un dispositif spécial permettait
de déverser en nappes et plusieurs heures par jour une
eau aérée et riche en oxygène. Dans le premier
bassin, se trouvaient les gros reproducteurs, des truites arc-en-ciel
de 4 à 5 livres, puis des truites moyennes, d'autres espèces
comme les black-bass ou perches noires étaient dans d'autres
bassins. Toutes ces petites bêtes étant carnivores,
on les nourrissait avec de la viande de cheval. Mgr Foucher et
son adjoint, M. Bertrand, rappelleront qu'un poisson doit manger
chaque jour son propre poids de nourriture.
L'objectif de cette réalisation était double :
l'étude des poissons, et aussi l'alimentation des rivières
du département, de quoi donner satisfaction aux 16 000
pêcheurs du Cher.
L'idée d'un vrai et grand Muséum
faisait des adeptes parmi les Berruyers. Mais assez vite, chacun
s'aperçut qu'il n'était pas possible de conserver
dans un état acceptable l'ensemble de ces collections,
les locaux étaient trop exigus. Alors, après le
noyau formé rue Michel Servet, les collections vont rejoindre
le Parc Saint-Paul qui devient un des hauts lieux de la ville
de Bourges. L'inauguration de ce nouvel espace se déroulera
en juin 1932 pour la XIIIe Foire-Exposition de Bourges qui quitte
la Halle au Blé elle aussi pour le Parc Saint-Paul, à
l'emplacement de l'ancienne cartoucherie. C'est le ministre de
l'Education Nationale, Monsieur de Monzie qui, venant inaugurer
la Foire de Bourges, en profite pour faire la même chose
avec le nouveau Muséum.
La description faite par le journaliste de la Dépêche
du Berry est assez fidèle :
"Ayant eu
la bonne fortune de pouvoir joindre Mgr Foucher, nous avons demandé
au savant prélat quelques renseignements, en commençant
par la tortue géante. Il s'agit d'une tortue éléphantine
de Madagascar, pesant 260 kilogrammes. Puis nous admirons dans
les galeries du Muséum avec les précieuses boîtes
où sont épinglées de multiples papillons
aux ailes soyeuses ; puis, parmi les insectes coléoptères,
il faut admirer le scarabé d'or, pièce unique au
monde. Dans les vitrines trônent les oiseaux dont le plumage
demeure éclatant.
Sur un mur, s'étalent des flèches en usage chez
les indigènes; n'y touchez pas elles sont peut-être
empoisonnées ! Après le passage vers les reptiles
de la collection Raymond Rollinat, on admire un lama du Pérou,
un ours noir de l'Himalaya, ou encore une antilope ."
Au premier étage, la salle Guy Babault
avec un loup enragé, et, dans un bocal, le pouce d'un
homme retrouvé dans l'estomac de ce loup ; cet homme d'Argenton
était mort de la rage. Par la suite, pour ne pas rester
sur cette image, il est bon d'aller poser un regard sur des perruches
et des martins-pêcheurs.
Désormais, on dira : Bourges, sa Cathédrale, son
Palais Jacques Coeur, son Muséum d'Histoire naturelle."
Le ministre de Monzie fut accueilli au
Muséum par la musique du 95e R.I., il s'arrêta devant
la plaque commémorative en marbre gris, que d'un geste
symbolique, le sénateur maire Henri Laudier dévoila.
Cette plaque porte gravée cette inscription :
" Le Muséum d'histoire naturelle de Bourges, fondé
en 1928 par la Municipalité, a été transféré
en ce lieu et inauguré officiellement ce dimanche 26 juin
1932 par :
M. A. de Monzie, ministre de l'Education Nationale;
M. Charles Bourrat étant Préfet du Cher; M. Henri
Laudier, maire de Bourges et sénateur, M. Cochet député,
Mgr Gabriel Foucher, directeur fondateur et Albert Bertrand,
sous-directeur.
Donateurs:
Le Muséum d'histoire naturelle de Paris
Mgr Gabriel Foucher, zoologiste, membre associé du Muséum
de Paris.
M. le Capitaine Koechling, entomologiste
M. Albert Maes, ornithologiste
M. Monnot, entomologiste
M. Raymond Rollinat, naturaliste
M. de Rotschild, sénateur
M. Vatan, ancien adjoint au maire
M. Guy Babault, explorateur."
Dans son discours devant une nombreuse
assistance, Laudier dira :
"... ces merveilleuses collections permettront à
nombre de jeunes intelligences de prendre le goût des études
scientifiques auxquelles déjà, d'illustres concitoyens
se sont voués : j'ai nommé les de Lapparent, les
de Grossouvre, que s'honore d'avoir compté dans ses rangs
l'Institut de France." Il poursuivra son propos en remerciant
Mgr Foucher et l'explorateur Guy Babault.
Dans le discours du ministre Anatole de Monzie, il y aura des
propos symboliques, en particulier lorsqu'il évoquera
devant Mgr Foucher le rôle de Laudier vis-à-vis
de la laïcité :
"... Votre
laïcité s'est manifestée par l'ambition architecturale.
Vous voulez construire et non seulement sur terre, mais dans
les esprits, et par là, mon cher ami, vous montrez que
vous êtes un vrai laïc, un vrai laïc.... C'est
le droit pour chacun d'enseigner en dehors de toutes les confessions
et de toutes les tyrannies confessionnelles ou doctrinales :
celle de la ténacité des grands hommes comme Jules
Ferry. La laïcité, la neutralité de l'Etat,
c'est à dire l'émancipation de l'Ecole."
Quelques temps plus tard, en mai 1933,
le Muséum fait son entrée au Sénat. Il y
eut dans "Paris-Centre", à la page "Berry",
le compte-rendu de la séance du Sénat au cours
de laquelle Henri Laudier demanda au ministre de l'Education
Nationale une aide au titre des crédits du chapitre 50
du budget.
La réponse du ministre, A. de Monzie, toujours lui, sera
brève et humoristique :
"Je suis plus disposé à donner de justes
louanges à M. Laudier que des crédits. Les louanges,
il les mérite... Le maire a été le premier
à passer un contrat avec le Muséum de Paris.
Je ne veux pas mêler de pittoresque à cette histoire,
mais le sénateur-maire de Bourges avait reçu d'un
évêque, qui était en même temps un
savant, les premiers éléments de la collection
de son Muséum".
Et le compte rendu du Journal Officiel
fit alors dire à Laudier :
"Horresco referens ! (rires)"
D'où la conclusion de Monsieur de Monzie :
" J'ai été
appelé par la double invitation du maire socialiste et
de l'évêque érudit, à inaugurer ce
Muséum, et il n'est pas mauvais, après les accusations
de sectarisme d'Etat dont j'ai été l'objet que
j'associe à ma revanche, M. Laudier (nouveaux rires)"
Laudier voulait des crédits, car il était
déjà en train d'agrandir le Muséum pour
créer un Parc Zoologique, lequel sera présenté
au public pour la XIVe Foire-Exposition de 1933. Cette fois,
les animaux ne seront pas naturalisés, mais bel et bien
vivants.
En février 1933, les premières informations sur
ce zoo commencent à parvenir au public. Ce sera comme
à Vincennes ; les animaux seront dans des cages avec des
grillages solides, on trouvera des fauves comme des lions, 2
puis 3, un chacal, deux renards, une hyène, six singes
et une panthère, mais aussi des antilopes. Comme l'on
est au bord de l'Auron, on installera des bassins pour mettre
des phoques et otaries "dont les jeux pleins d'adresse et
d'agilité retiendront l'attention des curieux". Il
reste deux problèmes à résoudre, l'inconvénient
des rugissements, la nuit de ces fauves, pour le voisinage et
aussi le coût de la nourriture.
Et le projet deviendra réalité, Bourges disposera
bientôt, dans le Parc Saint-Paul de son Zoo. Les Berruyers
viendront contempler Athos, Porthos et Aramis dans leur cage,
ces lions étaient assez dangereux, l'un d'entre eux attaquera
un ouvrier serrurier venu réparer la porte de la cage
il s'en tirera mais devra subir l'amputation de l'avant-bras.
le muséum aujourd'hui.
Comme le rappellera en juin 1935, Mgr Foucher,
lors du Tricentenaire du Muséum national d'histoire naturelle
de Paris, en présence du Président de la République
:
" Vous avez voulu, Messieurs les Professeurs, qu'un de
vos associés résidant en Berry, entreprenne une
décentralisation scientifique et vous lui avez fourni
les moyens de réalisation par des dons princiers ; le
Parc zoologique de Bourges est donc le premier parc zoologique
de province établi en collaboration avec le Muséum
National de Paris".
Ainsi, Bourges disposait en
1933 d'un complexe important dans le domaine scientifique, et ce n'est que plus tard que des voix s'élèveront
pour améliorer le sort des bêtes. C'est à
cette même époque que Bourges se préoccupe
aussi d'industrie et des communications, l'aviation reste au
premier plan des soucis