Le Franciscain de Bourges par Roland Narboux

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LE FRANCISCAIN DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Personnage mythique de la guerre à Bourges, le Franciscain de Bourges, le frère Alfred Stanke.

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Version 2009

Alfred Stanke, le Franciscain de Bourges, est un des personnages mythiques de Bourges, il a été la lumière pendant la dernière guerre et l'occupation de la ville. Sa mémoire est soutenue par une association des Amis du frère Alfred, menée par madame Monique Boiché.

La vie exemplaire du franciscain de Bourges, comme sa fin tragique mérite le respect et le souvenir de tous les Berruyers.
Alfred Stanke, le franciscain de Bourges, est né à Dantzig le 25 octobre 1904. Son père est polonais, slave et catholique et son nom de Stanke a été germanisé, il se nommait Stanicewski, ce qui fut fait pour entrer à cette époque dans les chemins de fer. Aloïs-Joseph Stanke sera très vite attiré par la religion, et en particulier l'ordre de Saint François d'Assises, les franciscains. Il entre à 16 ans à l'institut des frères Franciscains Hospitaliers de la Sainte Croix. Il est envoyé au Vatican dès l'âge de 20 ans et exerce la fonction de ... cuisinier du pape Pie XI !
De retour en Allemagne, il devient alors un infirmier à Cologne, dans un hôpital tenu par les Clarisses, et pour la première fois, il rencontre la souffrance et la mort. Il soulage les malheureux.
Après l'entrée des Allemands en France en 1940, Alfred Stanke ayant été mobilisé, est quelque temps à paris avant de rejoindre Bourges. Là il est affecté comme surveillant des détenus à la prison de Bourges dite "du Bordiot".


le franciscain de Bourges à droite avec l'abbé MoreuxLe Franciscain, à droite en 1948 avec l'abbé Moreux.

 

Pendant l'Occupation, à Bourges comme ailleurs, il n'était pas bon de se trouver entre les mains des tortionnaires de la Gestapo qui avait son siège rue Michel de Bourges, en plein Centre-Ville.
Lorsque Marc Tolédano, venu prendre des nouvelles de son frère, se retrouve en face du "Scharfüher" Schultz, il pressent ce qui va lui arriver, il décrira ce sous-officier ainsi :


"Il avait une sale tête, il ressemblait à un rat, tout était gris en lui, son uniforme, ses cheveux, sa peau, comme si il avait vécu dans les ténèbres. Comme spécimen d'exécuteur des hautes oeuvres, la Gestapo n'aurait pu mieux choisir".


L'autre personnage était Ernst Basedow, une brute. Marc Tolédano sera torturé, comme tous les gens qui passaient entre les mains de ces fous. Il raconte encore :

"Je crus que Schultz allait me tuer. Il saisit un pistolet, l'arma, me visa, puis changea d'avis, alors il décrocha un fouet pour chiens, fit siffler la lanière qui m'atteignit à l'oeil et à la tempe.... la douleur fut si aiguë que je vacillais et tombais".

Plus tard, Schultz le prendra, lui enfoncera la tête dans la lunette des toilettes tandis que son compagnon tirait la chasse d'eau. Les Allemands étaient devenus des spécialistes de la torture. Un autre jour, raconte Marc Tolédano, ils lui enfoncèrent dans la bouche un chiffon plein de poils sur lequel les chiens se couchaient, et le questionnèrent jusqu'à l'étranglement.
Les coups vont pleuvoir, il est emmené dans un cachot dans la prison de Bourges située au nord de la Ville.

Au Bordiot, Marc Tolédano est à bout, il a les poignets serrés dans des menottes qui possèdent des mâchoires acérées, comme des pièges, et le métal entre dans la chair. C'est alors que, dans un semi coma, il voit un homme, il raconte :

"L'homme s'immobilise tout près de moi, me met sur le front une grosse main chaude, courte et potelée, et me dit dans un souffle :

- Ne bougez pas, ne dites rien, je suis infirmier allemand, frère Alfred, de l'ordre de saint François, je suis là pour vous soigner, vous réconforter, vous soulager."

C'était la première rencontre de Marc Tolédano avec le "Franciscain de Bourges".


D'ailleurs, le jeune Marc, auteur de l'ouvrage d'où est tiré ce dialogue porté à l'écran de manière magistrale avec l'acteur allemand Hardy Kruger, refusera de considérer cet Allemand en uniforme comme un ami. Ce sera le cas de nombreux résistants qui passeront par le Bordiot. C'est M. Farenc, inspecteur du travail et incarcéré, qui sera le premier à déterminer les qualités réelles de cet homme.

Il apparaissait inconcevable qu'un Allemand, même infirmier, puisse se conduire de manière humaine. Et cet homme, qui deviendra pour tous le "Franciscain de Bourges" redonnera l'espoir à beaucoup. Il verra passer dans les cellules du Bordiot, des hommes comme le sénateur Marcel Plaisant ou le colonel Marcel Haegelen, il fera tout pour soulager leur misère.
André Laloue raconte sa rencontre avec cet étrange infirmier, lors d'un retour d'interrogatoire où il est laissé à moitié-mort : " L'infirmier sourit, j'essaie de sourire à mon tour, je grimace, je n'ai plus l'habitude. Mais ça m'a fait du bien, c'est quand même un brave gars".

Alfred Stanke, "frère Alfred", était un moine de l'ordre des Franciscains. Né en 1904 à Dantzig, ce n'est qu'en 1939 qu'il était devenu allemand, il était issu d'un milieu ouvrier.
C'est en 1942 qu'il arrive à la prison du Bordiot, il quittera ce lieu le 4 avril 1944, et pour les détenus, ce fut une "véritable catastrophe", le Franciscain était muté à Dijon, dans une autre prison.
Il se confiera un jour à Tolédano :

"... Moi aussi, j'ai fait de la prison. C'était en 1936 à Coblence. Je n'étais pas le seul, ce même jour de mars 36, les S.S. ont réquisitionné les maisons et les biens des religieux, ont arrêté les moines de mon couvent et je me suis retrouvé pendant dix jours en cellules en compagnie d'un souteneur et d'un assassin..... C'est de cette époque que date ma haine du nazisme."
Stanke va de plus en plus loin dans le renseignement. Ainsi, il avertira Georges Ruetsch que le projet de libérer des patriotes enfermés est voué à l'échec par la disproportion des forces en présence. Une autre fois, il permet à deux détenus, Arnold et Péru, jetés en prison après le démantèlement d'un réseau de Résistance, de se rencontrer au Bordiot, afin de se mettre d'accord sur les réponses à faire à la Gestapo.

 

Il a mis au point des réseaux internes de communications entre détenus, il les conseille sur leur défense, "j'ai pu ainsi sauver plusieurs personnes du peloton d'exécution".
Il achète de la nourriture aux détenus, récupérant l'argent en prenant les tours de garde de nuit de la prison qu'il se fait payer et en "envoyant dans les bordels berruyers", les gardiens.
Edme Boiché rencontrera lui aussi le Franciscain.
Un jour, le moine aura des problèmes avec un officier allemand qui le surprendra dans le cimetière Saint-Lazare, avec une couronne mortuaire et priant sur la tombe d'un fusillé français. L'officier l'interpellera : "vous savez que cela est formellement interdit. Je vais être obligé de prendre des sanctions très graves contre vous".
Un autre jour, un nazi arrive dans la cellule de frère Alfred, en grand état de fureur et ce dernier écrira :

"Ce cochon de Paoli continue, s'est écrié le "moine soldat", il vient d'arrêter un groupe de Résistants. Il a torturé de façon horrible M. Bicyclette comme il n'a encore jamais torturé personne. Je sors de sa cellule, ce n'est plus qu'une loque sanglante. Paoli est ignoble, il mérite douze balles, ce n'est qu'un vulgaire assassin".

Le Franciscain de Bourges de Marc Tolédano

 CINEMA :

Le film "Le Franciscain de Bourges" a été réalisé par Claude Autant-Lara d'après l'oeuvre de Marc Tolédano, adapté par Jean Aurenche et Pierre Bost.
Il est sorti sur les écrans le 29 mars 1968.

Dans sa distribution on trouve Hardy Kruger, Simone Valère, Suzanne Flon, Jean Dessailly... etc

Ce film a été tourné à Bourges à partir de la fin de l'année 1967.

Voici un courrier reçu en juin 2004, compte tenu de son caractère émouvant, il a semblé que cette lettre méritait d'être publiée.

C'est avec surprise que je trouve votre article sur Alfred Stanke, le franciscain qui a sauve bien des gens des pires effets de leur séjour avec la gestapo pendant la 2e guerre mondiale. Ma tante, née Jeannette Pierry à Gracay, et son mari Gilbert Doireau, qui habitaient la région a l'époque, ont été arrêtes le jour de l'an 1943.

J'ai entendu toute mon enfance parler du fait que le frère Alfred leur a permit de se parler en prison, leur permettant de présenter un front uni aux interrogations, ou du moins suffisamment consistant. Il les a soignes après les tortures infligées par la Gestapo, leur permettant de survivre physiquement a la déportation qui a suivit. Et il les a encore plus aides en leur permettant de se voir avant le départ, de savoir qu'ils avaient tous les deux survécu, ce qui leur a donne suffisamment d'espoir pour assurer leur survie éventuelle.

Ils sont revenus tous les deux, et ont habité a Royan le reste de leurs jours. Malheureusement, ils sont maintenant morts tous les deux, mais relativement récemment. Ma tante a passé beaucoup de temps a expliquer a tous les enfants de la famille (au moins) la différence entre un Nazi et un Allemand, a nous rappeler a tous que c'était un fasciste français qui les avait dénoncés, que c'était un allemand qui les avait principalement sauvés.

Sans parler de beaucoup d'autres encore qui avaient eu pitié d'eux plus tard et risque leur vies pour leur passer un peu de nourriture.
Et ma tante a réussi plus tard a retrouver M. Stanke et a organiser un voyage de réunion avec d'autres déportes.

Ca a été un privilège de ne pas grandir avec les sentiments bêtement anti-allemands qui étaient encore très en vogue dans ma jeunesse.
J'apprécie autant la chance que j'ai eue d'avoir été proche de ma tante qu'elle appréciait celle d'avoir rencontre le frère Alfred. Je voudrais donc vous remercier de l'avoir inclue dans votre histoire de Bourges.

Sa présence a été une contribution a tout ce qu'on pourrait souhaiter de mieux dans une belle ville.
--
Marie-Christine


Autre grand personnage lié à Alfred Stanke, c'est Georges Ruetsch, qui fut interprète à la préfecture. Ce dernier a beaucoup aidé le franciscain dans des démarches administratives souvent difficiles. Sa fille témoigne :

" Mon père parlait couramment allemand. Il était d'ailleurs né en Alsace en 1911 lorsque l'Alsace n'était pas encore devenue française. Ce qui pouvait paraître équivoque à l'esprit de certains Berrichons. Ayant changé sa nationalité après le traité de Versailles, il était venu s'établir en Berry en 1936 où il s'était marié".

Une fois embauché à la préfecture, Georges Ruetch forme avec le frère Alfred un duo très efficace.

C'est ainsi qu'une vraie équipe est formée, comprenant Félix Desgeorges, le marchand de vin résistant de Bourges, ils se retrouvaient à son magasin de la rue Jean Baffier où ils rencontraient aussi d'autres résistants comme l'abbé Moreux ou le colonel Marcel Haegelen.

A la Libération de Bourges, alors qu'il a participé le mois précédent à un combat aux Aix d'Angillon, il accompagne le colonel Colomb à la préfecture.

Une plaque souvenir portant les noms de ces trois héros a été mise en 2005, rue Jean Baffier à l'emplacement du magasin de Félix Desgeorges.

C'est cette amitié entre Georges Ruetch et Alfred Stanke qui est à l'origine de la dernière sépulture du Franciscain de Bourges.

En effet, le franciscain parlait assez mal le français, en particulier lorsqu'il arrive à Bourges, et c'est Georges Ruetch qui fut donc interprétre, qui va l'aider dans la compréhension de la langue française.

Ils étaient donc devenus amis et parmi ses dernières volontés le Franciscain de Bourges demanda à être enterrés à proximité de son ami Ruetch, ce qui fut fait, ce dernier étant de Saint Doulchard où il est enterré.

 


Commentaire : (juillet 2006)

texte: Je ne souhaite pas enrichir votre Encyclopédie mais juste vous dire que j'ai eu l'occasion de lire le livre "Le Franciscain de Bourges" et je trouve qu'il fallait un sacré courage et une foie immense en Dieu pour avoir pu aider ces victimes de la gestapo.
Je viens de lire l'article sur le procès de Pierre-Marie PAOLI et il n\'y a pas de mot assez fort pour dire ce que je pense d'un tel personnage.

Etienne THIRY
un internaute belge
nom: Etienne THIRY
email: etiennethiry43@versateladsl.be



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