
Alfred Stanke, le Franciscain
de Bourges, est un des personnages mythiques de Bourges, il a
été la lumière pendant la dernière
guerre et l'occupation de la ville. Sa mémoire est soutenue
par une association des Amis du frère Alfred, menée
par madame Monique Boiché.
- La vie exemplaire du
franciscain de Bourges, comme sa fin tragique mérite le
respect et le souvenir de tous les Berruyers.
Alfred Stanke, le franciscain de
Bourges, est né à Dantzig le 25 octobre 1904. Son
père est polonais, slave et catholique et son nom de Stanke
a été germanisé, il se nommait Stanicewski,
ce qui fut fait pour entrer à cette époque dans
les chemins de fer. Aloïs-Joseph Stanke sera très
vite attiré par la religion, et en particulier l'ordre
de Saint François d'Assises, les franciscains. Il entre
à 16 ans à l'institut des frères Franciscains
Hospitaliers de la Sainte Croix. Il est envoyé au Vatican
dès l'âge de 20 ans et exerce la fonction de ...
cuisinier du pape Pie XI !
- De retour en Allemagne, il devient alors
un infirmier à Cologne, dans un hôpital tenu par
les Clarisses, et pour la première fois, il rencontre
la souffrance et la mort. Il soulage les malheureux.
- Après l'entrée des Allemands
en France en 1940, Alfred Stanke ayant été mobilisé,
est quelque temps à paris avant de rejoindre Bourges.
Là il est affecté comme surveillant des détenus
à la prison de Bourges dite "du Bordiot".
Le
Franciscain, à droite en 1948 avec l'abbé Moreux.
Pendant l'Occupation, à Bourges
comme ailleurs, il n'était pas bon de se trouver entre
les mains des tortionnaires de la Gestapo qui avait son siège
rue Michel de Bourges, en plein Centre-Ville.
Lorsque Marc Tolédano, venu prendre des nouvelles de son
frère, se retrouve en face du "Scharfüher"
Schultz, il pressent ce qui va lui arriver, il décrira
ce sous-officier ainsi :
"Il avait une
sale tête, il ressemblait à un rat, tout était
gris en lui, son uniforme, ses cheveux, sa peau, comme si il
avait vécu dans les ténèbres. Comme spécimen
d'exécuteur des hautes oeuvres, la Gestapo n'aurait pu
mieux choisir".
L'autre personnage était Ernst Basedow, une brute. Marc
Tolédano sera torturé, comme tous les gens qui
passaient entre les mains de ces fous. Il raconte encore :
"Je crus que Schultz allait me
tuer. Il saisit un pistolet, l'arma, me visa, puis changea d'avis,
alors il décrocha un fouet pour chiens, fit siffler la
lanière qui m'atteignit à l'oeil et à la
tempe.... la douleur fut si aiguë que je vacillais et tombais".
Plus tard, Schultz le prendra, lui enfoncera
la tête dans la lunette des toilettes tandis que son compagnon
tirait la chasse d'eau. Les Allemands étaient devenus
des spécialistes de la torture. Un autre jour, raconte
Marc Tolédano, ils lui enfoncèrent dans la bouche
un chiffon plein de poils sur lequel les chiens se couchaient,
et le questionnèrent jusqu'à l'étranglement.
Les coups vont pleuvoir, il est emmené dans un cachot
dans la prison de Bourges située au nord de la Ville.
Au Bordiot, Marc Tolédano est à
bout, il a les poignets serrés dans des menottes qui possèdent
des mâchoires acérées, comme des pièges,
et le métal entre dans la chair. C'est alors que, dans
un semi coma, il voit un homme, il raconte :
"L'homme s'immobilise
tout près de moi, me met sur le front une grosse main
chaude, courte et potelée, et me dit dans un souffle :
- Ne bougez pas,
ne dites rien, je suis infirmier allemand, frère Alfred,
de l'ordre de saint François, je suis là pour vous
soigner, vous réconforter, vous soulager."
C'était la première
rencontre de Marc Tolédano avec le "Franciscain de
Bourges".
D'ailleurs, le jeune Marc, auteur de l'ouvrage d'où est
tiré ce dialogue porté à l'écran
de manière magistrale avec l'acteur allemand Hardy Kruger,
refusera de considérer cet Allemand en uniforme comme
un ami. Ce sera le cas de nombreux résistants qui passeront
par le Bordiot. C'est M. Farenc, inspecteur du travail et incarcéré,
qui sera le premier à déterminer les qualités
réelles de cet homme.
Il apparaissait inconcevable qu'un Allemand,
même infirmier, puisse se conduire de manière humaine.
Et cet homme, qui deviendra pour tous le "Franciscain de
Bourges" redonnera l'espoir à beaucoup. Il verra
passer dans les cellules du Bordiot, des hommes comme le sénateur
Marcel Plaisant ou le colonel Marcel Haegelen, il fera tout pour
soulager leur misère.
André Laloue raconte sa rencontre avec cet étrange
infirmier, lors d'un retour d'interrogatoire où il est
laissé à moitié-mort : " L'infirmier
sourit, j'essaie de sourire à mon tour, je grimace, je
n'ai plus l'habitude. Mais ça m'a fait du bien, c'est
quand même un brave gars".
Alfred Stanke, "frère Alfred",
était un moine de l'ordre des Franciscains. Né
en 1904 à Dantzig, ce n'est qu'en 1939 qu'il était
devenu allemand, il était issu d'un milieu ouvrier.
C'est en 1942 qu'il arrive à la prison du Bordiot, il
quittera ce lieu le 4 avril 1944, et pour les détenus,
ce fut une "véritable catastrophe", le Franciscain
était muté à Dijon, dans une autre prison.
Il se confiera un jour à Tolédano :
"... Moi aussi, j'ai fait de la
prison. C'était en 1936 à Coblence. Je n'étais
pas le seul, ce même jour de mars 36, les S.S. ont réquisitionné
les maisons et les biens des religieux, ont arrêté
les moines de mon couvent et je me suis retrouvé pendant
dix jours en cellules en compagnie d'un souteneur et d'un assassin.....
C'est de cette époque que date ma haine du nazisme."
Stanke va de plus en plus loin
dans le renseignement. Ainsi, il avertira Georges
Ruetsch que le projet de libérer des patriotes enfermés
est voué à l'échec par la disproportion
des forces en présence.
Une autre fois, il permet à deux détenus, Arnold
et Péru, jetés en prison après le démantèlement
d'un réseau de Résistance, de se rencontrer au
Bordiot, afin de se mettre d'accord sur les réponses à
faire à la Gestapo.
Il a mis au point des réseaux internes
de communications entre détenus, il les conseille sur
leur défense, "j'ai pu ainsi sauver plusieurs
personnes du peloton d'exécution".
Il achète de la nourriture aux détenus, récupérant
l'argent en prenant les tours de garde de nuit de la prison qu'il
se fait payer et en "envoyant dans les bordels berruyers",
les gardiens.
Edme Boiché rencontrera lui aussi le Franciscain.
Un jour, le moine aura des problèmes avec un officier
allemand qui le surprendra dans le cimetière Saint-Lazare,
avec une couronne mortuaire et priant sur la tombe d'un fusillé
français. L'officier l'interpellera : "vous savez
que cela est formellement interdit. Je vais être obligé
de prendre des sanctions très graves contre vous".
Un autre jour, un nazi arrive dans la cellule de frère
Alfred, en grand état de fureur et ce dernier écrira
:
"Ce
cochon de Paoli continue, s'est écrié le "moine
soldat", il vient d'arrêter un groupe de Résistants.
Il a torturé de façon horrible M. Bicyclette comme
il n'a encore jamais torturé personne. Je sors de sa cellule,
ce n'est plus qu'une loque sanglante. Paoli est ignoble, il mérite
douze balles, ce n'est qu'un vulgaire assassin".
Le Franciscain de Bourges
de Marc Tolédano
CINEMA :
Le film "Le Franciscain de Bourges"
a été réalisé par Claude Autant-Lara
d'après l'oeuvre de Marc Tolédano, adapté
par Jean Aurenche et Pierre Bost.
Il est sorti sur les écrans le 29 mars 1968.
Dans sa distribution on trouve Hardy Kruger,
Simone Valère, Suzanne Flon, Jean Dessailly... etc
Ce film a été tourné
à Bourges à partir de la fin de l'année
1967.
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Voici un courrier reçu
en juin 2004, compte tenu de son caractère émouvant,
il a semblé que cette lettre méritait d'être
publiée.
C'est avec surprise que je trouve votre
article sur Alfred Stanke, le franciscain qui a sauve bien des
gens des pires effets de leur séjour avec la gestapo pendant
la 2e guerre mondiale. Ma tante, née Jeannette Pierry
à Gracay, et son mari Gilbert Doireau, qui habitaient
la région a l'époque, ont été arrêtes
le jour de l'an 1943.
J'ai entendu toute mon enfance parler
du fait que le frère Alfred leur a permit de se parler
en prison, leur permettant de présenter un front uni aux
interrogations, ou du moins suffisamment consistant. Il les a
soignes après les tortures infligées par la Gestapo,
leur permettant de survivre physiquement a la déportation
qui a suivit. Et il les a encore plus aides en leur permettant
de se voir avant le départ, de savoir qu'ils avaient tous
les deux survécu, ce qui leur a donne suffisamment d'espoir
pour assurer leur survie éventuelle.
Ils sont revenus tous les deux, et ont
habité a Royan le reste de leurs jours. Malheureusement,
ils sont maintenant morts tous les deux, mais relativement récemment.
Ma tante a passé beaucoup de temps a expliquer a tous
les enfants de la famille (au moins) la différence entre
un Nazi et un Allemand, a nous rappeler a tous que c'était
un fasciste français qui les avait dénoncés,
que c'était un allemand qui les avait principalement sauvés.
Sans parler de beaucoup d'autres encore
qui avaient eu pitié d'eux plus tard et risque leur vies
pour leur passer un peu de nourriture.
Et ma tante a réussi plus tard a retrouver M. Stanke et
a organiser un voyage de réunion avec d'autres déportes.
Ca a été un privilège
de ne pas grandir avec les sentiments bêtement anti-allemands
qui étaient encore très en vogue dans ma jeunesse.
J'apprécie autant la chance que j'ai eue d'avoir été
proche de ma tante qu'elle appréciait celle d'avoir rencontre
le frère Alfred. Je voudrais donc vous remercier de l'avoir
inclue dans votre histoire de Bourges.
Sa présence a été
une contribution a tout ce qu'on pourrait souhaiter de mieux
dans une belle ville.
--
Marie-Christine
Autre grand personnage
lié à Alfred Stanke, c'est Georges Ruetsch, qui fut
interprète à la préfecture. Ce dernier a
beaucoup aidé le franciscain dans des démarches
administratives souvent difficiles. Sa fille témoigne
:
" Mon père
parlait couramment allemand. Il était d'ailleurs né
en Alsace en 1911 lorsque l'Alsace n'était pas encore
devenue française. Ce qui pouvait paraître équivoque
à l'esprit de certains Berrichons. Ayant changé
sa nationalité après le traité de Versailles,
il était venu s'établir en Berry en 1936 où
il s'était marié".
Une fois embauché à la préfecture,
Georges Ruetch forme avec le frère Alfred un duo très
efficace.
C'est ainsi qu'une vraie équipe
est formée, comprenant Félix Desgeorges, le marchand
de vin résistant de Bourges, ils se retrouvaient à
son magasin de la rue Jean Baffier où ils rencontraient
aussi d'autres résistants comme l'abbé Moreux ou
le colonel Marcel Haegelen.
A la Libération de Bourges, alors
qu'il a participé le mois précédent à
un combat aux Aix d'Angillon, il accompagne le colonel Colomb
à la préfecture.
Une plaque souvenir portant les noms de
ces trois héros a été mise en 2005, rue
Jean Baffier à l'emplacement du magasin de Félix
Desgeorges.
C'est cette amitié entre Georges
Ruetch et Alfred Stanke qui est à l'origine de la dernière
sépulture du Franciscain de Bourges.
En effet, le franciscain parlait assez
mal le français, en particulier lorsqu'il arrive à
Bourges, et c'est Georges Ruetch qui fut donc interprétre,
qui va l'aider dans la compréhension de la langue française.
Ils étaient donc devenus amis
et parmi ses dernières volontés le Franciscain
de Bourges demanda à être enterrés à
proximité de son ami Ruetch, ce qui fut fait, ce dernier
étant de Saint Doulchard où il est enterré.
Commentaire : (juillet 2006)
texte: Je ne souhaite pas enrichir votre
Encyclopédie mais juste vous dire que j'ai eu l'occasion
de lire le livre "Le Franciscain de Bourges" et je
trouve qu'il fallait un sacré courage et une foie immense
en Dieu pour avoir pu aider ces victimes de la gestapo.
Je viens de lire l'article sur le procès de Pierre-Marie
PAOLI et il n\'y a pas de mot assez fort pour dire ce que je
pense d'un tel personnage.
Etienne THIRY
un internaute belge
nom: Etienne THIRY
email: etiennethiry43@versateladsl.be
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