Le XIX siècle, c'est
de 1800 à 1900, on travers sur le plan politiques toutes
les périodes, l'Empire, la Monarchie, la République
, mais aussi des Révolutions et quelques guerres, bref
tout tout tout. Et comme c'est assez compliqué, on va
rester sur Bourges.
Comment caractériser
la vie de nos Berruyers au cours du XIX e siècle ?
Sous le premier Empire, Bourges qui a environ
16 000 habitants va se singulariser par un ralliement massif
à l'Empereur Napoléon 1 er, surtout dans la période
des "Cents jours", ce qui valut semble-t-il de sévères
sanctions de la part du pouvoir après l'épisode
de Waterloo. Aussi, dans les années 1830, la cité
est une "ville morte" malgré sa préfecture
et son archevêché.
Les 100 jours à Bourges
Commençons par la première
restauration qui va d'avril 1814 à mars 1815.
Le 13 avril 1814, se déroule à
Bourges une séance très solennelle de la Cour d'Appel
qui donna lecture du texte annonçant la déchéance
de Napoléon 1 er et appelant au Trône Louis Stanislas
Xavier de France, qui prendra le nom de Louis XVIII.
le 30 avril fut publié officiellement l'arrivée
en France de ce Roi Louis XVIII .
Ainsi après les années de la Révolution
et d el'Empire, le règne des Bourbons reprenait.
Cette restauration de la Monarchie ne fut
pas tellement bien accueillie en Berry, où demeuraient
vivaces deux souvenirs assez différents : celui, prestigieux
de l'Empereur, et celui, détesté, des nobles émigrés.
Quelques temps plus tard, en février
1815, une visite importante à Bourges se déroula
avec le duc d'Angoulême qui était le fils du comte
d'Artois le futur Charles X, et de son épouse Marie Thérèse,
la fille de ... Louis XVI.
Ils étaient cousin et cousine.
Le couple fut accueilli en " grande pompe " à
la porte Saint Sulpice (Place Rabelais actuelle), et ils assistèrent
à une messe dans la cathédrale.
Ils repartirent le lendemain par la porte d'Auron ;
Les 100 jours
C'est le retour de Napoléon de l'Ile
d'Elbe, et cette période va du 20 mars au 22 juin 1815,
et ... Waterloo, qui se déroula le 18 juin 1815.
Une fédération berruyère
de fidélité à l'Empereur existait et elle
devint très active dans cette période du retour
de l'Empereur.
Ce comité était placé sous la présidence
du maire Daniel Mater.
Après Waterloo, une émeute
eut lieu à Bourges le 23 juin 1815, avec des " cris
menaçants contre les Royalistes et le Clergé ",
et près d'un millier de personnes se rassemblèrent
devant l'Hôtel de Ville qui était au palais Jacques
Coeur.
Frémont écrit que " la nouvelle du désastre
de nos armées exaspéra le peuple ".
Les troubles se poursuivirent le 24 et le 25 juin.
En juillet, le calme revint avec l'arrivée
du maréchal Davoust, qui fut ensuite remplacé par
un berrichon, le général Mac Donald.
Pourtant
sous le Premier Empire, la ville reçoit les Etablissements
d'Etat comme l'académie d'Université, la Cour de
justice, un commandement militaire pour la région et le
vaste archevêché est rétabli.
Les anciens monuments sont aussi utilisés
à nouveau comme la Justice au Palais Jacques Coeur, la
gendarmerie à l'Hôtel Cujas, et la caserne se déploie
au grand Séminaire (Condé).
Bourges pendant la première moitié
du siècle va continuer à somnoler, c'est une société
conservatrice, le 14 juin 1826, le Comte de Bonneval, maire de
Bourges reçoit en grande pompe le passage, madame la Dauphine
et il demande à chacun de "manifester les sentiments
dont vous êtes animés pour le ROI et son auguste
Famille".
Bourges pourtant commence à se doter
de bâtiments modernes, comme la Halle aux blés pour
l'agriculture, vers les années 1832 - 1836.
C'est aussi l'époque du canal de
Berry avec un tracé qui date de 1822, et une réalisation
terminée en 1843.
Plus tard, la réception du Prince
Président, le futur Napoléon III restera dans toutes
les mémoires pendant des décennies. Ils étaient
100 000 visiteurs dit-on venus acclamés le futur napoléon
II qui dira de belle manière "Je suis venu
au centre de la France, j'en ai trouvé le cur".
Une ville calme et paisible, très
proche du pouvoir quel qu'il soit. On alterne pourtant un esprit
conservateur et rigide avec parfois un libéralisme qualifié
de mesuré. Lorsque l'on évoque alors ce type de
libéralisme, c'est la course à la richesse.
Les révolutions de 1830, 1848, la
Commune ou encore le coup d'état de 1852 sont pour les
berruyers des événements lointains. Les grandes
manifestations sont surtout verbales. Les républicains
se nomment alors Daniel Mater et Michel de Bourges.
On note toutefois quelques actions plus
violentes et encore, ce sont les manifestations du mois d'août
1830 devant l'hôtel de Ville, ils étaient 400 vignerons
mécontents et le criant.
A Bourges dans le début du siècle,
il n'y a qu'une seule usine, c'est
la fabrique de draps de Tourangin, des draps de couleur bleue
de bonne qualité. Elle fut créée en 1817
et disparut en 1830. Et pendant 10 ans il n'y a aucune usine
à Bourges.
Plus tard, l'économie commença
à poindre son nez, et des réalisations remarquables
furent enfin terminées :
Le canal de Berry,
inauguré en 1822, c'était pour beaucoup une véritable
aubaine pour la diffusion des produits agricoles du Berry.
En 1846 l'industrie enfin revient, on en
manquait depuis les gaulois. C'est le marquis de Vogüe qui
fonde les usines de Mazières pas très loin
du canal de Berry. Sa fonte moulée devient célèbre
dans le monde entier, c'est le début des grandes constructions
métalliques, et ainsi les gares de Vienne ou Marseille
sont produites, pour les charpentes à Bourges tout comme
les halles de Baltard à Paris et celles de Saint Bonnet
... à Bourges.
Mais la vocation militaire de Bourges commence
en 1837 avec l'arrivée d'un régiment d'artillerie,
les documents nous informent que 1400 hommes s'installèrent
dans des casernes à Bourges ainsi que 1300 chevaux. Calculez,
1400 moins 1300, il y a une centaine d'hommes qui n'ont pas de
chevaux !
Plus sérieusement,
c'est Napoléon III qui permet l'implantation des industries
militaires et d'armement avec les premières fabriques
de canon dans les années 1870.
Le virage de Bourges est donné : pendant 120 ans, les
berruyers fabriqueront des armes de toute sorte, de toute forme
et pour tous les clients du monde.
La fonderie de canons fut mise en service en 1856 et l'école
de pyrotechnie en 1870 après son repli de Metz.
Mais le clou du XIX
e siècle, c'est l'arrivée du train en 1847 et l'implantation
douloureuse de la gare.
Les berruyers dit-on n'ont pas voulu le train dans leur ville.
C'est sans doute une légende plus ou moins colportée
pour montrer le caractère un peu rétrograde de
nos concitoyens. C'est d'autant plus injuste qu'au milieu de
ce siècle, Bourges s'est réveillé et va
devenir une grande cité industrielle et commerciale.
Ainsi, le symbole est sans doute la ré-affectation
de plusieurs bâtiments religieux ou patrimoniaux pour les
céder à d'autres activités.
Dans ce cadre, la ville de Bourges va céder
le couvent des Annonciades à l'Etat, lequel va installer
sur ce lieu en 1856 une école d'artillerie.
La relance économique se poursuit
dans des domaines encore plus variés, et touchant le milieu
militaire. 90 ouvriers produisent des vêtements militaires
dans le quartier saint Médard et au Moulon, en 1882, la
manufacture Chollet a embauché plus de 200 ouvriers qui
vont produire des chaussures à clous pour l'armée.
L'urbanisme, c'est d'abord la construction
de logements pour les ouvriers. C'est
par exemple le marquis de Vogüe qui édifie dans le
quartier de Mazières une cité ouvrière avec
de vastes rues, les maisons de trois pièces étant
attribuées à des ouvriers jugés méritants.
Il installe aussi un patronage et des structures scolaires. Enfin,
il donne à plusieurs rues, le nom de ses filles, Angélique,
Ursule
.
Vers 1866, la population a presque doublé,
elle est de 30 000 habitants.
Les grands boulevard, commencés
avec Julien seront réellement effectués par le
maire Eugène Brisson à partir de 1878. C'est une
grande ceinture identique à ce qui s'était fait
à Paris avec Haussmann.
Vers la fin du XIX siècle, on construit
à Bourges un certain nombre de structures comme :
Les abattoirs en 1864, à l'emplacement du Prado actuel.
Le château d'eau de la place Séraucourt
en 1867,
En 1882, l'Eglise historique des Carmes,
place Cujas est détruite pour construire l'Ecole des Beaux
Arts. (elle-même détruite en 1976).
Le marché couvert place Saint Bonnet,
réalisé à l'identique des halles de Baltard
à Paris et avec les pièces métalliques sorties
tout droit de Mazières.
Enfin, en 1882, la prison du Bordiot ,
une prison qui devait être selon les spécialistes
de l'époque, un lieu de méditation et d'amendement.
La rue Moyenne devient la grande artère
de Bourges avec le percement complet vers le sud, c'est à
dire vers la place Séraucourt et la destruction de plusieurs
maisons situées vers l'emplacement actuel de la nouvelle
mairie et du square Victor Hugo. Elle prend la configuration
actuelle en 1898.
1847, inauguration du
Chemin de Fer Paris-Vierzon-Bourges.
L'ouverture au public de ce chemin de Fer
dit l'Orléans ou du Centre se déroula le 20 juillet
1847. Avant l'inauguration officielle eut lieu le 29 juin 1847.
Ce jour-la, le Préfet du Cher et le Maire étaient
dans un wagon de voyageurs, accompagné de 26 wagons de
farine, 2 plateformes de charpente, 2 wagons de voyageurs fermés
et deux autres wagons de voyageurs, pas fermés. A l'arrivée
à Bourges, le Cardinal Dupond siégeait sur un trône
pontifical, et il bénit le convoi entouré de la
Garde Nationale, musique en tête.
Le trajet de 268 kilomètres avait été fait
en 5 heures ce qui n'est pas mal.
Ensuite, quatre locomotives furent aussi
bénies par le Cardinal, elles avaient pour nom, l'Ours,
le Sanglier, la Gazelle et le Cerf. Et enfin, le cortège
s'ébranla à pied en direction de la cathédrale.
Les
personnages à Bourges
Le XIX e siècle vit passer de grands
personnages qui sont restés dans nos mémoires et
d'autres moins connus, c'est le cas du général
Petit.
Le général
Petit
Rappelons que le général
Petit est celui qui présenta dans la cour du château
de Fontainebleau le drapeau français à Napoléon
1 er alors que celui-ci s'apprête à rejoindre l'île
d'Elbe. Il reçut l'accolade de la part de l'Empereur.
En août 1830, le général
Petit devint commandant de la 15 e région militaire et
donc arriva à Bourges. C'était le début
du règne de Louis-Philippe.
Au cours de son séjour à Bourges, le général
Petit maria sa fille, elle se prénommait Rose, Eugénie,
Claire. Le mariage se déroula le 10 septembre 1832, il
avait convié de nombreuses personnalités locales,
le " Tout-Bourges ", mais aussi le professeur de piano
de sa fille qu'il mariait et ce prof n'était autre que
Franz Liszt qui commençait à être très
connu et dont rapporte-t-on les excentricités ébahirent
les gens présents à la noce.
Stendhal a Bourges
Parmi les personnages qui vinrent à
Bourges, écrivirent sur Bourges et laissèrent parfois
un goût d'amertume, figure Henri Beyle, que l'on connaît
davantage sous le nom de Stendhal.
Il passa à Bourges en 1837 lors
de son périple en France qu'il décrivit dans son
livre "Mémoires d'un Touriste", un ouvrage
important pour le XIX siècle, d'autant plus que Stendhal
est le créateur du mot "touriste".
Le périple de Stendhal est assez
curieux, nous ne savons pas quel guide de voyageur il avait utilisé.
Mais voici son périple : Montargis, Nevers, Moulins, Autun,
Langres et Dijon, là, il décide de prendre un bateau
et par la Saône il va à Lyon. Après une visite
de la cité, il reprend le bateau cette fois sur le Rhône
et descend sur Valence. Il reprend la diligence pour Brioude,
Clermont Ferrand, La Charité et arrive à Bourges.
Le voyage s'est déroulé du
9 avril au 19 juin 1837.
Avant Bourges, dans sa diligence, ce 24
mai il écrit : "Cheminant à travers
la plus triste des plaines
. J'ai aperçu de loin
la tour de la fameuse cathédrale de Bourges. Cette tour,
objet de tous mes vux, a disparu derrière les plis
du terrain
.".
A Bourges comme de nombreux voyageurs illustres,
il descend au Buf Couronné, une auberge située
rue des rats aujourd'hui rue de la Taumassière.
Il quitte en fin d'après midi son
hôtel :
"J'étais
étouffé par le sentiment de la petitesse bourgeoise
Je suis sorti de l'auberge, jurant tout haut, je l'avoue contre
les provinciaux. Je voulais aller à la cathédrale
Je me suis mis à remonter le cours des ruisseaux, au milieu
de ces tristes rues formées tantôt par des murs
de jardin, tantôt par des mesquines maisons à deux
petits étages. "
Et il poursuit :
"Au bout de cinq minutes, je me suis trouvé
au pied de la tour carrée de la cathédrale
Par bonheur, la porte de la cathédrale était encore
ouverte. Il était presque nuit ; je me suis hâté
d'entrer dans l'église de peur qu'on ne la fermât
; en effet, comme j'entrais, on allumait deux ou trois petites
lampes dans ce vide immense
.
Je l'avoue, j'ai éprouvé une sensation singulière
; j'étais chrétien
Pendant une bonne heure,
mon âme n'a plus senti tout ce qui la martyrisait à
coup d'épingle depuis mon arrivée à Bourges
J'éprouve l'impossibilité complète de donner
une idée de cette église, que pourtant je n'oublierai
jamais.
Tout ce que je puis dire de l'intérieur de cette vaste
cathédrale, c'est qu'elle remplit parfaitement son objet.
Le voyageur qui erre entre ses immenses piliers est saisi de
respect : il sent le néant de l'homme en présence
de la divinité".
Stendhal visita encore Bourges, au palais
Jacques Cur, il admira les peintures du plafond de la chapelle,
qui représentent "des figures d'anges qui semblent
d'une miraculeuse beauté", puis dans le domaine des
bonnes surprises, il poursuivit son chemin vers l'hôtel
des frères Lallemant et il trouva "cette maison
encore plus jolie que celle de Jacques Cur. C'est un charmant
petit chef d'uvre, c'est l'architecture de la Renaissance
dans toute sa gloire".
Par contre il fut surpris par le "bric
à brac du musée du Berry" situé alors
à la place de l'hôtel d'Angleterre. Quant à
la bibliothèque municipale, il ne compta que 3 lecteurs,
se demandant si les berruyers savaient lire ? Par contre il remarque
le bibliothécaire qui est jugé par Stendhal "fort
capable" ce qui est un exploit dans la bouche du voyageur.
Cet homme était Chevalier de Saint Amand.
Il ne gardera pas de Bourges un souvenir
impérissable, dans ses promenades de fin d'après
midi, il va se perdre dans les rues courbes comme la rue de Paradis,
et sera remis sur le bon chemin par jovial ivrogne. Le souper
qui lui est servi est qualifié d'exécrable et le
café au lait à base de chicorée le lendemain
matin n'a pas sa faveur.
Il passe beaucoup de temps entre la cathédrale
et le jardin de l'archevêché dont il admire les
bancs qui sont "fort commodes et identiques à ceux
de Londres".
George Sand à Bourges
George Sand, la bonne dame de Nohant est
venue à Bourges à de nombreuses reprises, on trouve
dans plusieurs de ses romans, l'ambiance de la ville dans la
première moitié du XIX e siècle.
Dans Jehan Cauvin, elle écrit sur l'atmosphère
de Bourges :
" Ville de souvenirs
et de rêverie, muette comme l'oubli, éloquente comme
la mémoire, douce à l'homme qui dort, chère
à celui qui pense ; des rues où croissent paisiblement
la folle avoine aux franges de soie et le chardon à la
tête légère ; des maisons belles et riches
mais cachées derrière de mystérieux jardins,
et à chaque pas une tête gothique sculptée
sur le bois d'un pignon du Moyen Age, un écusson aux armes
effacées ou un fronton aigu porté sur des monstres
couverts d'écailles".
Georges Sand évoque aussi en 1831
dans d'autres écrits la cathédrale Saint Etienne
:
"Savez-vous que votre cathédrale est une des
plus belles choses qui soient au monde ? L'intérieur est
ce que j'ai vu de plus admirable dans ma vie.
Mon Dieu, les belles colonnes, la belle voûte, les beaux
vitrages, les belles sculptures."
Dans un autre courrier, elle écrit
encore à propos de la cathédrale :
"J'y suis entrée
pendant la grand messe et j'ai fait des exclamations à
scandaliser tous les fidèles
L'église souterraine
n'est pas moins admirable que le reste
.. La scène
qui représente le cadavre de Jésus entouré
de bonnes femmes et de bonshommes en pierres peintes est si vivante,
si fantastique, si mystérieusement éclairée
qu'il y a de quoi rendre fou de terreur un pauvre romantique
qu'on enfermerait là sans le prévenir."
Franz Liszt et Marie d'Agoult
au pied de la cathédrale
Franz Liszt viendra, après 1832,
une seconde fois à Bourges. C'était en juillet
1837, il venait de Nohant où il avait passé 3 mois
chez George Sand en compagnie de la comtesse Marie d'Agoult.
Il dictera à Marie d'Agoult ses pensée face au
monument :
"La cathédrale de Bourges est le monument gothique
le plus parfait que je connaisse. En y entrant, je fus saisie
de respect et comme enveloppée du sentiment de l'infini.
C'est bien là le temple chrétien : l'homme y est
tout petit et le Dieu d'y cache dans des profondeurs mystérieuses."
"Un instant, des rayons du soleil
couchant réfractés par les vitraux gothiques teignirent
des voûtes de nuances violettes et pourprées qui,
en voilant les contours et les rudesses des lignes, élevaient
au-dessus de nos têtes un dôme fantastique d'éther
et de lumière."
A suivre
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