JACQUES CUR,
- UNE
GRANDE AVENTURE AU XV ième SIECLE
Jacques Cur
est né selon toute vraisemblance à Bourges, rue
Parerie en l'an 1400, ce sont les résultats des dernières
recherches de Jean Yves Ribault.
Bourges a donc, au cours de l'année 2000, et dans les
années qui ont suivi, avec l'association des Amis de Jacques
Cur commémoré cet événement.
Se sont succédées, des fêtes costumées,
des visites sur les pas de Jacques Cur, des conférences,
des jeux sur Internet ou dans les commerces de la ville, un colloque,
des expositions de livres et de tapis, pour tous les goûts
et tous les âges.
L'encyclopédie de Bourges se devait de participer à
la fête par un article sur le Grand Argentie
r
de Charles VII.
De très nombreux ouvrages ont
été écrits sur Jacques Cur, en les
lisant, on pense tout connaître personnage. Il n'en est
rien, il y en a encore beaucoup de zones d'ombres dans sa vie,
et les recherches se poursuivent.
Jacques Cur est le personnage
le plus illustre de la ville de Bourges, qui a pourtant vue naître
des personnages illustres, des rois et des princes, un seul fait
: c'est avec l'argent qu'il prête à la cour et au
roi qu'il permet au " Petit Roi de Bourges de bouter les
Anglais hors de France ".
UNE JEUNESSE
ORDINAIRE
Jacques Cur est né à
Bourges en 1400 dans une maison proche de l'église Saint-Pierre-le-Marché,
où son père exerçait la profession de marchand
pelletier.
Ce père, Jean Cur, de condition modeste venu de
Saint Pourçain va épouser la veuve d'un boucher,
la dame Bacquelier, ce qui le propulse d'une marche dans la notoriété,
la corporation des bouchers étant particulièrement
puissante.
Le petit Jacques passe sa petite enfance
dans ce quartier Notre Dame, au pied du rempart avant d'aller
habiter à l'angle de la rue des Armuriers et du Tambourin
d'Argent, en face d'une superbe maison appartenant à la
famille de Lambert de Léodepart, le prévôt
de Bourges, " valet de Chambre du duc Jean de Berry ".
C'est à proximité du Palais du Duc Jean que se
déroule l'adolescence de Jacques Cur, à deux
pas de la Sainte Chapelle où il poursuivra ses études.
Jacques Cur n'est donc pas né dans la maison qui
porte superbement la plaque " ici est la maison natale de
Jacques Cur " et ne l'habitera pas. Il vivra juste
en face
Ce début du XV ième siècle
n'est pas particulièrement réjouissant, la période
est fort tourmentée avec la " guerre de cent ans
", alors que les épidémies et la peste sont
des maux quotidiens. A cela s'ajoutent les méfaits des
écorcheurs et autres brigands.
Jacques Cur a 15 ans lorsque se déroule une des
plus cuisantes défaites de l'armée française
à la bataille d'Azincourt. Trois ans plus tard, le dauphin,
futur Charles VII quitte précipitamment Paris, chassé
par Jean sans Peur et se réfugie en Berry, devenant "
le petit roi de Bourges ", titre donné avec beaucoup
de dérision.
La présence du dauphin et de la cour va stimuler la ville
sur le plan des échanges et du commerce.
On connaît très mal les
20 premières années de la vie de Jacques Cur
à Bourges. Très jeune, il gère un des douze
changes de la ville. Son entrée dans le monde des affaires
se fait avec l'aide de sa belle famille, puisqu'il épouse
Macée de Léodepart, sa belle voisine, fille du
prévôt de la ville. Il commence un travail de change
place Gordaine avec ses associés, Godard et Ravant le
Danois. Bientôt il est inquiété pour "
falsification " dans les titres des monnaies frappées.
Il s'en sort plutôt bien, le roi Charles VII signant une
lettre de rémission, alors qu'il aurait pu être
envoyé dans une basse fosse ou sur une galère.
LA MONTEE
VERS LA PUISSANCE
Jacques Cur devient un commerçant
à une échelle beaucoup plus ample que ses concurrents
français de l'époque. Il rêve sans doute
de rivaliser avec les Médicis de Florence ou les marchands
de Gênes. Son premier voyage dans les pays du Levant se
déroule en 1432, on ne sait pas ce qu'il a ramené,
sinon l'ébauche d'une stratégie d'approche de ce
commerce. Le retour est délicat, il fait naufrage au large
de Calvi. Prisonnier, il est relâché contre une
rançon assez faible, ce qui signifie qu'à cette
époque il n'était pas considéré comme
un personnage important.
Il fait construire des navires sur le
modèle des bateaux génois, après en avoir
copié un qu'il avait acheté... ce qui lui vaudra
quelques ennuis.
Marchand mais aussi banquier, armateur, industriel, maître
de mines dans le Forez, il est le contemporain de Jeanne d'Arc,
qui habitera Bourges en 1429, de Gilles de Rais, et le confident
d'Agnès Sorel. Ne dit-on pas que Perrette, la fille de
Jacques Cur accueillait dans son château de Bois
Sir Amé, les amours de Charles VII et de la belle Agnès.
Il conçoit des routes, installe des comptoirs pour faire
" commerce avec les infidèles ", créa
une flotte de navires, ses galées, et le négoce
avec le Levant devint plus que prospère.
Il est un " manager " d'une grande modernité,
à la fois Receveur des taxes sur le sel, Commissaire aux
Etats du Languedoc, maître des Monnaies et Argentier du
Roi, il tisse un réseau commercial de toute première
importance, avec Montpellier, puis Lyon, Avignon, Limoges, Rouen
et Paris. Plus au nord, il commence l'installation d'un comptoir
à Bruges.
Comme l'écrivent ses biographes, " Il fut créateur,
sans le savoir, des sociétés multinationales et
des entreprises à succursales multiples, il réussit
à stopper la dévaluation de la monnaie ".
Il fut un génial administrateur et un diplomate dans des
situations délicates, fréquentant les rois, les
princes et les papes.
Il reste beaucoup de questions sur cette
période, sur l'importance de sa flotte de navires, 4,
7 ou plus de bateaux, c'est assez différent. Quant à
son talent de diplomate, certains affirment qu'il était
utilisé essentiellement parce qu'il payait les frais de
déplacement et les réceptions. Quant à ses
relations privilégiées avec plusieurs papes, c'est
encore un mystère, ce petit berrichon qui dialogue d'égal
à égal avec un pape, puis un autre, c'est assez
curieux.
LA FORTUNE
DE JACQUES CUR
En fait, la fortune du grand argentier
ne serait pas due totalement à la vente de tissus ou de
fourrures aux nobles de la cour, ni dans la fabrication de l'or
à partir de métaux vils comme cela se murmurait
dans les milieux alchimistes. C'était sans doute plus
simple et plus rentable, il " jouait les différences
de cours de l'Or et de l'Argent, entre l'Occident et le Levant.
En occident, le bi-métallisme était de rigueur,
mais il manquait beaucoup d'or, alors que les mines de plomb
argentifère étaient prospères. Inversement,
le Levant " regorgeait d'Or " et la cote de l'argent
était au plus haut. Il devenait alors aisé, pour
un financier un peu aventureux de changer des quantités
d'argent venues d'Occident contre de l'Or.
Jacques Cur est anobli en 1441,
et deux ans plus tard, il acquiert un terrain, pour y construire
une " grant'maison ", ce que nous appelons le Palais.
Les travaux vont durer 8 années.
En 1450, le Palais est presque terminé. Jacques Cur
donne une fête dans la salle des festins, pour la réception
organisée à la suite de l'accession comme archevêque
de Bourges de son fils, Jean. Ce sera une des rares occasions
pour Jacques Cur de profiter de son palais.
Outre son Palais de Bourges, le grand
Argentier acquiert moult maisons, châteaux et propriétés
en Berry comme Ainay-le-Viel, ou encore à Menetou-Salon.
Plus loin, il aura une loge des marchands à Montpellier,
une autre à Tours, alors que le château de Boisy,
proche de Roanne devait être une étape entre Bourges
et le midi.
En 1450, il est au somment de son art, il a construit un vrai
palais, il est riche, et le roi Charles VII, comme une grande
partie de la cour lui doivent de l'argent, beaucoup d'argent
!
LA CHUTE
Alors que tout va bien, semble-t-il,
Jacques Cur est arrêté sur l'ordre du roi
Charles VII le 31 juillet 1451 au château de Taillebourg.
Il est emprisonné pour une dizaine de motifs plus ou moins
sérieux.
Il a fait beaucoup de jaloux, et ne dit-on pas cette formule
qui ne devait pas faire très plaisir à Charles
VII : " Le Roi fait ce qu'il peut, Jacques Cur fait
ce qu'il veut ". Il était devenu l'égal des
" grands " du royaume, paradant à Rouen en 1449
avec le roi et les hauts dignitaires !
Les accusations et les procès de l'époque sont
caractéristiques : on ne badine pas avec les aveux. Torturé
et soumis à la question il avoue tout ce que veulent ses
détracteurs, et il est condamné à mort le
23 mai 1453, mais sa peine est commuée en détention
à perpétuité.
On ne connaît toujours pas les
raisons de cette arrestation, dans un premier temps, il est accusé
d'avoir empoisonné Agnès Sorel, c'est assez vite
rejeté. Le reste ne tient pas plus. La raison ne serait-elle
pas la haine de Charles VII envers son fils le dauphin et futur
Louis XI. Jacques Cur servait le roi, mais avait sans doute
des relations avec le Dauphin, ce qui était insupportable
pour Charles VII, d'où l'arrestation.
Il va finir sa vie aventureuse comme
dans un roman de cape et d'épée. Il s'évade
de sa prison de Poitiers, avec l'aide de ses amis, et par le
canal des couvents dont celui de Beaucaire, il rejoint Rome et
le Pape, affrète une flotte au nom de son illustre hôte,
et s'en va combattre les infidèles. Il meurt le 25 novembre
1456 dans l'île de Chio, sans doute lors d'un combat naval
avec les Turcs. Son corps sera enterré dans le couvent
des Cordeliers, et les restes seront dispersés par un
tremblement de terre pour les uns, par des pillages et destructions
des infidèles pour les autres.
Jacques Cur, personnage fabuleux,
quel film ferions-nous avec son extraordinaire existence, génial
bourgeois, il monte au sommet de l'état, est " descendu
en flèche ", mais se redresse et repart vers d'autres
aventures.
LA GRANT'MAISON
Le nom donné aujourd'hui de "
Palais " pour l'édifice est récent. Jusqu'au
siècle dernier, on parlait de la " la grand maison
de monseigneur l'argentier ". C'est sans doute à
partir du moment où il reçoit la cour de justice
de Bourges que l'on parle du bâtiment, comme d'un "
palais de justice " et le mot " palais " est resté.
L'histoire du monument est peu commune. En 1457 il est rendu
aux enfants de l'ex-grand argentier, et Geoffroy Cur en
prend possession. Son fils Jacques Cur II en hérite
puis le vend à la famille Turpin en 1501. C'est ensuite
qu'il se retrouve dans les mains de la famille de Laubépine
qui va le garder un siècle. A cette époque le frère
de Claude de Laubépine, évêque de Limoges
fait construire, adossé au Palais, un hôtel qui
prend comme nom Hôtel de Limoges, aujourd'hui disparu.
De 1629 à 1636, le prince de Condé et son frère
le prince de Conti habiteront respectivement le palais de Jacques
Cur et l'hôtel de Limoges. En 1679, Colbert acquiert
l'édifice. Acheté par la municipalité en
1682, c'est l'Hôtel de Ville de Bourges. Il subit alors
de profondes modifications intérieures pour permettre
le travail administratif et l'archivage. Il héberge ensuite
des institutions de justice, le baillage et le présidial.
Ce n'est qu'au début du XX ième siècle après
le départ de la mairie puis de la justice que le bâtiment
racheté par l'Etat devient le fleuron du patrimoine civil
berruyer.
L'intérieur possède encore de magnifiques architectures,
cheminée, plafond, chapelle, mais les restaurations ont
dénaturé de nombreuses pièces. Il reste
toutefois quelques belles sculptures, dont un Tristan et Iseult,
un bas relief représentant une galée et des vitraux
remarquables.
http://www.jacques-coeur-bourges.com
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