Le jardin
des Prés Fichaux est situé entre l'Yèvre
et le boulevard de la République. A l'origine, il s'agissait
d'une étendue de terre, souvent recouverte par les eaux,
c'était en fait un marais qui dépendait de l'Abbaye
Saint Ambroix.
On raconte que les moines de l'Abbaye louaient leur terrain pour
que l'on y cultivât du chanvre et des légumes. Pendant
des siècles, les "Pretz-Fichault" seront des
lieux de rencontre pour les manifestations les plus diverses.
Des psaumes de Clément Marot étaient déclamés
par les partisans de la Réforme. Un siècle après,
au mois de juillet 1619, les Prés Fichaux étaient
utilisés pour les concours d'arquebusiers. Bien plus tard,
en 1948, la chanteuse Edith Piaf, avec les Compagnons de la Chanson
proposeront un tour de chant, alors que récemment, les
berruyers avertis ont apprécié un concert de musique
électroacoustique.
C'est dans les années 1920 que l'idée
germe dans la tête des responsables locaux pour faire de
ce terrain un jardin public. Le premier projet date ... du 1°
avril 1921. Le plan d'ensemble est signé de Paul Marguerita,
c'est un jardin dit "à l'anglaise", il n'a aucune
ressemblance et aucun point commun avec ce qui sera bientôt
édifié. Les plans définitifs sont réalisés
en 1922, toujours par Paul Marguerita, il sera le véritable
père de cette oeuvre. Cet architecte paysagiste de la
Ville de Bourges proposera un jardin "à la Française",
très classique, avec plusieurs zones très précises,
comme la terrasse, le tapis vert, le théâtre de
verdure, la roseraie.
Pendant une dizaine d'années, les
travaux vont se dérouler, avec d'énormes problèmes
techniques, mais aussi des problèmes financiers et une
opposition d'une grande partie de la population. Il faudra toute
la volonté et l'énergie du maire Henri Laudier
pour faire face aux difficultés d'une décennie.
En ville chacun évoquera "ce gouffre financier que
représentent les Prés Fichaux".
Les chiffres qui vont permettre de réaliser
ce jardin sont éloquents: sur une surface de 4 hectares,
il faudra amener 100 000 mètres cubes de remblais, des
centaines de mètres de canalisations souterraines et plus
de 6000 mètres de drains.
Dix ans de travaux colossaux pour aboutir à ce 30 juin
1930, jour de l'inauguration. Ce jour là, le cortège
des personnalités, Henri Laudier en tête, va longuement
parcourir le jardin. Monsieur Paul Léon, Directeur des
Beaux Arts de Paris n'est pas présent, c'est lui qui devait
présider cette inauguration, mais il est malade, et n'a
pas pu venir.....
La visite commence à la terrasse,
où chacun admire le bas relief de Coulhon, toujours en
place aujourd'hui. Le cortège, assez maigre, parcourut
les 100 mètres de la longueur de la pelouse, avec ses
ifs délimitant les allées, pour atteindre au fond,
un bassin de 300 mètres carrés agrémenté
d'une fontaine à trois chutes, comprenant, au centre un
marbre délicieux de Blanchard, appelé "Diane
Surprise". Cette oeuvre, très fine, sera remplacée
par "un Popineau". De part et d'autre du bassin, le
"clou" du jardin: deux vases monumentaux en grès
de Sèvres, ils sont du ciseau de Patout, ils ont aujourd'hui
disparu.
Henri Laudier et ses amis arrivèrent ensuite au théâtre
de verdure, dont l'entrée était gardée par
deux "Centaures" de Monard, alors que la roseraie toute
proche et son escalier de 6 marches permettait la découverte
d'une fontaine avec le Dieu Pan et deux vases de Sèvres,
intitulés "les Saisons", sur un modèle
de Nevicq, comme l'écrit la presse locale, "ce sont
de magnifiques taches blanches sur l'émeraude des pelouses
latérales". Le long du parcours, deux oeuvres remarquables,
"une femme nue" de Barrias, puis le "Bûcheron"
de Riché, deux statues qui ont disparu du jardin.
L'inauguration
de ce 30 juin 1930 est une grande victoire pour Henri Laudier.
Après tant de critiques, et une matinée à
demi-ratée par l'absence des personnalités parisiennes
et celle de nombreux berruyers, l'après-midi, la foule
va se précipiter pour voir le jardin. Ce sera vite l'émerveillement,
le jardin des Prés Fichaux de l'avis de tous, est un des
plus beaux d'Europe : et il se trouve à Bourges.
Depuis les années 1930, des sculptures
ont été réformées et d'autres ajoutées,
c'est ainsi que l'on découvre sous de grands arbres un
" Bernard ", intitulé Harmonie et un "
Jules Dalou ", le paysan.
Aujourd'hui,
ce jardin reste très art-déco, même s'il
manque quelques grès de Sèvres. Le fleurissement
est toujours d'une grande qualité et la roseraie attire
de nombreux touristes. Si Henri Laudier revenait, il ne trouverait
pas de grandes différences. Les rangées d'ifs sont
plus fournies et les espèces végétales ont
parfois évolué. Il faut sans cesse trouver des
espèces nouvelles, ou entretenir celles qui existent.
Il fait l'objet d'une recherche continue. Ainsi, au mois d'août
97, M. Roland Marie Marceron convoqua la presse pour montrer
des plans de tabac. Chacun accourut, c'était une aubaine,
on trouvait désormais du tabac dans les jardins public
de la ville ..... et à quant le pavot..... ?
Il fallut assez vite déchanter, car les plans de tabac
présentés au jardin des Prés Fichaux étaient
du tabac d'ornement avec des fleurs magnifiques, mais assez peu
de feuilles, pas de quoi fumer.
Le tabac fut importé par Jean Nicot qui offrit pour la
première fois une " prise " en poudre à
Catherine de Médicis qui souffrait de maux de tête....
Ce fut un succès.
Mais dans les cultures nouvelles des Prés Fichaux, il
ne s'agissait pas de produire du tabac à fumer, mais du
tabac d'ornement : cinq espèces étaient présentées
à titre expérimental par l'Institut du Tabac de
Bergerac afin que la ville de Bourges puisse en étudier
la culture.
Le jardin des Prés-Fichaux, avec
ses concerts d'été, reste " le grand jardin
de la Ville ", par sa conception, son histoire et la beauté
de son fleurissement.