La mairie de
Bourges, en cette fin d'année 2000 est composée
de deux bâtiments situés à deux pas de la
cathédrale Saint Etienne, l'un classique, datant du XVII
ième siècle, l'autre très récent,
puisqu'il a été construit en 1992. Mais auparavant,
le pouvoir municipal s'est baladé dans plusieurs lieux
de la ville, parmi les bâtiments les plus prestigieux.
C'est cette visite dans le temps en prenant les pas de Christophe
Gratias, guide conférencier des monuments historiques
qui est proposée dans cette première encyclopédie
sur Bourges.
Il apparaît que la motivation de ces changements de lieux
a toujours la même cause : il n'y a pas assez de place
pour travailler et stocker les documents administratifs municipaux.
Le premier
pouvoir municipal
Ce n'est que vers le XII ième siècle
que les habitants de Bourges commencent à prendre conscience
de la nécessité de se regrouper en assemblée
générale des habitants et d'élaborer des
actions communes comme en 1210 lorsque la population demande
que les rues soient pavées et décident, pour le
financement de lever des taxes. Un lieu de réunion s'avère
nécessaire et ces assemblées générales
se déroulent dans le cloître du prieuré de
Notre-Dame-la-Comtale.
Cette première symbolisation du pouvoir municipal est
importante, il est situé à l'emplacement actuel
de la galerie d'art de l'école de Beaux Arts : la Box.
De ce lieu, les habitants ont une vue superbe sur les Prés-Fichaux,
un vaste marais nauséabonde.
Il y a donc, nous rappelle Christophe Gratias
un premier pouvoir municipal qui s'occupe de la voirie, qui élit
les députés envoyés auprès du Roi,
qui lève les taxes
etc et sans qu'il y ait véritablement
un maire ou un corps municipal constitué.
Les Maires
et les Echevins
C'est au XIV ième siècle
qu'apparaît la notion de corps municipal avec les "
Bonhommes " qui sont les quatre représentants des
quatre quartiers de la ville. Le mot Echevin viendra du Nord
un siècle plus tard. Mais cet ancêtre du Conseil
Municipal a rapidement des occupations très importantes,
il doit défendre la ville lors de la guerre de 100 ans
et la reconstruire en partie après l'incendie de 1353.
Progressivement, la ville se dote de cette institution comprenant
un maire et quatre Echevins, personnages majeurs, élus
par le " peuple ". C'est Louis XI, natif de Bourges,
qui n'était pas un grand démocrate qui va supprimer
l'élection des Echevins et nommer lui-même, le maire
et les Echevins, diminuer leurs prérogatives en matière
de justice et en échange, ceux-ci sont anoblis !
La Première
vraie Mairie (1492)
Bourges a toujours été une
ville d'incendies et le plus dramatique qui détruira dit-on
3000 maisons se déroula le 22 juillet 1487, le jour de
la sainte Madeleine, et en fin de soirée, le maire et
ses Echevins verront partir en fumée tous les écrits
et documents administratifs de la ville, puisque Notre-Dame-la-Comtale
se situait dans le périmètre brûlé.
Après un instant de découragement,
les échevins décident de construire une véritable
mairie, ce sera l'hôtel des Echevins. En attendant, ils
font leur conseil municipal dans les lieux les plus divers, même
à l'intérieur de la cathédrale !
Ce lieu, situé à proximité de Notre-Dame-la-Comtale,
appartenait à un bourgeois, Pierre Jehanin qui vend le
terrain " à la ville " pour 425 écus.
La construction
commence vers 1489 et dure 3 ans, suivant les plans d'un maître
maçon, Jacquet de Persigny, appelé parfois Jacques
de Pigny. Le style de l'ouvrage a des similitudes avec le palais
du Duc Jean et même le palais de Jacques Cur, mais
l'intérieur est parfaitement adapté au travail
des Echevins avec une grande pièce pour les assemblées
générales des habitants et surtout une salle toute
en pierre pour le secrétariat et les archives que l'on
ne voulait plus voir partir en fumée.
L'extérieur est un petit bijou,
avec une magnifique tour comprenant de nombreuses sculptures
comme " les sergents de la ville ", ancêtres
de la police municipale, situés dans les fausses fenêtres.
Il faut montrer que l'incendie de 1487 n'est qu'un mauvais souvenir
et que la puissance de Bourges et des édiles locales est
toujours intacte.
Dans la grande salle une cheminée monumentale comporte
les sculptures de moutons, symboles de la ville (les moutons
du Berry sont en réalité des béliers
.).
Des vitraux et des peintures aux armes du roi, mais aussi du
maire et de ses quatre Echevins complétaient la décoration.
La mairie est donc dans un superbe bâtiment,
mais se trouve à l'étroit, et on construit d'abord
une tourelle, puis un siècle plus tard, une galerie à
arcades, uvre de Jean Lejuge. Le prince de Condé,
alors gouverneur du Berry organise dans ce lieu de très
nombreuses réceptions.
Mais l'hôtel des Echevins, même
avec les derniers aménagements du XVII ième siècle
n'a pas la splendeur et la grandeur d'un palais. C'est alors
que dans la ville un autre bâtiment est à vendre,
il s'agit de l'hôtel construit par Jacques Cur.
L'hôtel
de Ville chez Jacques Cur (1682)
" La Grant Maison " de l'argentier
de Charles VII appartenait à Colbert qui l'avait acheté
en 1679 et en 1681, il décide tout simplement de s'en
séparer, et le propose à la municipalité
qui ne peut refuser, entrant par là même dans les
bonnes grâces du ministre.
La ville s'en rend acquéreur ainsi que l'hôtel
de Limoges qui le jouxtait (et qui n'existe plus), en contrepartie,
ils vendent l'hôtel des Echevins aux Jésuites.
Le palais de monseigneur l'Argentier
devient donc la mairie de Bourges en 1682.
Mais passer de l'Hôtel des Echevins à celui de Jacques
Cur, c'est un pas considérable. L'édifice
est à la fois plus prestigieux et plus vaste, mais comme
il faut de l'argent pour les frais de fonctionnement, le maire
n'occupera pas l'ensemble du Palais Jacques Cur : il en
louera une partie en
. Appartements.
A la Révolution, on installe les tribunaux qui manquent
de place et bientôt, la mairie prend la partie supérieure
du corps de logis et la magistrature s'installe plus bas, côté
rue Jacques Cur. Et le problème de place ressurgit
sous l'Empire avec l'arrivée des cour impériales
et de la cours d'assises, une partie des services municipaux
s'en vont dans l'hôtel de Limoges, alors qu'au fil des
ans, la place réservée à la ville diminue
au profit de la justice.
Le nom même de Palais Jacques Cur vient de cette
époque, on allait " au palais
. de justice ",
auparavant on parlait de l'hôtel ou de la " grant-maison
" et jamais de " Palais ".
Mérimée de passage à
Bourges écrira que ce lieu " est fait pour être
la mairie de Bourges " et il déplore le peu de place
disponible dans l'hôtel de Limoges. Sur sa lancée,
il fera classer en 1840 le bâtiment monument historique.
Mais la place manque cruellement, il faut trouver un autre lieu
dans Bourges.
Mille et
un projets de Mairie
A partir de 1856, une commission municipale
travaille sur un nouvel hôtel de Ville, qui doit comprendre
les services administratifs, mais aussi une bibliothèque
et un musée. Trois ans plus tard, ce sont 7 lieux qui
sont proposés au conseil municipal pour que l'architecte
Roger fasse construire la nouvelle mairie qu'il a dans ses cartons.
Cela va de la place Cujas aux terrains de l'Oratoire, alors qu'une
étude économique montre qu'il serait préférable
d'acquérir un hôtel existant. Ce sera fait avec
l'achat pour 100 000 francs de l'hôtel Paskiewicz, situé
à l'emplacement actuel de la poste, rue Moyenne.
Cet hôtel Paskiewicz devient donc
la mairie de Bourges en 1865.
La caractéristique de cet hôtel
était son intégration dans un grand projet d'urbanisme,
un peu à la manière d'Haussman, comportant une
trouée dans l'axe de la cathédrale entre le parvis
et la rue Moyenne.
C'est le maire Pierre Planchat qui inaugure la nouvelle mairie,
un 11 novembre de l'année 1865, et dans son discours,
s'il déplore que le bâtiment vu de l'extérieur
est assez quelconque, l'intérieur est parfaitement adapté
et " tous les services de la mairie s'y trouvent admirablement
bien installés ".
Et la ville restera en cet emplacement près de 45 ans,
avant de rejoindre à nouveau un palais : celui des archevêques
de Bourges.
La mairie rue de la monnaie
La mairie
du XX ième siècle (1910)
C'est la suite de la loi de 1905 de séparation
de l'Eglise et de l'Etat qui permet à la ville d'acquérir
gratuitement cette fois le palais archiépiscopal situé
à proximité de la cathédrale. Cet édifice
avait été construit par Pierre Bullet à
la demande de l'archevêque Phélippeaux de la Vrillère
au XVII siècle.
Les conditions qui ont porté la municipalité dans
ces lieux en 1910 et les manifestations qui ont suivi
lors du départ de l'évêque, Monseigneur Servonnet
nécessiteront à elles seules un nouvel article
dans la Bouinotte, car il s'agit d'un événement
très important du début du siècle à
Bourges.
Pour utiliser ce nouvel édifice, il faudra modifier l'ensemble
de l'agencement intérieur et les travaux seront permanents.
Le plus difficile fut de loger la totalité des services
municipaux dans des pièces plus hautes que larges ou dans
des lieux si étroits qu'un bureau n'y entrait pas.
Dernière
étape : l'extension controversée (1992)
A l'étroit, une fois encore, dans
les années 1980, la municipalité de Jacques
Rimbault décida de construire un bâtiment jouxtant
le palais archiépiscopal et après plusieurs années
de fouilles archéologiques, un immense vaisseau vit le
jour dans un style futuriste du à l'architecte Claude
Vasconi.
Placé devant la cathédrale cette construction verra
un déchaînement de passions rarement vu en Berry
ces dernières décennies tant le style de l'édifice
est décalé par rapport au patrimoine de la ville.
L'intérieur et son gris bleuté sont d'une froideur
à laquelle beaucoup seront allergiques !
Mais le temps fera son uvre et dix ans plus tard, la "
nouvelle mairie " fait partie de l'espace Berruyer et chacun
s'y est fait et vit avec, même si certains nostalgiques
regrettent toujours ce bâtiment, et l'auraient vu ailleurs,
loin de la cathédrale.
A quant un nouveau lieu pour la prochaine mairie, parions pour
2015, mais à quel endroit ?
Claude Vasconi :
Il fit ses études à l'Ecole
Supérieure des Arts et Industrie de Stasbourg (ENSAIS),
Comptant parmi les constructeurs les plus
présents sur les marchés français et allemand,
Claude Vasconi né en 1940 à Rosheim, en Alsace,
avait obtenu le Grand Prix national d'architecture en 1982. Il
avait réalisé, en collaboration avec Georges Pencreac'h,
plusieurs établissements publics dans les villes nouvelles,
notamment à Cergy-Pontoise, ainsi que le centre commercial
du Forum des Halles, achevé en 1979. En 1981, les deux
architectes avaient séparé leurs pratiques.
Il laissera ensuite des oeuvres solides,
efficaces, parfois massives comme le Corum de Montpellier (1992),
la Filature à Mulhouse (1994), l'hôtel du département
(1990) à Strasbourg et la nouvelle mairie de Bourges.
L'architecte Claude Vasconi est mort le
mardi 8 décembre à Paris, des suites d'un cancer.
Il était âgé de 69 ans.
"Seul maître à bord Architecte
parfois contesté pour la dureté froide de son style
un peu répétitif, où dominent les couleurs
du métal, il est respecté pour son efficacité
et il est appelé par de très nombreuses villes,
souvent après concours. On le voit arriver, élégant,
la barbe soigneusement élaguée, le chapeau sur
la tête, un foulard soigneusement noué autour du
cou. Fier, indépendant, il est respecté, attachant,
mais aussi craint, car ses coups de gueule ne sont pas rares.
Son volontarisme fera qu'on ne connaît guère de
ralentissement dans sa carrière."
Franck Hammoutène, architecte et
président de l'Académie d'architecture, dont Claude
Vasconi était membre depuis 1991, utilise exactement les
mêmes adjectifs qualificatifs que Francis Soler, auxquels
il ajoute : "libre", "indépendant",
"droit", et aussi "charismatique", "discret",
"curieux".
La mairie de Bourges, de l'avis des architectes
locaux, a particulièrement bien vieilli sur l'extérieur,
alors que l'intérieur est à revoir, à la
fois sur l'espace, sur l'énergie et sur les couleurs.
Pour Frédéric Blatter, "c'est le seul nâtiment
modezrne de notre ville .... Vasconi a réussi à
construire ce bâtiment sans toit, tout proche d ela cathédrale,
et ça il fallait le faire. En fait l'intérieur
a vieilli, pas l'extérieur".
(Nota : M Blatter oublie l'Ecole de musique
et le Hublot dans les bâtiments modernes).
A noter que lors des hommages et de la
carrière de Claude Vasconi, dans ses réalisations,
sur Internet, a aucun moment ne figure Bourges.