C'est
en 1977 que se déroule le premier Printemps de Bourges.
Cette initiative est l'oeuvre de trois personnages du milieu
du spectacle : le directeur de la Maison de la Culture, Jean
Christophe Dechico, Alain Meilland, un chanteur et comédien,
qui prend en charge dans cette structure le secteur chansons,
et Daniel Colling, un agent de spectacle qui veut programmer
la chanson française, celle que l'on voit nulle part dans
les médias.
Ce festival peinera à s'imposer aux Berruyers, qui n'en
verront l'intérêt et l'animation qu'au fil des années.
Ainsi à chaque Printemps, des milliers de jeunes viennent
" s'éclater " dans les salles et sous les chapiteaux
de Bourges. Progressivement, les affiches du Printemps décideront
les Berruyers à s'approprier cette manifestation. Sous
la houlette et la persévérance de Daniel Colling,
il passera ses 20 ans et continue, donnant " un bon coup
de jeune " à la ville qui en a parfois besoin. Et
l'édition de 2005 est très révélatrice
de la ligne artistique du Printemps.
- Cet article est à
l'image du Printemps, curieux, sans ordre, il navigue dans le
temps, à vous de choisir ce qui vous intéresse.
Chaque année, 80 spectacles, 200 artistes dans une douzaine
de lieux sur une petite semaine proposent les genres musicaux
les plus divers. Bourges a reçu tout ce que la musique
et la chanson proposent dans le monde. C'est Renaud, Jacques
Higelin, Claude Nougaro, Yves Montand, Michel Jonasz, mais aussi
Serge Gainsbourg, George Moustaki ou Patricia Kaas, ainsi que
Sting, Ray Charles ou Jerry Lee Lewis. Au fil des Printemps des
genres musicaux nouveaux apparaissent, le Rap et MC Solaar, le
Hard et Iron Maiden, ou encore la " Techno " et les
premières " raves " vraiment organisées,
sans débordement.
Les " grands moments " du Printemps sont nombreux.
C'est le premier
passage de Renaud en 1978, inconnu
quelques mois plus tôt, son " laisse-béton
" fait un triomphe au grand théâtre de la Maison
de la Culture, il est lancé.... c'est le " malaise " de Juliette
Gréco au pavillon, elle
quittera la scène pour y revenir.... un an plus tard.
Et puis le concert de Francis Lalanne, qui arrive sous le chapiteau
de la place Séraucourt, après Cabrel, et Paquette,
il annonce, "
nous chanterons jusqu'à l'aube ".... et à cinq heures du matin, il quitte la
scène, devant des spectateurs ivres de musique. Enfin,
le concert de Johnny
Clegg, le " zoulou blanc " venu de Johannesburg, sous
un stadium archi comble, comprenant sans doute plus de 17000
personnes, il chantera comme dans
un rêve, Rocard sera là, c'était en 1988,
quelques jours plus tard, l'homme politique devient premier ministre
et Johnny Clegg un des grands de la chanson pour l'ensemble du
monde libre.
La Halle
en Fête, prémices du Printemps de Bourges
Alain Meilland,
avec son équipe dite "des Lyonnais", faisait
les beaux jours de la chanson à Bourges. Il avait créé
un secteur chanson à la Maison de la Culture et proposait
de nombreux spectacles dans le genre "cabaret". Ainsi,
il y avait eu "Mon Pote le Gitan", "Les copains
d'abord", "V... comme Vian" ou encore "Le
temps des crises" . Il participait aussi avec ses amis Michel
Pobeau, Serge Beaujard ou Jean-Jacques Dupont à des spectacles
de poésie.
Une rencontre en 1976 avec des passionnés de chanson comme
Maurice Frot et Daniel Colling, et c'est le début
d'une grande aventure. Colling cherche à créer
des spectacles de chansons, en marge du show-business parisien
habituel. Il vient de Nancy et dans les conversations entre Meilland
et Colling, on parle beaucoup d'autogestion, de marginalité,
de vie associative. Pour Meilland, "Colling est un agent
de spectacle qui essaie de faire du culturel", alors que
pour Colling, "Meilland bénéficie d'une structure
qui peut servir de lieu de rencontre".
Quelques semaines plus tard, une société civile,
baptisée curieusement "Ecoute s'il pleut",
organise en mai 1976 à Bourges, les premières rencontres
des organisateurs de spectacles qui ne veulent plus du système
existant. Cette société va s'occuper d'artistes
comme Bernard Lavilliers, alors inconnu, Ange, Catherine Sauvage,
Font et Val, Jacques Higelin ou Henri Tachan, la belle et bonne
chanson à textes.
"Ecoute s'il pleut"
s'est donnée Daniel Bornet pour Président, Alain
Meilland pour secrétaire et Daniel Colling pour Directeur, et
c'est en septembre 1976, pendant trois jours, une grande fête
dans la Halle au Blé qui servait habituellement pour le
marché du samedi matin, mais cette fois, les chanteurs
ont remplacé les volatiles.... des artistes comme Lavilliers,
Béranger ou le groupe Malicorne vont faire un spectacle
pendant trois jours. C'est un mini-festival baptisé "La
Halle en Fête" qui est suivi par environ 3000 spectateurs,
et l'idée de monter un vrai festival commence à
faire son petit bout de chemin.
Jean-Christophe Dechico, le patron de la Maison de la
Culture apporte sa logistique à l'opération, et
à la fin d'un repas, il lance aux deux protagonistes de
la Halle en Fête, "Allez, Faites-moi un projet de
vrai festival".
Document communiqué par Daniel Bornet
Ainsi l'entreprise commence. Il
ne reste que trois mois à Meilland-Colling pour mettre
sur pied un festival de la chanson, au printemps 1977. Alors
que les élections municipales se profilent, le premier
Printemps de Bourges allume ses lumières et fait donner
ses décibels. Une belle aventure commence.
Histoire d'un printemps de Pierre Favre
L'autre Chemin d'Alain Meilland de Maurice Pollein
1977 :
Premier Printemps de Bourges
La "Halle en Fête" avait
été un grand succès, et les organisateurs
avaient obtenu le "feu vert" de la municipalité
de Raymond Boisdé pour concevoir un vrai festival de la
chanson et lancer une première édition en avril,
juste après les élections municipales. C'est ainsi
que les affiches de ce premier Printemps apparaissent au lendemain
de la victoire de la gauche. Beaucoup pensent qu'il s'agit de
la première action culturelle de la nouvelle municipalité.
La réalité, c'est d'une part la volonté
de Colling, Meilland et Dechico de lancer ce Printemps de Bourges,
et d'autre part, à cette époque, une campagne électorale
se caractérisait par des centaines d'affiches plus ou
moins sauvages sur les murs de la ville. Ajouter celles du festival
ne servait à rien.
Cette édition du 6 au 10 avril 1977 comporte un programme
alléchant avec Jacques Higelin, Colette Magny, Bernard
Lavilliers et un Top à Charles Trenet.
C'est le début du Printemps de Bourges, la plus forte
animation du siècle pour porter au loin le nom de la ville.
BOURGES,
LA VILLE DU PRINTEMPS
Bourges est devenue depuis une vingtaine
d'années, la ville du Printemps. Si vous voyagez, lorsqu'on
communique son lieu d'habitation, à l'hôtel, ou
dans un lieu public, il n'est pas rare que l'interlocuteur auquel
on s'adresse, lève les yeux sur vous et vous questionne,
"Ah oui, "le Printemps de Bourges". Le Palais
Jacques Coeur, l'Hôtel Lallemand, Estève et les
Echevins, et même la cathédrale sont relégués
au second plan.
La puissance du monde médiatique
est telle que plus de 25 ans de Printemps ont presque éclipsé
8 siècles de cathédrale.
Certains contesteront une telle analyse,
et il est vrai qu'il ne faut pas trop généraliser,
mais il est incontestable que l'importance prise par le phénomène
Printemps de Bourges trouble nombre de Berruyers. Il faut donc
chercher à comprendre le pourquoi des choses. Car enfin,
ce Printemps n'a même pas atteint sa majorité et
il ne dure qu'une dizaine de jours par an les bonnes années
et moins d'une semaine en période de pénurie financière
!
Comment expliquer la puissance de ce phénomène
musical ?
En
premier lieu, prédomine un bon ciblage du public. Il ne
faut pas trop se disperser. Dans les années 1960, les
responsables locaux avaient mis sur pied "Les Florilèges"
qui étaient sur plusieurs semaines, un amalgame de spectacles
de toutes sortes, danse, théâtre, musique et pour
faire bonne mesure et attraper tous les public, des épreuves
sportives avaient été ajoutées. Les florilèges
ne feront recette que quelques années. Le Printemps de
Bourges veut conquérir la jeunesse, laquelle, comme chacun
sait peut aller jusqu'à l'âge avancé de 77
ans !
Mais le phénomène important
c'est la médiatisation du festival. Il se déroule
vers fin avril (cette année 1995, du 26 avril au 1 er
mai), c'est à dire en dehors des "grands" festivals
de l'été, il n'est donc pas noyé au milieu
d'autres manifestations. Ensuite, la presse nationale et en particulier
la télévision parlent abondamment du "Printemps";
que l'on soit à Lille, Perpignan ou Mulhouse, il n'est
pas possible de l'ignorer. Des systèmes de relais ont
été mis en place, des millions de programmes sont
distribués sur l'ensemble du pays, des affichages couvrent
la région Centre. Une action particulière concerne
Paris qui comprend tout de même le cinquième de
la population française, avec le relais de la salle du
Zénith, cette nouvelle cathédrale des temps modernes.
Le Printemps de Bourges devient alors le
passage obligé de tout le petit monde politique, Jack
Lang bien sûr a honoré le festival de manière
régulière, mais l'autre Jacques aussi (M. Toubon)
et en 1986, lorsque François Mitterrand s'assoit sur les
gradins du Stadium pour assister au concert de Karim Kassel et
de Bernard Lavilliers, le festival reçoit ses lettres
de noblesse. Plus tard en 1995, Jacques Chirac en candidat pour
les présidentielles vient aussi gouter le Printemps. Jospin
sera présent à plusieurs reprises tout comme Aillagon
aux prises avec les intermittents du spectacle.
Le festival, managé par Daniel
Colling, a développé
une communication moderne, utilisant tous les moyens actuels
à une échelle grandiose, que certains qualifieront
"d' américaine". Il entraînera dans l'aventure,
le maire communiste de Bourges, les présidents de droite
du Conseil Général et du Conseil Régional,
le ministère de la culture, socialiste ou conservateur,
et même les chefs d'entreprise du Cher qui créeront
le "club des entreprises" pour soutenir ce festival.
Les Berruyers qui ont longtemps boudé
leur Printemps, lequel draine parfois
une "faune" peu conformiste, ont été
conquis..... après une dizaine d'années de franche
expectative. Aujourd'hui, la majorité des Berrichons se
sentent fiers du festival de musique, même s'il est géré
par les "Parisiens". Ce n'est pas faire injure à
quiconque que de rappeler qu'hormis François Carré
et Tina Poulizac qui vivent à Bourges, le staff du printemps
vit et travaille à Paris.
Ajoutons, pour expliquer le poids prit
par le printemps, qu'un phénomène explique aussi
le succès, c'est la qualité des spectacles et le
professionnalisme de l'organisation. Les 50 ou 60 concerts proposés
à chaque édition donnent une vision de la musique
alliant des "locomotives", c'est à dire des
chanteurs de premier ordre. Ce fut Montand ou Balavoine, mais
aussi Souchon, Renaud, Trenet, Higelin, Ray Charles, et des dizaines
d'autres.
1985
: Le Printemps de Bourges est sauvé
Le Printemps de Bourges commence à
entrer dans l'univers des Berruyers. En 1985, ils sont peu nombreux
à refuser le festival, et ne se soucient pas de savoir
comment il fonctionne et comment il est financé. Dans
ces premiers jours d'avril 1985, ils sont venus des milliers
applaudir Eddy Mitchell et Johnny Hallyday sous le stadium, tout
comme Bashung et Charlélie Couture, quant à Léo
Ferré, il a fait un triomphe. Le Printemps va bien et
Daniel Colling, peu connu des Berruyers, est le "patron"
de ce grand festival qui attire près de 100 000 spectateurs,
à l'image d'Avignon pour le théâtre et Canne
pour le cinéma. Bourges accède à la "célébrité"!
Dans ce climat éclate le lundi 8 avril 1985, au lendemain
de la fin du 9e printemps, la plus grande crise du Printemps.
C'était lors de la conférence de presse, salle
Jankélévitch, à la Maison de la Culture
que Colling égrène des chiffres avec deux mots
clés comme le rapporte Pierre Favre : "réussite
et déficit", puis ce sont les rappels des subventions
qui sont de l'ordre de 25% du chiffre d'affaire au lieu des 30%
demandés, avec 6,8% pour la Ville, 15% pour l'Etat et
1% pour le Département
Au déficit de 500 000 F il faut
ajouter l'emprunt de 1,2 millions de l'année précédente
garanti financièrement par la Ville. La situation ne peut
pas continuer ainsi, et Colling, plus malin que la moyenne des
Berruyers ajoute "Nous
avons reçu des propositions d'autres villes", et de citer Montpellier ou Lille, deux villes très
socialistes
. Il termine son propos par ces mots :
"Nous voudrions
que le Printemps reste à Bourges, mais nous sommes obligés
de penser davantage Printemps de la Chanson que Printemps de
Bourges".
C'est la stupéfaction et l'inquiétude.
Chacun dans son domaine se pose la question : quelle est la part
de bluff de Daniel Colling ? Que veut-il ?, n'a-t-il pas déjà
signé avec le maire de Montpellier, le très médiatique
et puissant Georges Frêche ?
Nul ne sait, mais Charles Parnet maire adjoint à la culture
de Bourges ne peut que déplorer cet état de fait,
signalant que la municipalité a fait le maximum. Pour
beaucoup, entre Bourges et Montpellier la "surdouée"
comme le proclame sa publicité, il n'y a pas photo, le
Printemps est perdu pour Bourges
On remettra sur
pied le carnaval clament les plus résignés.
C'était sans compter sur la volonté
et la détermination du maire Jacques Rimbault. Il monte
très vite au créneau, considérant que la
ville serait tenue pour responsable du départ du Printemps,
même si la réalité voulait que le Conseil
général et la Région soient en ligne de
mire, ces deux institutions ne s'étant jusqu'alors peu
préoccupées du festival.
Rimbault retrouve ses accents lyriques,
avec "la lutte, c'est la vie
. Nous avons sauvé
le printemps 1979, nous le sauverons cette année",
et ce sont des pétitions, des affichettes collées
dans la ville et sur les voitures. Bientôt, 30 000 badges
couvrent la ville et toute la population est derrière
son maire, même Thomas Mességuer, le buraliste si
longtemps anti-printemps s'en mêle : "Je suis de ceux
qui ont le plus rouspété auprès des organisateurs,
mais il faut que la jeunesse se passe, ça s'est bien arrangé
depuis. Puisque le Printemps a commencé à Bourges,
continuons-le à Bourges".
Mais les négociations avec Montpellier avancent et l'on
découvre que la ville, la région et le département
de Georges Frêche peuvent mettre 2 millions à la
disposition de Colling, alors que le Conseil municipal de Bourges
annonce une "rallonge" de 240 000 francs, le compte
n'y est pas.
Il faut attendre une réunion des élus de la Région
Centre placée sous la présidence de Maurice Dousset
pour que tout s'harmonise. Après des approches en coulisse
et des tractations à tous les niveaux, la Ville accepte
d'aller jusqu'à 675 000 F, la Région à une
somme de 450 000 francs, et le Département 375 000 francs.
Cela fait 1,5 MF au lieu des 2 MF de Montpellier,
mais Colling accepte et le Printemps reste a Bourges. On peut
se demander si la stratégie de Colling était sincère
ou comportait une part de bluff, le résultat fut l'implication
de la Région et du Département dirigé par
Jean François Deniau dans un domaine qui les avait laissé
indifférent : la chanson. Mais il faut aussi prendre en
compte la position du ministère de la Culture de Jack
Lang, pouvait-on déplacer le festival d'une ville acquise
par le PC à une autre gérée par le PS ?
Jacques Rimbault sort renforcé de
l'épreuve, il ne cache pas sa satisfaction en juin 85,
affirmant "C'est le triomphe du bon sens, de la culture,
de la chanson", et lorsque trois mois plus tard, il rencontre
à Mururoa le président François Mitterrand,
celui-ci, en lui serrant la main fait ce commentaire : "Je
connais l'expérience que vous conduisez à Bourges.
Mais je sais que vous êtes toujours aussi coriace".
Et le Printemps va se poursuivre avec une forte tendance à
la démesure dans les années qui suivront pour retrouver
après une nouvelle crise sa vitesse de croisière
qui se poursuit.
Pierre Favre - Christian Pirot
Bourges Histoire d'un Printemps
Les dix
dernières années du Printemps
A partir de 1995, le Printemps s'est bien
implanté dans la ville et les commerçants commencent
à s'impliquer. Quelques affiches, mais surtout les bars
de la Ville présentent la journée et surtout
le soir des animations musicales où les chanteurs et autres
groupes se produisent devant un large et nombreux public.
Lorsque les élections municipales
de 1995 voient l'arrivée de la liste de centre-droit aux
commandes, il y a comme un flottement dans les allées
du Printemps. La droite locales d'une manière globale
n'a jamais été très favorable au Printemps,
une initiative de gauche dans un pays où les milieux culturels
sont, par tradition plutôt classés à gauche.
Que va-t-il se passer entre la Ville et Daniel Colling ? Est-ce
que le Printmeps va se poursuivre, lorsque la culture de plusieurs
élus est davantage orientée vers le Requiem de
Mozart que vers le Rap de NTM.....
Il faudra la clairvoyance et le sens
artistique et politique de Serge Lepeltier, nouveau maire de
la Ville pour balayer d'un mouvement toute tentative de gêner
en quelque manière que ce soit le Printemps de Bourges.
Alors que certains pensaient que
la Droite municipale s'écarterait du printemps, Serge
Lepeltier et une partie, même minoritaire, de son équipe
pronait la poursuite du Festival qui donnait à Bourges
"un air de jeunesse" et portait le nom de la Ville,
vers un public jeune, actif et frondeur. le Printemps sera sécurisé,
et de 1995 à 2005, aucune crise majeure ne détériorera
les excellentes relations entre la Ville et le Printemps.
Lorsque des problèmes financiers
vont apparaître dans les années 1998, le Printemps
va chercher à revoir son style de programmation, revenant
à des notions de découvertes, de chanteurs moins
connus, évitant par exemple les "grosses machines
américaines", ou encore"les vedettes du moment"
pour jouer sur un terrain qui va dérouter les berruyers.
Le programme devenait très obscur, il était fait
pour les jeunes d'aujourd'hui, et cela va fonctionner.
Le Printemps repart sur des bases nouvelles,
avec moins de concerts, moins de têtes d'affiches, mais
plus orienté vers toutes les formes de musique, celles qui viennent du monde entier.
Les dernières éditions de
2000 à 2005 se passent de belle manières, avec
un équilipbre financier, toujours un peu fragile, mais
sécurisé.
La présence de Canal + en 2005,
avec une semaine d'émission en directe vers 19 H dans
une immense structure près de la Cathédrale, va
"décoiffer" un peu mais offire une magnifique
tribune à Bourges.
LA
MAGIE D'UN PRINTEMPS DE BOURGES
Johnny Clegg au printemps
1988
A Bourges, ce dimanche après midi,
la foule se pressait en une longue procession vers une immense
tente blanche dressée sur le plateau de la machine agricole.
C'était le dernier jour de ce Printemps de Bourges qui
n'avait pas tenu toutes ses promesses compte tenu de la qualité
des artistes présentés depuis dix jours, du 1er
au 10 avril 1988.
Cette douzième édition avait
réuni un plateau de rêve, avec des noms aussi prestigieux
que Serge Gainsbourg, Michel Jonasz ou Stéphan Eicher.
D'outre Atlantique Frank Zappa, Barry White et Jimmy Cliff avaient
fait le voyage. Tous les genres musicaux avaient été
représentés, le hard rock de Def Leppard, le classique
de François Rabbath à la salle du duc Jean ou l'orchestre
National de France à la cathédrale pour un concert
d'orgue, de cuivre et de lumière.
Mais les grands noms ne suffisant pas, des groupes aux patronymes
intéressants figuraient dans la programmation. C'est ainsi
que "Clafoutis Star" opérait au théâtre
Jacques Cur alors que le groupe "Jo Butagaz et ses
brûleurs" se produisait au Carré d'Auron, une
salle dédiée aux découvertes du Printemps
de Bourges.
Tous les ingrédients pour faire de ce festival un Printemps
magique avaient été mis en place par l'équipe
de Daniel Colling, le Directeur fondateur de la manifestation
berruyère. Mais le "Boss" comme chacun commençait
à l'appeler, n'était pas très satisfait
de l'accueil populaire de ces vedettes réunies à
prix d'or
. le temps avait été correct, les
merguez étaient consommables et la sécurité
était bien assurée. Bien sur, les prix des concerts
étaient un peu élevés pour les bourses des
étudiants et des berrichons modestes. Le concert de Barry
White était à 140 francs et il fallait débourser
100 francs pour écouter Jean Louis Aubert ce qui n'était
pas donné !
Ce Printemps se déroulait dans un contexte politique,
national et international assez particulier.
En ce début du mois d'avril, la
politique intéresse les Français, François
Mitterrand est président, Jacques Chirac est premier ministre,
c'est la première cohabitation de la cinquième
République et beaucoup trouvent que ce système
n'est pas aussi néfaste que certains l'avaient prédit.
Mais le temps passe et les 7 ans du président Mitterrand
se terminent. C'est en effet le mois prochain que les électeurs
vont élire leur président de la République.
Si à droite, Jacques Chirac "a présenté
son ambition pour la France" en même temps que sa
candidature rejoint bientôt par Raymond Barre, à
gauche, chacun suppute sur François Mitterrand. Que va
faire ce "Florentin" ? Il faudra attendre le 22 mars
pour qu'il annonce en direct à la télévision
sur A2 son intention de briguer un second mandat. Le premier
tour des présidentielles se déroulera le 24 avril
et Mitterrand sera élu largement le 8 mai suivant face
à Jacques Chirac.
Mais ce dimanche 10 avril nul ne connaît l'issue du scrutin,
et des événements tragiques en Nouvelle Calédonie
peuvent faire basculer l'électorat dans un sens ou dans
un autre. La presse titre au fil des sondages, "Tonton domine,
Barre stagne et Chirac grignote".
Aucun de ces trois challengers ne viendra au Printemps de Bourges,
passage souvent obligé des hommes politiques qui veulent
se fondre quelques instants avec la jeunesse. Mitterrand était
venu en 1986, et Chirac sera présent en 1995.
Les Français suivent les péripéties
politiques nationales mais ils sont aussi passionnés par
la lutte des mouvements qui se battent contre l'Apartheid en
Afrique du Sud. Cette ségrégation dans ce pays
devient de plus en plus insupportable pour les démocraties
et dans la France des Droits de l'Homme, chacun se mobilise,
avec ses moyens et à sa façon. Lorsque le gouvernement
sud-africain interdit les activités politiques de 17 grandes
organisations noires et blanches, opposées à l'Apartheid,
c'est l'émotion puis la colère.
Cette lutte dans ce pays lointain, contre des pratiques d'un
autre temps trouve des adeptes dans tous l'éventail des
partis politiques français, toutes les religions, c'est
un peu l'union sacrée.
Dans ce contexte émotionnel , le
Printemps de Bourges a programmé un artiste qui symbolise
la lutte pour contre l'Apartheid. Il s'agit de Johnny Clegg,
un artiste blanc qui chante et danse avec une troupe formée
de blancs et de noirs. Les chansons et les airs sont issus de
la tradition zoulou d'où son patronyme parfois utilisé
de "zoulou blanc".
Johnny Clegg n'est pas inconnu à Bourges. Il était
venu, au Printemps de Bourges deux ans auparavant. C'est le chanteur
Renaud qui l'avait parrainé et dans la salle du Pavillon,
les Berrichons médusés avaient découvert
un chanteur et un danseur original et attachant. Il avait eu
un gros succès face à un public qui le découvrait.
C'est ainsi que le 10 avril 1988, Johnny Clegg est à nouveau
à Bourges, Dans le spectacle final du Printemps.
Il y a en ce début d'après midi, une atmosphère
particulière à Bourges, comme électrisée.
Le temps est beau, la foule dès 14 heures se presse vers
le stadium en rangs serrés. Le stadium est cet immense
chapiteau pouvant contenir 8000 personnes, la plupart debout.
Le remplir tient souvent pour un artiste du prodige.
Mais ce dimanche n'est pas un jour ordinaire, chacun vient voir
Johnny Clegg, vient communier avec l'artiste, vient manifester
calmement et sereinement.
Beaucoup ont en mémoire, les derniers épisodes
sur cette lutte contre l'Apartheid. Quelques jours auparavant,
le 29 mars, un événement a secoué le monde
politique international. Dulcie September, la représentante
du Congrès national (sud)-africain (ANC) en France et
en Suisse est assassinée à Paris. L'émotion
est considérable, tant la cause de l'ANC et de Nelson
Mandela est populaire en France et en Europe. Les journaux font
leur "une" sur cet attentat "commandité
par les services secrets sud-africains".
Le stadium s'emplit, et peu à peu
les organisateurs voient les chiffres des entrées et des
billets vendus défiler
. A 10 000 personnes, c'est
la joie, on ne pensait pas à tant de monde, mais la foule
continue d'arriver. Ils sont bientôt 15000 et Daniel Colling
décide d'ouvrir les bâches latérales pour
que les spectateurs puissent au moins voir la scène.
Finalement, ils seront plus de 17 000 spectateurs lorsque le
"Zoulou blanc" pénètre un peu après
17 heures sur scène. C'est l'émotion qui passe
de rangée en rangée, la musique est parfaite, le
personnage est gentil, sympathique, modeste et il chante aussi
bien qu'il danse.
Les applaudissement fusent.
La salle, debout, est à l'unisson.
Dans cette salle, les Berrichons sont au rendez-vous, mais il
y a aussi des gens venus de la France entière, ils sont
là pour témoigner, pour affirmer leur sympathie
envers Johnny Clegg, l'humanisme et les idées qu'il défend.
Au milieu de la salle, juste devant les
tables de la technique, trois hommes sont assis sur une estrade,
les jambes ballantes dans le vide, c'est Daniel Colling, il est
entouré de Renaud et de Michel Rocard, ce dernier savoure
le spectacle, il ne sait peut-être pas encore qu'il sera
premier ministre dans quelques jours. Plus loin, tantôt
debout, tantôt assis à même le sol, Serge
Lepeltier, futur sénateur-maire de Bourges et ministre
de l'écologie en 2004 est comme sur un nuage tant le spectacle
est captivant.
Le concert avance, c'est le triomphe des danses "zoulou",
où Johnny Clegg et son compère noir costumés
en tenue traditionnelle sud-africaine, avec sagaies et objets
rituels se lancent dans des rythmes effrénés. La
foule est conquise, c'est le meilleur exemple d'intégration
entre blanc et noir.
Et puis le spectacle se poursuit avec cette chanson magique "Asibonanga",
une lente complainte, tendre qui est reprise en chur par
l'ensemble de la salle. Des milliers de lumières provenant
de la flamme des briquets sont tendus au dessus des têtes
de chaque spectateur, c'est une communion géante. Un moment
extrême d'émotion.
Concert mythique, ils sont 17 000 a conserver
ces instants dans leur mémoire. Le beau et le juste réunis
dans une cause qui ne va triompher que quelques années
plus tard : ce jour là au Printemps de Bourges, l'Apartheid
était honni.
Merci Johnny Clegg.
En savoir plus sur le Printemps de Bourges
et l'édition 2023, allez sur le site officiel du Printemps
:
http://www.printemps-bourges.com/
LES DERNIERS PROGRAMMES DU PRINTEMPS :
Et pour 2006,
RAPHAEL - MAUSS
Mercredi 26 avril au Phénix à 20h. 35*
INDOCHINE - THE SUBWAYS - Et plus encore...
Jeudi 27 avril au Phénix à 19h. 33*
CALI - MICKEY 3D - THIEFAINE - DA SILVA
Vendredi 28 avril au Phénix à 18h. 20*
LOUISE ATTAQUE - SHARON JONES - KEN
BOOTHE - MAHMOUD AHMED
Dimanche 30 avril au Phénix à 18h. 28*
Quant à
2007, c'est un Printemps à oublier très vite.
Et pour
2008,