L'urbanisme à Bourges au
XX e siècle est l'oeuvre du maire Henri Laudier qui va
totalement transformer la cité dès la fin de la
première guerre mondiale. Le problème essentiel
étant le besoin de loger les habitants qui arrivent des
campagnes pour travailler dans les "Etablissements militaires".
Plus tard avec Louis
Mallet, le système de construction se poursuit, mais il
faut attendre les années 1960 avec Raymond Boisdé
qui est à la fois dans la réalisation des quartiers
de la Chancellerie et des Gibjoncs, et ensuite dans le quartier
du Val d'Auron.
HENRI SELLIER, LE MINISTRE
BERRICHON
Henri Sellier naît à Bourges
le 22 décembre 1883 ; son père est ouvrier aux
Etablissements Militaires.
Il s'en va très vite à Paris pour suivre des études
de haut niveau. Il réussit parfaitement à H.E.C.
avant de faire son Droit. Il est boursier, car il n'y a pas beaucoup
d'argent dans la famille. En 1898, il s'inscrit au Parti Socialiste
Révolutionnaire d'Edouard Vaillant, un autre Berrichon.
Son circuit professionnel commence dans la banque où il
devient employé, avant d'entrer au Ministère du
Travail comme rédacteur. La politique au début
du siècle le passionne. Il n'oublie pas son département
du Cher et oeuvre en 1905 pour la réunification des familles
socialistes alors divisées.
L'année où Laudier prend la mairie de Bourges,
Sellier, lui, s'empare de celle de Suresnes. En 1920, il choisit
le camp des "reconstructeurs" et suit la majorité
S.F.I.C. après le Congrès de Tours ; il devient
donc Communiste. Ce n'est qu'en août 1924 qu'il revient
à la "Maison S.F.I.O." ; quelques années
plus tard, il devient Président du Conseil Général,
puis Sénateur de la Seine.
C'est dans le domaine de l'urbanisme qu'Henri
Sellier montre toute sa compétence. Dès 1916, il
est administrateur de l'OPHBM de la Seine et il constitue autour
de lui une équipe comprenant des architectes et autres
hommes de l'Art. Il acquiert des terrains pour construire plus
tard des cités-jardins. Henri Sellier anime alors plusieurs
Offices et autres organismes d'habitations. En 1920, il est secrétaire
de l'Union Nationale des organismes d'habitations à loyers
modérés. Sa thèse principale date de 1921
; il publie en effet "la crise du logement et l'intervention
publique en matière d'habitat populaire", puis devient
le fondateur de l'Association Française pour l'urbanisme.
Son oeuvre restera dans l'histoire celle de la création
des cités-jardins, qui seront des pôles d'attraction
résidentiels implantés en fonction du marché
du travail. Les cités-jardins constituent des ensembles
urbains dans lesquels on réunit des groupes d'individus
avec leur famille afin de créér de toutes pièces
une cité. Il s'agit de régénérer
le tissu urbain. Henri Sellier écrira :
" L'urbanisme social se doit d'organiser
un meilleur aménagement de l'humanité, vers un
niveau de lumière, de joie et de santé, un meilleur
rendement économique car il y a urgence à défendre
la race dans tous les domaines contre la certitude de dégénérescence
et de destruction que les lamentables statistiques de la natalité,
maladie, mort, laissent apparaître : 18 % de la perte du
revenu national est due à la maladie".
Dans son action, Sellier cherchera aussi
à "redresser les mentalités". Il va appliquer
des règles sociales et des grilles de sélection
"des candidats" au logement. Le service social de l'OPHBM
se chargera de mesurer par exemple le taux de rotation des habitants
d'une cité pour évaluer la stabilité et
rectifier les écarts avec les normes. Dans l'entre-deux
guerres, Sellier sera à l'origine de onze cités-jardins
créées autour de Paris.
Cet homme sera un militant de l'urbanisme
"à visage humain" et à Bourges, il viendra
éclairer de ses conseils les socialistes locaux, dont
Laudier.
Sur le plan politique, Henri Sellier militera
le reste de sa vie à la S.F.I.O., et il sera ministre
de la Santé de 1934 à 1937 ; il ne prendra pas
part au vote pour la déchéance des députés
communistes ni au vote donnant les pleins pouvoirs à Pétain.
Il meurt le 23 novembre 1943, alors que deux ans auparavant,
le gouvernement Pétain l'avait révoqué de
son poste de maire, la ville de Bourges a donné son nom
à une des rues du centre-ville.
L'OFFICE
D'HABITATIONS A BON MARCHE
Une des oeuvres essentielles de la municipalité
Laudier se concrétisera dans le domaine du logement. La
crise du logement à Bourges depuis la fin de la guerre
est des plus aiguë. Les causes sont diverses. C'est d'abord
le fait que depuis une dizaine d'années, pas ou peu de
logements ont été construits ; ensuite, de nombreuses
personnes ayant quitté Bourges pour retourner dans leur
ville d'origine - situées dans le Nord ou l'Est - conservent
à Bourges le logement qu'elles ont occupé pendant
le conflit. Enfin, comme le rappelle Laudier le 23 octobre 1920,
" beaucoup de nos concitoyens qui s'étaient gênés
au possible pendant la guerre, pour faire place aux passagers,
ont tenu à reprendre leurs aises dès la guerre
terminée".
Pour lutter contre ce manque de logements,
Henri Laudier envisage la création d'un Office public
d'Habitations à Bon Marché. Il s'agit de l'ancêtre
de nos H.L.M. ; on les appellera les H.B.M., Habitations à
Bon Marché. C'est un établissement public placé
par exemple, auprès d'une commune, et chargé de
l'aménagement et de la création de maisons, mais
aussi de l'aménagement extérieur, nous dirions
d'environnement, avec, par exemple, les cités-jardins
et jardins ouvriers.
Le décret du Président de
la République, Alexandre Millerand, signé à
Fez le 12 avril 1922 stipule dans ses articles :
" Il est créé un Office public d'habitations
à bon marché pour la ville de Bourges (Cher).Sont
approuvées les délibérations du conseil
municipal de Bourges."
La gestion est assurée par un Conseil
d'Administration de 18 membres et d'un bureau de 6 membres. Le
conseil municipal délibère et vote la demande de
cette création, et, en cas de réponse positive,
il vote une première dotation en numéraire de 10
000 francs, ainsi qu'une subvention annuelle de 1000 francs.
L'acceptation de cet Office est confirmé dans les semaines
suivantes, et le Conseil d'Administration se réunit le
22 septembre 1922 à 16 heures pour la première
fois. Le Conseil procède à l'élection du
bureau : Laudier est élu Président, Durand est
Vice-Président, et le Docteur Matet occupe la fonction
de Secrétaire. Dès cette première séance,
le but de l'office est défini : "c'est d'acquérir
et de construire des habitations conformes aux règles
d'hygiène et au confort moderne, d'en rester propriétaire
et d'en assurer la gérance et la jouissance au mieux des
intérêts de la collectivité".
Dès la fin de l'année 1922, les premiers terrains
sont acquis par l'O.P. d'HBM ; ce sont 423 mètres carrés
à l'angle de la route de La Charité et de celle
de Saint-Michel-de-Volangis ; sur cette surface, 8 à 10
logements pourraient être construits.
Comme le rappellera Roger Richet, les H.B.M.
avaient leur siège au 45 de la rue Moyenne, adossé
à l'actuelle perception ; il y avait là un directeur,
Louis Martin, et un comptable, Robert Filleux, qui deviendra
à son tour directeur quelques années plus tard.
Les H.B.M. seront les maisons du boulevard Auger, côté
des numéros impairs, puis celles du côté
pair, enfin la cité de l'Aéroport, sur laquelle
nous reviendrons et plus tard encore, les constructions du Beugnon
et du Moulon.
Au cours d'une séance du Conseil
d'Administration en date du 12 septembre 1923, Henri Laudier
présente Monsieur Henri Sellier, alors secrétaire
général de la Fédération des Offices
publics d'H.B.M., qui est venu à Bourges "prodiguer
ses conseils éclairés et aider au bon fonctionnement
de l'Office local", comme le dira le Maire dans un propos
d'accueil. En effet, Henri Sellier explique
la méthode à suivre pour réunir les moyens
financiers ainsi que des éléments précis
nécessaires à la constitution des dossiers.
Il y a donc d'importants besoins en logements, aussi bien sur
le plan quantitatif que qualitatif. La rénovation des
anciens quartiers est d'un coût fort élevé.
Pourtant la population de Bourges reste relativement constante,
si l'on excepte la guerre de 1914 -1918. En 1921, il y avait
45 942 habitants et 45 067 en 1926 ; c'est sensiblement le même
chiffre qu'au début du siècle ( 43 587 en 1896,
46 551 en 1901 et 44 133 en 1906). Il est même possible
d'affirmer que durant quarante ans, la population de Bourges
est restée très stable. L'expansion démographique,
comme me l'a souligné Philippe Goldman, ne commencera
qu'à partir de 1931.
Le problème du logement à
Bourges sera constant pendant tout le siècle. Avec la
circulation automobile et ses conséquences, il utilisera
beaucoup d'énergie, laissant de côté les
aspects économiques de la cité.
LE PLAN
D'AMENAGEMENT DE BOURGES 1932
Après la guerre de 1914, le gouvernement
imposa à toutes les communes de plus de 10 000 habitants
de réaliser un projet d'aménagement, d'embellissement
et d'extension, sans toutefois toucher aux plans relatifs à
l'alignement et au nivellement. Cette loi du 14 mars 1919 sera
modifiée le 19 juillet 1924, et Bourges commencera à
l'établir à partir de 1925.
Sur un plan général, le maire va s'adresser ainsi
à ses collègues du conseil municipal :
"Le projet devra être conçu en fonction de
l'importance de la population et de sa répartition, telles
qu'on peut les escompter avec plus de probabilité, grâce
à l'observation de l'évolution déjà
accomplie, à l'analyse de la situation actuelle et des
données qu'on peut avoir sur les facteurs de l'extension
future".
Il s'agit donc d'un véritable Plan Directeur, pour reprendre
un vocabulaire actuel, et la ville de Bourges, pendant un demi-siècle
utilisera ce document mis au point par l'administration Laudier.
Ce dernier ajoutera lors de la séance de présentation
:
" Le projet a encore et surtout pour
but d'éviter pour l'avenir des tâtonnements, des
modifications ne tenant pas compte des besoins du lendemain,
des initiatives qui, sous la pression de l'opinion du moment,
seraient de nature à compromettre la vitalité de
la cité, qui, d'ailleurs, a déjà trop souffert
de l'exécution incomplète de projets seulement
ébauchés et réduits à néant
par de nouveaux administrateurs".
Une vision d'un grand modernisme.
Certains, aujourd'hui font remarquer à titre d'exemple
que l'opération immobilière Avaricum qui sera réalisée
dans les années 1950 était dans les projets de
Laudier, tout comme l'idée de l'aménagement du
Parc Saint-Paul.
L'étude et la confection du projet
seront confiées à Monsieur Payrer-Dortail, pour
un prix de 43 350 francs. Le premier reproche des membres des
commissions qui auront à l'examiner portera sur l'ampleur
du projet. Le développement de la ville est vu dans le
futur, d'une manière globale et très ambitieuse,
ce qui est assez rare en Berry. Laudier souligne que l'on a toujours
"vu trop petit", et cette fois, il regrette qu'il lui
soit reproché de "voir trop grand".
La lecture du règlement est assez administrative ; on
trouve un programme en deux points :
La réglementation générale d'aménagement
Les prévisions d'alimentation en eau potable et d'assainissement.
Sont traitées les zones d'habitations collectives "limitées
à l'agglomération ancienne, au voisinage de la
Gare et aux terrains en bordure des artères principales
de circulation. Cette zone est définie par une teinte
rouge au plan d'aménagement du 5 000e (pièce n°
2)", puis des renseignements plus techniques suivent, comme
la hauteur des constructions, les voies privées, les saillies.
Les zones résidentielles font l'objet des articles 18
à 25, ils concernent les clauses d'alignement des propriétés
bâties, la surface de la construction par rapport à
la surface du terrain, ainsi que les notions de propreté
et "d'aspect agréable" des bâtisses. Il
est inscrit que "les panneaux-réclames sont prohibés.
Ne sont autorisées que les enseignes signalant les commerces
exercés dans l'immeuble".
Sur le plan industriel, "sont interdites
la création ou l'extension de tous les établissements
dangereux, insalubres ou incommodes, classés en 1re et
2e catégories". Des zones pour l'industrie sont définies,
comme le territoire entre le canal et la route de Marmagne, à
l'ouest du Chemin de fer Economique ; ou celle comprise entre
le canal et "la route de Figeac au Sud des usines de Mazières".
Elles sont en teinte violette sur le plan d'aménagement.
Dans l'article 28, les notions de protection contre les fumées,
les mauvaises odeurs, ou les poussières sont évoquées,
et l'emploi d'appareils est recommandé.
Dans le titre III, le plan décrit les servitudes hygiéniques,
archéologiques et scientifiques de la ville de Bourges
:
"L'aspect extérieur des bâtiments devra être
conçu dans son style, sa forme, ses matériaux et
sa couleur, de façon à ne pas rompre l'harmonie
des perspectives urbaines".
Parmi les divers aspects liés au développement
de Bourges, il faut souligner le "dégagement de la
Cathédrale", une idée qui remontait tout de
même à 1852 ..... Au fil des lignes, on voit, par
exemple, la suppression du passage à niveau de Saint Privé
; il faudra attendre un demi-siècle pour que cela se réalise,
devant le scepticisme de plusieurs élus, Laudier répliquera
: "....Dans vingt ans, ou davantage, peu importe, cette
suppression ne deviendra-t-elle pas inéluctable ?"
Les problèmes de l'eau potable,
puis des eaux pluviales et usées sont pris en considération
dans les titres IV et V comprenant la seconde partie de ce document
important.
Le projet d'aménagement sera finalement accepté
par un décret du Président de la République
signé à Rambouillet le 6 septembre 1932 : Bourges
entrait dans l'ère moderne.
LES
ANNEES 1950 : LOGEMENTS : AVARICUM ET LES CASTORS
Le responsable du service des logements
à Bourges est un gaulliste, M. They, il lance le 17 octobre
1950, une opération immobilière qui prendra pour
nom "Avaricum". Il est en première ligne des
critiques, tant le problème est difficile à résoudre.
En janvier 1951, il dresse un état de la situation, rappelant
que depuis 1913, on a assez peu construit de logements, eu égard
aux besoins, et en plus, les logements existants ont été
mal entretenus. Les seules réalisations, d'après
M. They, concernent les réalisations des H.B.M., Habitations
à Bon Marché.
Il ajoute que les fonds de l'Etat ne sont pas inépuisables,
et que le pays doit construire 248 000 logements par an pendant
30 ans, un programme bien ambitieux, et nécessitant de
faire appel à des capitaux privés. Il termine ainsi
:
"De nos jours, la situation
est si grave que nous ne savons pas comment des centaines de
familles pourront être logées d'ici à cinq
ou dix ans. Et ce ne sont pas les demi-mesures qui pourront pallier
cette pénurie".
Bourges manque donc de logements, et un
projet prend forme au début de l'année 1951. Il
s'agit d'un vaste ensemble d'appartements situés sur un
terrain entre les Prés-Fichaux et la rue Mirebeau. Le
lieu est un amas de baraquements insalubres, qu'il s'agit de
détruire, avant d'engager la construction.
Mais ce projet ne fait pas l'unanimité
à Bourges et le premier à s'opposer à sa
réalisation est le docteur Delamarre, conseiller municipal
socialiste. Il reproche que ce projet soit avant tout "capitaliste"
et que ces logements soient destinés à des gens
fortunés. Il écrit ainsi une lettre en date du
26 avril 1951 :
"Nous manquons à Bourges,
presque uniquement de logements pour ouvriers et employés
modestes, or, à ceux-là, vous n'offrez que des
baraquements en bois, non conformes au Règlement sanitaire
départemental".
Le maire, André
Cothenet, va argumenter sa réponse. Il signale
que la ville va prendre la responsabilité de réaliser
une rue, premier jalon, dont on parle à Bourges depuis
70 ans. Il ajoute qu'il a été convenu, à
l'unanimité de la Commission du Logement, que la Société
du Cours Avaricum serait purement privée. Mais, sur un
projet devant comporter 650 logements, la première tranche
qui serait réalisée effectivement par une société
privée, ne comporterait que 1/10 de l'opération.
De son côté, Monsieur They, qui s'est senti personnellement
visé par les arguments de M. Delamarre, répond
"qu'il ne fait pas de différence entre un logement
ouvrier et un logement de grand luxe", et il conclut son
propos par :
"ce terme de capitalisme m'amuse".
Il faudra des années de palabres,
avant de voir sortir de terre des immeubles modernes. Auparavant
une cité de relogement aura été construite
afin de donner un logement pour les expulsés d'Avaricum,
dont le plus célèbre est le peintre berruyer Bascoulard. La municipalité
décide l'implantation entre la butte d'Archelet et la
cité du Moulon, de 70 logements qualifiés de constructions
"en dur". L'accent est mis sur "la rusticité
à toute épreuve" de ces logements qui ne devront
pas avoir plus de trois étages, et sur le fait qu'il ne
s'agit pas de baraquements, mais de "nids confortables et
agréables à habiter". Un concours est ouvert
pour les architectes et constructeurs, les travaux devant commencer
le 1er mai 1953.
Pour mener à bien ce grand projet,
en avril 1951, la Ville s'est portée acquéreur
de 7 baraquements inutilisés à l'ancien camp de
Dun-sur-Auron dans le but de les réinstaller à
la Chancellerie.
Ces baraquements ont des dimensions importantes, 30 mètres
par 6, et ne sont pas en trop mauvais état. Ils seront
placés sur le terrain jouxtant l'école, appartenant
à l'Office municipal d'H.L.M. Il n'y a pas beaucoup d'autres
solutions. Si certains à Bourges auraient préféré
construire des habitations en préfabriqué, les
fonds disponibles ne permettent pas deux opérations aussi
coûteuses que le déplacement et l'aménagement
de 6 baraquements d'une part, et la construction d'autre part
de préfabriqués.
Il faudra attendre 4 ans pour que les travaux préliminaires
à la construction se réalisent.
Le 25 mai 1955, c'est enfin la pose de la première pierre
de la cité nouvelle Avaricum, avec la présence
de Monsieur Edgar Faure.
Edgar Faure est le grand homme du moment, il était Président
du Conseil, et c'est vers 11 heures que son avion, un "SO
Bretagne", se pose à Avord. Il est accueilli par
le Préfet, Raymond Vivant, et le Président du Conseil
Général, M. Jacquet, ils sont accompagnés
du patron de la base, le commandant Bouyer.
En voiture, ils rejoignent le chef-lieu du Cher et, devant la
Cathédrale, le "tout-Bourges" attend le Président.
Après une présentation du drapeau du 13éme
RA, et une "Marseillaise" jouée par la musique
municipale de Bourges, Edgar Faure est reçu à l'Hôtel
de Ville par le maire Louis Mallet qui prononce des paroles d'accueil
:
" Pour la première fois
de son histoire, la Ville de Bourges a la fierté de recevoir
dans sa maison commune le chef du gouvernement de la République".
Puis le maire évoque Avaricum, Charles
VII et d'autres "anciens célèbres". Il
termine par le classique cliché de :
"Bourges, une bonne ville du
royaume demeurée une bonne ville de la République".
La réponse d'Edgar Faure est tout
aussi classique, car après avoir dit qu'il "était
heureux d'être ici", il poursuivit cette fois avec
humour sur la personnalité de "Jacques Coeur qui
était ministre des finances de Charles VII, je viens ici
un peu en collègue".
Dans son discours, le maire rappelle que ce projet remonte à
1884, sous le mairat d'Eugène Brisson, et qu'il fut repris
par André Cothenet. Mais ce n'est que récemment
que ce projet prit une forme définitive. A partir d'un
îlot insalubre de 3,5 hectares, comprenant 59 immeubles,
logeant 117 familles pour un total de 347 habitants, on va créer
une cité moderne.
Après la pose de cette première pierre, il est
prévu de construire 8 bâtiments de 32 logements,
dont trois seront "entrepris tout de suite". Ils seront
disponibles pour des locataires dès le mois d'octobre
1956. Chacun insiste sur le confort des futures habitations,
lesquelles comprendront un chauffage central collectif, un ascenseur
dans chaque bloc, bref un confort moderne. Un journal local titrera
:
300 logements neufs
sur ces ruines lépreuses
En effet, en plus de ces logements locatifs, il est prévu
de construire un poste de gendarmerie avec 18 logements, un groupe
scolaire et un hôtel de 100 chambres. Pour améliorer
la situation, l'Yèvrette sera transformée en égout
collecteur.
Et ce fut la pose de la pierre par Edgar
Faure qui était un orfèvre en la matière.
Alors qu'il avait la truelle en main, il se tournera vers Jacques
Genton, pour lui dire un mot de circonstance du genre : "ce
n'est pas toi qui pourrait utiliser ces outils....", alors
que Raymond Boisdé de son côté se fit plus
entreprenant déclarant qu'il avait déjà
posé pas mal de pierres... Le mot de la fin restera au
Président du Conseil qui dira : "J'ai l'habitude,
tous les samedis j'en pose une, on dit que c'est ce que je fais
de mieux !". Et c'est ainsi qu'il prit la truelle
et étala le ciment, après avoir introduit dans
la pierre un parchemin qui était en fait le procès
verbal de la cérémonie.
Edgar Faure devint plus sérieux en déclarant :
"Je souhaite que cette mise en chantier
constitue le départ d'une étape nouvelle dans l'aménagement
de cette belle région de France si riche en passé
glorieux".
LES CASTORS
Devant une certaine carence de pouvoirs
locaux en matière de logements, et surtout l'inertie et
la lenteur dans les réalisations, une opération
totalement originale commence à se développer,
il s'agit de ce que les Berruyers vont connaître sous le
nom de "castors".
La crise du logement est telle que toutes les initiatives sont
mises en oeuvre. Ainsi, un "Comité Ouvrier du logement"
se constitue en 1950 afin de construire sous une forme originale
de coopérative, un vaste ensemble de maisons individuelles.
Le
Comité s'adresse à la municipalité de Bourges
pour obtenir " une avance des fonds nécessaires à
l'achat d'un terrain de 3,5 hectares situé entre Beauregard
et la route de la Chapelle". Dans ce courrier, le Comité
suggère à la Ville de prendre à sa charge
les travaux de voirie, car si aucune aide concrète n'est
apportée, la création de logements ouvriers en
accession à la propriété "resteront
éternellement dans le domaine des rêves".
Le système des "Castors"
est à base coopérative, avec une construction par
les gens eux-mêmes, en s'entraidant les uns les autres.
Les spécialistes estiment qu'il faudra bien 5 ans pour
que ces 60 maisons soient terminées.
Pour M. They, :
"la proposition est intéressante,
elle procurerait des logements à des ouvriers. Ainsi une
partie laborieuse de la population va pouvoir construire. Il
faut l'aider. Le système Castor offre un aspect moral
incontestable, puisque c'est l'union de chacun travaillant pour
tout le monde".
Le débat se poursuit essentiellement
sur le plan technique, avec les possibilités d'aider ces
gens, d'autant plus que la crise du logement "prend de telles
proportions qu'il est envisagé d'installer des baraquements"
pour répondre à l'urgence du moment.
A la fin de l'année 1951, les "Castors"
sortent de terre rue Guilbeau, et la municipalité acceptera
de prendre à sa charge la viabilité qui coûtera
une quinzaine de millions de francs. Mais les difficultés
ne sont pas terminées, la Nouvelle République rappelle
que 23 pavillons individuels vont pouvoir bientôt recevoir
leurs occupants, et ajoute que cette opération "
n'a pas été prise au sérieux" par les
responsables locaux de la ville, il n'y a pas eu d'aide et les
terrains devront être remboursés. Le journal conclut
sur le mérite des "Castors" qui font l'admiration
de tous.
Aussi lorsque Louis Mallet est élu
maire de Bourges en 1953, le logement reste le sujet principal
de Bourges. Il axe son propos sur les deux points qui lui paraissent
essentiels : le logement bien entendu et la circulation dans
la ville.
Pour le logement, de nombreux travaux sont
en cours :
- la Cité de l'Aéroport qui va permettre de distribuer
64 logements.
- Une cité de relogement va être édifiée
à La Chancellerie, les travaux ont été confiés
à l'entreprise Leiseing. Au total, et si le Crédit
Foncier donne satisfaction à la municipalité, ce
sont 96 logements qui devraient être terminés et
disponibles à court terme.
- Toujours à La Chancellerie, les H.L.M. ont un projet
qui doit sortir "prochainement" avec une quarantaine
de logements. Ce n'est pas encore l'immense chantier qui se déroulera
dans la décennie 1960.
En y ajoutant les "Castors et autres",
ce sont environ 300 logements qui seront disponibles d'ici la
fin de 1954.
Mais ce n'est pas suffisant. Le Lycée de garçons,
situé alors place Cujas, est en piteux état, et
le collège de la rue Jean Baffier est obligé de
refouler des élèves, faute de pouvoir les loger.
L'Ecole de l'Aéroport nécessite une nouvelle extension,
et à Asnières, l'école de garçons
doit être construite.....
La situation, 10 ans après la guerre, est critique, il
apparaît dans cette période, que les retards dans
les constructions à Bourges mécontentent très
fortement la population. Ce problème du manque de logements
n'est pas propre à Bourges, c'est l'ensemble du pays qui
souffre. Les causes sont multiples, à commencer par l'augmentation
démographique, ce qui fut appelé le "baby-boom",
ajouté à l'exode rurale, et, pour d'autres villes
que Bourges, les destructions de la guerre. 1954 correspond au
"premier coup de gueule" de l'abbé Pierre.
A la veille de la fin de son mandat, le maire Louis Mallet exposera
de manière très synthétique l'évolution
du logement et de la politique de construction :
"Dans quelques mois, le quartier Avaricum
sera virtuellement terminé avec quelques 300 logements
qui succéderont à tous ces taudis dont vous avez
certainement gardé le souvenir".
Puis il poursuit avec l'opération
de La Chancellerie dont les premières études datent
de 1954 :
"Elle est en cours de réalisation, nous sommes sûrs
aujourd'hui, que dans 4 ou 5 ans, 2500 logements y seront édifiés
avec une population nouvelle de 10 000 à 12 000 habitants".
En fait, la population sera dix ans plus tard du double des premières
prévisions.
Mais le logement demande une infrastructure
importante, et Bourges se transforme aussi par des actions moins
spectaculaires mais fort efficaces. C'est le cas de la construction
d'égouts qui aboutira à la station d'épuration
située dans la prairie Saint-Sulpice. Une seconde station
de pompage a été réalisée dans le
quartier de Pignoux pour permettre l'adduction d'eau de la ville
nouvelle de la Chancellerie et d'Asnières.
Dans un autre domaine, l'Yèvrette, dont le parcours nauséabond
en plein centre ville faisait l'objet, depuis des décennies,
de très vives critiques, a été canalisée
et "a enfin disparu du ciel berruyer".
Pour la circulation, il faut de toute urgence
dégager les rues, et organiser "partout où
c'est possible des parcs de stationnement, interdire certains
stationnements dans les rues passantes ou trop étroites,
et améliorer la signalisation".
LE SECTEUR
SAUVEGARDE DE BOURGES
André Malraux va multiplier les
initiatives pour défendre le patrimoine du pays. Il sera
assez souvent brocardé pour ses ravalements des façades
des monuments parisiens.
Une loi en date du 4 août 1962, complétée
de ses nombreux décrets, va permettre de définir
dans des villes à caractère historique des secteurs
qui seront à la fois protégés et subventionnés.
On les appellera "secteurs sauvegardés". Une
protection particulière et des avantages pratiques devront
favoriser la conservation de ses immeubles, de ses rues et places
et de ses quartiers. Un architecte-urbaniste, monsieur Socard,
a été désigné par l'Etat, qui doit
collaborer avec les intéressés. Il existe désormais
un système de subventions, de primes et de prêts
à taux réduits.
Raymond Boisdé, au début de l'année 1964,
va rencontrer André Malraux, afin que Bourges soit bénéficiaire,
au même titre que 13 autres villes, des avantages de la
loi du 4 août 62.
Le 25 mai 1964, le maire s'adresse ainsi à ses conseillers
municipaux :
"La loi apporte une solution générale
aux problèmes posés. Elle le fait de façon
généreuse parce qu'elle organise tout un système
de subventions, de primes et de prêts à taux réduits.
Elle le fait d'une manière libérale parce qu'elle
respecte le droit d'initiative des particuliers."
Chacun s'accorde pour considérer
qu'il faut créer de grandes voies de circulation pour
accéder à l'intérieur de la ville de Bourges.
L'architecte-urbaniste, doit prendre en charge ces préoccupations.
Et c'est ainsi que la municipalité
adopte le projet et définit ce que sera le secteur sauvegardé,
avec un périmètre comprenant le boulevard de Strasbourg,
l'îlot Saint-Bonnet, la rue Calvin, la rue des Arènes,
..... jusqu'à la cathédrale.
La discussion se poursuit, avec des interventions de Mrs. Cothenet
et Depège sur la situation de la Chapelle de l'Hôtel
Dieu ou de la Maison de la Reine Blanche, située rue Gambon.
Mais ces deux conseillers trouvent que le périmètre
est beaucoup trop étendu, ils estiment que cette opération
va apporter de nouvelles contraintes et des servitudes supplémentaires.
Par contre chacun a bien conscience qu'il faut que Bourges se
débarrasse des zones insalubres, véritables coupe-gorge
qui constituent une partie de ce centre historique.
Raymond Boisdé, qui a montré le plan réalisé
par l'administration elle-même, pour définir ce
secteur sauvegardé, s'inquiète essentiellement
de la zone entourant la "nouvelle maternité".
Cet édifice, "dont le chantier est resté,
disons vulgairement, en panne" dit le maire, va repartir
car les étapes administratives, techniques et financières,
sans oublier les exigences du Ministère de la Santé,
ont été franchies. Avec le secteur sauvegardé,
le maire ne se voit pas reprendre des démarches "pendant
deux ans", et il conclut :
"nous n'en sortirons pas!"
La discussion va se poursuivre, et finalement, la maternité
verra..... le jour.
Le projet, malgré ces oppositions, sera adopté
après une dernière intervention de M. Boisdé
: "Nous n'avons pas tellement intérêt à
restreindre le périmètre, parce que nous priverions
certains propriétaires d'avoir des avantages. Et puis,
nous sommes les gestionnaires de l'Hôpital, c'est aussi
de faire en sorte qu'on n'empêche pas cet Hôpital
de s'achever".
Le plan de sauvegarde sera mis au point
par M. Julien, Architecte en Chef des Monuments Historiques,
et exécuté d'après les conseils de la SO.BE.R.E.M.
En définitive, la surface de l'ensemble sera de 58 hectares,
et l'opération commencera avec des îlots numérotés
1 et 5. Ils seront délimités par la rue Edouard-Vaillant,
la rue Mirebeau et la rue Calvin, pour l'îlot n°1,
et par la rue Bourbonnoux, la rue Molière, la rue des
Trois-Maillets et le passage Casse-cou pour l'îlot N°5.
Monsieur Carnat, directeur de la SO.BE.R.E.M.,
évoquera ce plan comme :
"un plan d'urbanisme qui remplace tous les plans antérieurs
et notamment annule les plans d'alignement pour ce qui concerne
le secteur sauvegardé"
Il ajoute qu'il ne s'agit pas d'imposer, ni d'interdire, mais
d'orienter et d'aider les propriétaires. Pour M. Carnat,
"il faut commencer par faire une enquête, immeuble
par immeuble, afin de déterminer l'intérêt
de chacun d'eux, de connaître l'état de vétusté
et les possibilités d'amélioration des conditions
de l'habitat".
En fait, chacun a bien conscience qu'il
est nécessaire d'améliorer la salubrité
de ces lieux en donnant des avantages aux propriétaires,
ainsi pour monsieur Julien :
"Le secteur sauvegardé est
une réhabilitation des constructions anciennes pour lesquelles
non seulement on restaure les façades et le gros oeuvre,
mais on installe aussi le confort moderne de façon à
rendre vivables des constructions que l'on aurait considérées
sinon comme trop vétustes pour être conservées
et servir à l'habitation telle qu'on la conçoit
actuellement".
Il y a dans cette opération, un
double objectif, le premier est de permettre de meilleures conditions
de confort, le second de mettre en valeur les façades
pour des raisons esthétiques et favoriser le tourisme.
L'objectif, rappelle aujourd'hui Jean Pierre Roger, était
à l'époque d'avoir un règlement d'urbanisme,
avec un périmètre comprenant des recommandations
parcelles par parcelle. Il ajoute :
"Il fallait effectivement sauvegarder, et pour cela créer
une dynamique de réhabilitation. Le plan Julien comme
il était appelé, devait constituer des îlots
et favoriser un effet d'entraînement chez l'ensemble des
propriétaires. En fait, cette démarche volontariste
était finalement très autoritaire. De plus, la
procédure était lourde et coûteuse."
Encore faut-il que les propriétaires
suivent, mais M. Julien n'est pas inquiet, "évidemment,
il y a quelques réfractaires, mais ils sont peu nombreux,
et je compte beaucoup sur l'exemple général pour
les convaincre".
L'acte de création du secteur sauvegardé
sera en date du 18 février 1965.
En réalité, la ville de Bourges
n'a jamais approuvé le plan Julien, et il faudra attendre
1978 pour qu'il soit remis en chantier. Les explications sont
complexes et multiples. Parmi les premiers reproches, Jean Pierre
Roger souligne que Monsieur Julien était un "architecte
médiéval", aussi dans le classement des parcelles,
il avait coloré en jaune ce qui pouvait être détruit,
c'est à dire tout ce qui ne datait pas du Moyen-Age. En
particulier l'architecture du XIXe siècle n'avait aucune
chance de rester en place. M. Roger ajoute "que les petites
cours et dépendances qui servaient aux commerçants
berruyers comme des réserves ou des petits entrepôts,
devaient être détruits, et si l'activité
économique n'avait plus la possibilité de stocker
des marchandises, c'est toute la vie commerciale qui disparaissait".
Par la suite, le Conseil Municipal décide,
par une délibération en date du 12 octobre 1968,
d'engager l'opération de rénovation sur les îlots
opérationnels N° 1 et 5, et d'en confier la réalisation
à la SO.BE.R.E.M. pour une durée de 7 ans.
Les difficultés inhérentes à ce type de
réalisation sont essentiellement dues à une augmentation
du coût des travaux depuis 1968, à un démarrage
très lent "en raison de la complexité du domaine
bâti", et aussi à la volonté de ne pas
imposer trop brutalement aux occupants des immeubles concernés,
une mutation de leur cadre de vie. Le coût pour la municipalité
de Bourges sera considérable, et les conflits pouvant
aller jusqu'à des expulsions ne contribueront pas à
rendre populaire l'opération.
C'est à cette époque que
chacun prend conscience que les dégradations d'un certain
nombre de monuments de Bourges sont à combattre. L'exemple
du Couvent des Augustins est un cas symptomatique. Cet édifice
appartenait à M. Rouzier, lequel avait bien voulu le céder
pour un chiffre "ridicule" à la Ville. Il faut
dire que le propriétaire avait des charges énormes
d'entretien des bâtiments, et la présence de locataires
qualifiés "d'hétéroclites" ne
facilitait pas la gestion. C'est ainsi que le bâtiment
sera restauré, ce dont Raymond Boisdé est très
fier :
"... Emmenez maintenant qui vous voudrez dans la cour intérieure
de ce Couvent des Augustins, regardez ce cloître, dont
les 3/4 restent debout, entrez dans cette salle magnifique où
se trouve la chaire dite de Calvin, et vous dites : cela est
digne d'une grande Ville".
C'est à partir d'un de ces îlots,
celui compris entre la rue Bourbonnoux, le passage casse-cou,
la rue Molière et celle des trois maillets que les urbanistes
vont mettre à jour la promenade des remparts, dans les
années 1980.
Ainsi Bourges commence à s'intéresser de manière
soutenue, et avec de bons moyens financiers, à ce "vieux
Bourges" qui tombait en décrépitude, sans
pour autant négliger, bien au contraire, la construction
de logements dans le nord de la ville.
PREMIERE
TOUR DE LA CHANCELLERIE
En ce début du mois de septembre
1964, les premiers habitants prennent possession de leur appartement
dans la tour de la Chancellerie.
La réception de la tour a été faite par
monsieur Teinturier, Ingénieur des Ponts et Chaussées,
et l'architecte en fut Pison, à ne pas confondre avec
Marcel Pinon, l'architecte local des années 1940 à
1960. Cette tour de 50 mètres de haut comprend 13 étages
et renferme 78 appartements. C'est en quelque sorte la fierté
de Bourges-Nord. Tout autour, d'autres immeubles sortent de terre.
Le plan directeur qui est à l'origine de l'aménagement
de la ville datait du 3 mai 1954. Il fut accepté par le
Ministre de la Reconstruction et du Logement le 1er septembre
suivant. C'est le document qui va servir de base à toutes
les opérations d'urbanisme. Cela concerne les îlots
à rénover, la protection des paysages, les clôtures,
la hauteur des constructions, la déserte des voies etc.
Il comprend quatre chapitres et une vingtaine d'articles par
chapitre.
La Chancellerie fait partie de ce plan directeur, c'est avant
tout un grand projet dont les premières études
commencent en 1957, sous le mairat de Louis Mallet. Il s'agissait,
une bonne fois pour toute, de résoudre le problème
du logement à Bourges et les immeubles qui sortent de
terre à Avaricum ne sont qu'une goutte d'eau, par rapport
à l'ampleur du problème.
C'est
monsieur Bourgeois, Directeur départemental de l'urbanisme
et de la reconstruction, qui réalise les premiers plans.
Il s'agit de faire des logements avec les commodités dites
"normales", à une époque où une
salle de bains passait presque pour "un signe extérieur
de richesse".
Lorsque l'équipe Boisdé arrive,
c'est une aubaine de trouver un tel projet, bien structuré
et qu'il faut mener à bien. En septembre 1959, les cultivateurs
du plateau dit de la Chancellerie font leur dernière récolte
de maïs, avant de laisser la place aux bulldozers.
Cet emplacement, situé au nord de la cité berruyère,
avait déjà fait l'objet de différents projets
dans l'entre-deux-guerres, sous Laudier, pour étendre
le périmètre de la ville. La cité du Moulon
avait en conséquence vu le jour.
Deux quartiers sont définis sur
une surface de 165 hectares, avec La Chancellerie et les Gibjoncs.
Le plan de masse a été étudié par
M. Pison, architecte à Paris, sur l'initiative du Ministère
de la Construction. Pour l'ensemble du projet, il y aura 4000
logements, un Lycée de garçon, un Parc des sports
pour la ville et éventuellement une nouvelle caserne de
gendarmerie.
En 1958, lors des élections municipales,
le coeur du débat concerne cette ville nouvelle. Les logements
sont prévus comme une grande cité, au centre de
laquelle une grande place, comme dans toutes les villes, et,
autour, les magasins, un marché couvert, une salle de
réunion, un groupe scolaire et une salle paroissiale.
Dans un premier temps, la tranche 1
comprendra 1800 logements pour la période 1959-1963, alors
qu'une seconde tranche de 1500 logements sera construite de 1964
à 1968.
En attendant, il faut réagir et c'est immédiatement
qu'une centaine de logements sortent de terre, ils vont servir
à terminer le relogement des habitants du quartier Avaricum.
L'équipement d'un terrain sur lequel sera bâti 300
maisons individuelles va être entrepris.
Avec les premières présentations
du projet, arrivent les premières critiques, l'architecte
en chef Guy Pison se défendra :
"Ce n'est pas une cité
dortoir, c'est un quartier de la ville où l'on retrouve
le commerce de première nécessité et les
équipements sociaux d'une ville moderne".
Les premiers coups de pioche sont donnés
en février 1961, pour des logements livrés à
la fin de l'année, alors que le centre commercial ouvre
ses portes en septembre 1963, donnant ainsi à ce quartier
les premiers éléments lui permettant de vivre.
On construira le plus long immeuble de
Bourges avec une bâtisse de 167 mètres de longueur,
permettant d'abriter plusieurs centaines de personnes.
La SO.BE.R.E.M. réalise cette opération qui porte
sur 116 hectares et 4935 logements, comportant 7 zones.
Le quartier de la Chancellerie va pousser
comme un champignon. On dénombrera dès 1963, près
de 5000 habitants pour atteindre en 1976, à la fin de
l'opération, un chiffre considérable de 29 221
personnes. A cette époque, cela représente 35%
de la population berruyère.
Les promoteurs de Bourges-Nord, en 1959, pensaient à loger
les Berruyers qui habitaient dans des appartements insalubres
et qu'il fallait reloger, mais nul ne songeait que la fin de
la guerre d'Algérie allait apporter un flot de rapatriés
qu'il faudrait installer en toute urgence.
Raymond Boisdé s'intéresse
beaucoup à Bourges-Nord, en 1966, il fait remarquer "qu'il
ne s'agit pas d'une ville différente, d'une ville neuve,
mais d'un quartier, d'un quartier de notre grande commune".
En mai 1967, on pense à installer
un château d'eau, pour lequel le maire est très
circonspect, d'une part pour une telle dépense, mais surtout
pour sa construction en raison de l'esthétique toujours
discutable d'un château d'eau. Le choix se fera sur un
réservoir métallique comme celui qui est implanté
à Mantes-la-Jolie. Le débat sur le "champignon"
va occuper les conseillers, car si monsieur Arquinet voit dans
cette forme évasée un ensemble acceptable, il trouve
que la peinture, à l'usage, va faire une dépense
et une charge importante. Boisdé s'est toujours opposé
à cette construction, et cela fait 4 ans qu'il tergiverse.
Comme André Cothenet trouve qu'on ne peut pas indéfiniment
retarder la construction de ce réservoir, finalement,
entre le béton armé et la construction métallique,
c'est cette dernière technologie qui est choisie. Boisdé
aura le dernier mot : "comme ingénieur, je ne peux
pas en dire du mal".
Pour les spécialistes de l'urbanisme,
il apparaît aujourd'hui que le plan global de La Chancellerie
était assez remarquable. Jean Pierre Roger affirme "qu'il
y avait une véritable unité de construction, que
les immeubles étaient en pierre de taille d'excellente
qualité ". Par contre si la plupart des immeubles
ne comprenaient que 4 étages, il faut ajouter que l'on
a aussi construit des immeubles qui n'étaient pas prévus
sur les plans d'origine !
A l'inverse, l'urbanisation du quartier
des Gibjoncs apparaît comme beaucoup plus déstructuré,
l'urbanisme n'est plus en Z.U.P., ce n'est plus la même
réflexion, et les immeubles sont davantage posés
les uns à côté des autres.
Hormis le complexe de La Chancellerie,
d'autres opérations immobilières voient le jour.
C'est ainsi qu'un autre quartier se construit à Vauvert,
avec 87 pavillons et 58 logements. Il est prévu de
terminer l'opération dans l'année 1965. L'architecte
est M. Audureau et les logements sont construits en "accession
à la propriété" avec l'aide financière
du Crédit Foncier de France.
Par rapport à ce qui se fait à Bourges Nord, le
concept est totalement différent. Ce sont des pavillons
individuels, et de petits immeubles de 1 ou 2 étages maximum,
et la publicité de leur vente insiste sur ce nouveau quartier
qui est "un milieu calme, aux portes de l'agglomération".
On construit à Bourges pour les
vivants, mais on n'oublie pas les morts, c'est ainsi que le problème
des cimetières est posé. A Bourges, il y a le vieux
cimetière central des Capucins, en plein Centre-Ville.
C'est le seul rescapé de la Révolution. Depuis,
ont été construits les cimetières du Lautier,
puis de Saint Lazare et cela ne suffit pas.
Par lettre du 3 décembre 1958, le
Préfet du Cher fait connaître à la municipalité
que les études sur l'aspect hygiénique sont sur
le point de se terminer. Le risque de contamination du forage
de Saint-Ursin est très limité disent les experts,
à condition de ne pas exploiter le forage à son
maximum de débit..... Ce qui est rassurant !
Le PLU de 2006 = Plan Local d'Urbanisme
C'est pour succéder au POS, (Plan
d'Occupation des Sols), plan d'urbanisme qu'est mis en oeuvre
le PLU, Plan Local d'Urbanisme par une délibération
du Conseil municipal du 19 juin 2003.
Véritable réflexion sur
le présent et le futur de la Ville, le Plan Local d'Urbanisme
a été adopté fin mars 2006 par le Conseil
Municipal. L'objectif est de tracer
un projet de ville réaliste et audacieux en prenant compte
des évolutions démographiques, socio-économiques
et urbanistiques.
1- Historique
La Ville de Bourges avait décidé de mettre en oeuvre
un Plan Local d'Urbanisme (PLU), par délibération
en date du 19 juin 2003.
Une concertation a été mise
en place tout au long de son élaboration :
- Un registre était notamment à disposition du
public, de juin 2003 à mars 2004.
- Entre huit cent et mille personnes ont été accueillies
et renseignées par la direction de l'urbanisme.
- Cinq réunions publiques ont par ailleurs jalonné
cette procédure.
En avril 2005, un dossier présentant
le projet de Plan Local d'Urbanisme a été transmis
aux partenaires afin de recueillir leurs avis.
Puis, pendant trois mois, les personnes
publiques ont à nouveau pu s'exprimer sur ce PLU.
L'enquête publique a été
organisée du 23 janvier au 22 février 2006. Un commissaire enquêteur désigné
par le Tribunal Administratif, a reçu la population par
cinq fois.
Le commissaire a donné un avis favorable
avec uniquement trois remarques techniques portant sur la zone
tampon entre l'aménagement faisant l'objet d'une ZAC avenue
du Maréchal Juin et les propriétés riveraines,
la densité en zone Nh considérée comme étant
trop faible surtout dans le cas de petites parcelles, et l'existence
d'un emplacement réservé pour un terrain de sport
chemin de Villeneuve.
Le Conseil Municipal
du mois de mars 2006 a adopté le PLU.
2- Que dit le PLU de Bourges ?
L'accent est mis sur l'environnement et
sur l'économique.
- Environnement :
- importance des réserves de zones naturelles prise en
compte
- préservation des marais : règles de construction
des cabanes
- Déplacements :
- Poursuite des liaisons douces entre les quartiers et entre
communes. Il s'agit de marquer une volonté de cohésion
urbaine.
- Enrichissement du réseau cyclable
- Renouvellement urbain :
- Ouverture de la Zone de la gare, côté nord. Ce
projet, véritable élément du projet de renouvellement
urbain, vise à atténuer les ruptures physiques
dans la ville et à rechercher une meilleure cohésion
urbaine.
L'ensemble des réalisations du Projet de Renouvellement
Urbain vise à harmoniser les constructions et réhabilitations
dans les quartiers concernés.
- Afin que Bourges demeure une ville à
taille humaine, les hauteurs des constructions collectives ont
été réduites et la mixité sociale
dans les nouvelles constructions mise en avant.
- Développement :
- Une augmentation
considérable du bâti est prévue, puisqu'il
passe de 190 à 430 hectares sur l'ensemble de la ville.
- Des zones d'aménagement ont été prévues
près du Pipact ou encore des Quatre vents.
- Entrées de ville :
- Les dispositions du PLU permettent de protéger le paysage
des entrées de ville.
à suivre