Avion Concorde a Bourges - Roland Narboux - Bourges Encyclopédie

 

 WIKI _ BOURGES
L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES
 
DE ROLAND NARBOUX

 RETOUR AU SOMMAIRE

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL
Version 2019
 

LE SOMMAIRE
 
L'Historique
 
La fabrication
 
Les témoignages
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ils sont nés à Bourges,
François Mitterrand à Bourges
Chiffres essentiels
Les Templiers
Les élections à Bourges au XXe siècle
Les Très Riches Heures du duc de Berry
les villes jumelles
Radios locales
Les francs-maçons
Kiosque et musique
Agnès Sorel
L'horloge astronomique
Les tramways de Bourges
L'Yèvre à Bourges
L'alchimie
La Bouinotte, magazine du Berry
L'usine Michelin
La maison de la Reine Blanche
Serge Lepeltier
L'industrie à Bourges au XXIs
Monuments Historiques Classés
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

Et puis une nouveauté : L'information et l'actualité à savoir sur Bourges, en quelque clip et quelques lignes :

http://www.bourges-info.com/

 

 

Retour en page d'accueil

 L'AVION CONCORDE FABRIQUE A BOURGES

Une histoire industrielle peu connue, celle de la fabrication dans l'usine SNIAS (puis Aerospatiale) de Bourges-Aéroport, de plusieurs éléments de l'avion TSS Concorde, dont la partie extrême de l'aile, ainsi que les cadres 41 et 46, et les planchers de la zone "de pilotage".

Ceci s'est passé dans les années 1970, voici avec l'aide de PABB, Patrimoine Aérospatial Bourges Berry, cette belle histoire.


L'Histoire de l'avion supersonnique commercial TSS " Concorde " à Bourges

Historique

A la fin des années 1950, l'aventure du transport supersonique commence suite aux études britanniques de BAC 223 (British Aerospace Company), et françaises sur le projet " Super Caravelle ".
Rappelons que l'avion britannique de Havilland " Comet " fut le premier avion commercial à réaction à être mis en service, tout en étant subsonique bien entendu.
Les projets français et britanniques étant relativement semblables, les coûts de recherche, d'expérimentations et de développement exorbitants, il parut logique de passer par un principe d'une coopération entre les deux pays. C'est le 29 novembre 1962 qu'aura lieu la fusion de ces programmes.
En décembre 1967 " Concorde" sort du hangar de Toulouse. Et le 2 mars 1969, André Turcat, qui fut un des grands pilotes de Nord-Aviation, aux commandes, fait décoller l'avion pour une durée de vol de 29 minutes. Mach 1 ( environ 1000km/h) sera passé le 1er octobre 1969 lors du 45ème vol, et mach 2 (le double) un an plus tard, en novembre 1970. Le certificat de navigabilité est délivré le 10 octobre 1975.
Toulouse pour la France, et Filton pour l'Angleterre, seront les deux centres de production de l'appareil.
Seuls 16 " Concorde " seront construits, les options retenues par de nombreuses compagnies (dont américaines) étant annulées devant le prix d'achat de l'appareil et celui de son exploitation, avec sans doute quelques considérations politiques.
Le premier vol commercial Paris - Rio a lieu le 21 janvier 1976.
A noter qu'aucun avion civil ou militaire à cette époque ne peut voler à la vitesse du son pendant plus de 3 heures.
Quelques chiffres :
- Pour un vol Paris - New-York l'avion emporte 95 tonnes de carburant pour en consommer environ 80 tonnes.
- Rien qu'au roulage, " Concorde " consomme 1 tonne de carburant.
- L'avion est équipé au départ de moteurs Bristol Siddeley " Olympus ", plus tard Rolls-Royce. Utilisée au décollage et pour le passage de mach 1 à mach 2, la postcombustion assure une poussée de 20200kg. Malgré sa masse de 185 tonnes, l'avion atteint une vitesse de 400km/h en 30 secondes. En régime de croisière la poussée est de 17260kg (puis portée à 18 000kg). Après le décollage, et pour des raisons de bruit, il passe en vitesse supersonique au-dessus de la Manche pour une traversée transatlantique. Il lui faut ½ heure pour passer de mach 1 à mach 2.

Les bâtis d'assembalge au bt 11

- A mach 2, " Concorde " va parcourir 100km toutes les 3 minutes, soit 555m par seconde…
- A 18 000 m, la température extérieure est d'environ - 57°c , et avec la vitesse, la température de " la peau " de l'avion va monter à + 127°c. Ce phénomène engendre un allongement de la structure du fuselage d'environ 23 centimètres.

L'accident du 25 juillet 2 000, au-dessus de Gonesse, va sonner le glas de cette merveille de technologie. Au décollage de Roissy, le " Sierra-Charlie " d'Air France roule sur une pièce métallique perdue sur la piste par un appareil américain venant juste de décoller. Les pneus du train principal gauche éclatent et leurs morceaux percent le revêtement inférieur de l'aile d'où s'échappe alors le kérosène qui s'enflamme. L'équipage ne peut rien faire pour sauver l'appareil et ses passagers. La flotte des " Concorde " est clouée au sol, le temps de l'enquête et de la mise en place des mesures correctives : renforcement des réservoirs structuraux de voilure par du Kevlar, nouveaux pneumatiques mis au point par Michelin, etc.
Ce ne sera qu'un sursis, il revolera encore, puis sera remisé dans … des musées de l'Air !

La fabrication du " Concorde " à Bourges

C'est vers 1970 que commence la grande aventure " Concorde " à Bourges. Pour utiliser les infrastructures existantes et les connaissances aéronautiques du personnel local les responsables de l'établissement recherchent des charges " avion ".
Le fait de devenir SNIAS " Société Nationale Industrielle AeroSpatiale " permettra à Bourges de participer au programme " Concorde ".
L'établissement récupère de chez Dassault (qui en a assuré la fabrication des prototypes et des préséries) une partie de l'aile extrême du supersonique, le tronçon 21 arrive à Bourges.
Cet assemblage avait les caractéristiques essentielles suivantes :
- Il n'y avait aucune ligne droite, tout profil était évolutif.
- L'intérieur de la voilure devait être parfaitement étanche, car il y était stocké la majeure partie du carburant.
- L'alliage utilisé est l'AU2GN, le meilleur alliage d'aluminium de l'époque pour ses caractéristiques mécaniques et sa tenue à température élevée. L'utilisation de l'AU2GN nécessitait des traitement thermiques et traitements de surface particulièrement pointus.

Les méthodes de travail étaient tout à fait différentes de ce que chacun connaissait jusqu'alors sur les fabrications passées. Les plans des pièces, panneaux, nervures, étaient succincts, mais accompagnés d'un listing de cotes : une première en la matière. Chaque point de la pièce était positionné dans l'espace dans les trois axes.
Toutes les pièces étaient taillées dans la masse. Les tôles de 50 à 150mm d'épaisseur étaient usinées sur des fraiseuses qui tournaient 24h sur 24.

Les deux " tronçons " 21 " réalisés à Bourges en poste final.

Le poids d'un avion est un élément essentiel. Aussi, les panneaux faisaient l'objet d'un " ragréage " (ponçage manuel) pour ramener les cotes au minimum toléré.
L'assemblage des pièces était original et entièrement nouveau. Les " taper lock " étaient un système vis-écrou à emmanchement conique. Le perçage de départ était cylindrique, mais l'ajustage final alésé de forme conique avec des précisions de l'ordre de quelques microns. (1 micron = 0.001mm).
Le produit d'étanchéité du caisson était le " Viton ", un produit qui devait être conservé à des températures très précises, et avec des dates de péremption avant utilisation particulièrement contraignantes …
De plus, pour cette fabrication, chaque pièce était numérotée et faisait l'objet d'un suivi individuel qui relatait tous les incidents survenus.

Les bâtis d'assemblage étaient installés au bt.11, hall d'assemblage du " Transall ". Ils étaient peints d'une couleur orange " pétante ", chaque type de fabrication faisant l'objet d'une couleur distincte pour les outillages utilisés.
Deux autres éléments plus modestes, les cadres de fuselage N° 41 et 46, fabriqués dans l'établissement, étaient livrés à Marignane, autre usine de la SNIAS.
Le principal élément était livré à Toulouse ou en Grande-Bretagne, par la route au début, et par voie aérienne par la suite. C'était le " Guppy ", un avion Boeing spécialement modifié et qui transporta également des éléments de la fusée " Saturn " " qui, " gueule ouverte " engamait le chargement dans sa soute.

Un souvenir à ce sujet de Jean-Yves Catoire :

" Je me trouvais en cette fin de soirée dans le bureau situé au fond du bt.11. Le " Guppy " était en attente sur le tarmac, la carlingue ouverte.
Les deux tronçons 21 (G & D) étaient arrimés sur leur support commun sur la remorque d'un camion.
La grue entrait en action pour soulever la précieuse charge et la convoyer dans l'avion. J'ai vu alors, juste devant le bureau, la remorque se soulever et retomber lourdement sur le sol. Les outillages de transport des tronçons n'avaient pas été désolidarisés de la remorque, et les attaches avaient cédé. L'avion est reparti à vide, et les tronçons ont été replacés sur les bâtis pour contrôle ".

L'avion " Super Guppy " sur l'aérodrome de Bourges pour un chargement.

Politiquement, le TSS (" Transport Super Sonique ") suscitait de vives empoignades. Les pro-américains et anti-" Concorde " juraient que cet avion ne pourrait jamais franchir l'Atlantique. Les berrichons en étaient révoltés.

Les prévisions de production devaient être de plusieurs centaines d'appareils.

Les témoignages de Jean-Yves Catoire, Alain Bougelot et Roland Narboux

Jean-Yves Catoire témoigne :

" Au printemps 1972 la chaîne " Transall " se termine. Les contrôleurs, techniciens, et agents de production doivent retrouver d'autres activités au sein de l'usine. En ce qui me concerne, et après une entrevue avec René Perrault, chef du département contrôle, j'optais pour un emploi au " contrôle périodique " nouvellement crée à la demande pressante du SIAR (Service Industriel de Surveillance de l'ARmement).
D'autres collègues opteront pour un poste à Bourges-Engins (Noël Thuret, Christian Fourgeot entres autres.)

J'étais donc intégré à une nouvelle équipe sous l'égide d'Yves Salvisberg, et de Robert Sadet dans un local situé au fond du bt.11 (bt. " Transall ") où fut érigé par la suite le magasin automatique. Je rejoignais dans ce service MM. Tiget, Lassalle, et François Millois. Le " Concorde " était un programme prioritaire et très important pour Bourges ".
Au nouveau bt.12 étaient installés des étuves et fours de grandes dimensions pour traiter les pièces.
A la rentrée des vacances de cette même année ces installations devaient être opérationnelles, c'est-à-dire " certifiées conformes, ou autrement dit validées".

Jean-Yves Catoire y participait :

" Notre rôle consistait à valider les installations de traitements thermiques de l'AU2GN, durant le mois de vacances de cette année 1972 de l'établissement, il nous restait à faire ce travail.
Valider un four de trempe et deux étuves de revenu, aux dimensions " gigantesques " était un véritable défi pour des néophytes en la matière. Les écarts de température tolérés étaient infimes dans le volume de ces " monstres ".
48 lignes de test étaient installées sur des " mannequins " dans le volume utile des enceintes de traitement. Les températures étaient enregistrées en continu sur 2 enregistreurs de 24 voies chacun.
A titre d'exemple, les températures de traitement de " revenu " étaient de l'ordre de 160°C +/- 3°C dans un volume de 150 m3 Pour le traitement de " trempe " c'était 495°C +/- 5°C dans un volume de quelque 6 m3
Le bruit des ventilateurs des installations était assourdissant.

Durant ce mois de juillet, M. Lassalle, François Millois, et moi-même avions renoncé à nos congés pour cette période. Nous devions assurer les 3x8 à trois, sachant que pour des raisons de sécurité nous devions toujours être deux sur le site. Il s'en suivit les horaires que l'on peut deviner …
Pour ma part j'ai fait 102 h de plus en ce mois de juillet par rapport aux heures légales du moment. Mais l'objectif était atteint : A la rentrée d'août les installations étaient opérationnelles. C'est beau l'amour du travail, et la reconnaissance de l'entreprise d'antan".

Bourges avait également la responsabilité de réaliser des éléments de planchers de la cabine. Ceux-ci était réalisés en sandwich " nid d'abeille " en éléments composites, et revêtus, à leur partie supérieure d'une feuille d'aluminium collée dont le but était d'assurer une barrière aux éventuelles fumées.

Pour ce faire Jean-Yves Catoire se souvient :

" Ces éléments étaient, après préparation, pressés et polymérisés (cuits) sur une presse chauffante à 3 plateaux dont la force de compression était de 10 tonnes, et la température de quelque 100 °C avec des tolérances de l'ordre de +/- 5°C. Le chauffage des plateaux était assuré par une circulation d'huile chauffée dans une " bâche " (en fait un réservoir comme nos ballons d'eau chaude).

La presse était située au bt.3, et pour mesurer les efforts entre les plateaux la valise de pesée du " Transall " était utilisée. Pour une cuisson uniforme des panneaux, et la sécurité des capteurs de force (10 tonnes maximum chacun) les plateaux devaient être parfaitement alignés.


Sur ces planchers, Alain Bougelot, employé alors aux méthodes contrôle raconte :

" J'ai en mémoire le schéma d'un appareil spécial, sans doute conçu par le CCR (Centre Commun de Recherche) de l'aerospatiale à Suresnes. Celui-ci avait pour but de tester la résistance des planchers aux martèlements répétés dus aux talons aiguilles des dames ! ( on ne cite pas les hommes dans le rapport).

Avec " Concorde " rien n'était laissé au hasard…Et de poursuivre :

" J'ai travaillé aussi sur une version " B " de " Concorde " (il me semble que cette version est assez peu connue). Pour notre tronçon, il s'agissait de nouveaux bords d'attaque censés, je pense, améliorer encore l'aérodynamisme. Bien entendu, il n'y eut pas de suite… ".

A l'origine, les plannings de fabrication de l'avion " Concorde " étaient de plusieurs centaines d'exemplaires, un peu comme le sera 30 ans plus tard, l'Airbus. Roland Narboux, jeune ingénieur, travailla à l'étude des outillages nécessaires pour réaliser le Tronçon 21 de " Concorde " à une cadence de 7 avions par mois ! C'est à dire près de 80 exemplaires par an.
Au total, ce sont 20 exemplaires du tronçon 21 qui seront fabriqués, dont 2 prototypes et 2 pré-série. L'Etablissement de Bourges récupéra ce tronçon au N° 4 à Boulogne chez les Avions Marcel Dassault, et la série va s'arrêter au 16ème avion de série.
Bourges fabriquera les éléments des avions 205 à 216. La fin de la chaîne de Bourges se termine en janvier 1974, la fin d'un rêve.
L'action conjuguée des américains et de quelques hommes politiques français fera capoter ce programme, et en février 1974, Georges Barroy, le directeur de l'établissement de Bourges déclare :

" La production du " Concorde " continuera à un rythme de croisière plus lent que celui qui était prévu. Ceci est une période d'attente ". Et le directeur de rappeler que l'activité avions de Bourges se fait encore avec le N 262 et la pointe avant du " Mirage " F1, ajoutant que les perspectives des productions missiles sont intéressantes.
Quelques comités " pro-Concorde " vont se former et quelques automobiles dans les rues berruyères auront un autocollant avec ces mots :

" OUI A CONCORDE "

" Concorde ", un grand succès technique, et Bourges en profitera, passant d'une génération d'avions (en tôle) à la génération suivante qui utilise des tôles épaisses usinées.

La livraison du Tronçon 21 par le super-guppy

Vous souhaitez enrichir le site de l'Encyclopedie de Bourges ?

Vous avez une question à poser : cliquer ici >>>