C'est
en février 1977 que le lac d'Auron est inauguré
dans une certaine indifférence. Il fut l'uvre du
maire Raymond Boisdé, et sans doute une des causes de
son futur échec politique. Repris par Jacques Rimbault
à contrecur, il va devenir au fil du temps le centre
d'un des quartiers importants de Bourges. Aujourd'hui, féru
d'écologie, le maire Serge Lepeltier veut en faire un
symbole de la nature en pleine ville. Au fait, comment s'est
fait ce lac de 84 hectares? Qu'est-il devenu une trentaine d'années
après ? C'est ce que La Bouinotte a cherché à
savoir.
Le Val d'Auron prend forme
Ce programme sera une opération
d'envergure qui va commencer à partir du début
des années 1970. Pour Raymond Boisdé, l'ensemble
Chancellerie-Gibjoncs accueillera en 1976 ses derniers habitants
et ce vaste programme d'urbanisation sera terminé. Il
faut donc songer à une autre zone, et c'est la surface
située au sud de l'agglomération qui est choisie.
Les projets d'implantation de ce plan d'eau vont varier, et pendant
un certain temps, il est question de construire le lac dans la
zone inondable située à la sortie de Bourges, côté
Saint-Doulchard, au lieu-dit de "la prairie", alors
que certains songent
. Aux marais de Bourges..
Dès 1967 se déroulent les
premières délibérations du Conseil municipal,
pour aboutir au 21 juin 1969, date du principe de la création
de ce plan d'eau.
Dans une première phase, avec la SO.BER.EM., et le concours
de M. Parlos, Architecte à Paris, un avant-projet avec
création d'une Z.A.C.(Zone d'Aménagement Concertée)
est proposée. Une seule opposition alors, celle de M.
Cothenet, qui pense "qu'il vaudrait mieux laisser à
nos successeurs le soin de se pencher sur cette question....
puisque vous allez être obligés, sur ces deux kilomètres
de longueur, de faire des travaux d'enlèvement de terrain
considérables qui vont entraîner une dépense
qui sera proportionnelle". On reconnaît bien cet ancien
maire " près de ses sous ".
Un peu plus tard, Raymond Boisdé
publie en 1973, un "LIVRE BLANC" intitulé Le
quartier Résidentiel du Sud, dit "Bourges - Val d'Auron".
Le Conseil municipal se prononce favorablement, le 11 mai 1974,
sur un projet qui se décompose en trois volets : le schéma
de secteur, la ZAC du Val d'Auron et le plan d'eau. Lors de la
discussion, M. Bulle pose quelques questions sur l'emploi et
souligne que miser sur une population de 29 000 personnes, sans
apporter d'emplois, peut poser des problèmes.
L'ensemble du secteur a été défini par un
arrêté préfectoral en date de janvier 1973,
il recouvre une surface de 540 hectares. Dans le document, il
est indiqué que la liaison avec la ville se fera par l'intermédiaire
d'une voie express alors que celle la reliant à l'autoroute
A 71 sera réalisée par une bretelle.
Dans ce plan directeur, il est mentionné
que l'une des rives du lac sera aménagée en espaces
verts réservés à la détente, avec
divers équipements sportifs ou de loisirs.
Un premier secteur sera aménagé sur 180 hectares,
pour accueillir 7000 personnes, avec l'aide de 800 logements
individuels de tous types, et de près de 1400 logements
en immeubles collectifs.
Au mois de mai 1974, un groupe, qui s'intitule "Sauvegarde
et Renaissance de Bourges", se lance dans une campagne de
presse pour s'inquiéter de ce que sera le futur lac d'Auron.
Le titre de l'interrogation est sans équivoque : "VAL
D'AURON, LAC OU MARIGOT ?"
Et les signataires, anonymes, rappellent
à la municipalité que "bien avant sa réalisation,
le plan d'eau des Prés-Fichaux nous avait été
présenté comme la promesse d'un centre nautique
d'ampleur régionale". Il faut le reconnaître,
sur l'ensemble de ce projet, qui devait comprendre un plan d'eau,
des baignades, seule la piscine a subsisté. Alors, questionnent
ces opposants : "ne va-t-on pas rééditer au
Val d'Auron, une opération aussi décevante ?"
Les questions techniques ne semblent pas
résolues, que ce soit sur les barrages ou les activités
dévolues à ce plan d'eau. Ces courriers vont avoir
le don d'agacer profondément le maire de Bourges qui parle
"d'une communication agressive et d'ailleurs anonyme",
en répondant à "Sauvegarde et Renaissance
du Berry".
Les premiers travaux d'aménagement, à partir de
la route de Lazenay, sont finalement engagés au printemps
1975, juste deux ans avant les prochaines élections municipales,
il faudra aller vite ! L'échéancier est ambitieux
avec une mise en eau au cours de l'été 1976.
Le
lac proprement dit aura une superficie de 82 hectares, long de
2200 mètres et large de 400 mètres au maximum.
Sur ce lac, on pourra pratiquer la voile, la pêche, l'aviron,
avec des compétitions internationales, la natation et
les jeux de plage, et tous les sports individuels et collectifs
le long des berges et sur les espaces libres avoisinants. Il
faut noter que si la longueur et la largeur du lac sont mentionnés
dans ces documents de 1974, il n'est jamais question de la profondeur....
qui sera le point faible de ce complexe.
Ce plan d'eau sera obtenu en creusant le lit majeur de la rivière
Auron, et en barrant le lit en aval. Pour répondre aux
besoins d'une population répartie dans environ 2000 logements,
des équipements de voisinage sont prévus : une
école est placée au centre des îlots, des
commerces d'appoint, des jeux d'enfants , une résidence
pour les personnes âgées et, bien entendu, des espaces
sportifs.
Les Berruyers vont, comme souvent lorsque
des propositions nouvelles leur sont faites, prendre "leur
lac en grippe". Pour beaucoup, ce lac est un trou à
la fois réel et financier, et ces arguments rappellent
ceux développés contre Laudier et "ses"
Prés-Fichaux.
Dans l'article d'un journal local, les
finances de l'ensemble sont détaillées, le coût
total du projet avoisine 35 millions de francs avec des emprunts
pour 26 millions de francs.
Il s'agit donc pour les responsables municipaux d'un financement
par l'emprunt, "qui ne coûtera rien au contribuable
berruyer".
L'inauguration du Lac d'Auron
Pour Raymond Boisdé le Val d'Auron
tient une place particulière. C'est la "grande oeuvre"
de cette période qui, correspond à un véritable
besoin, c'est une "réalisation sociale permettant
aux travailleurs qui n'ont pas le moyen de prendre des loisirs
à leur aise, dans l'espace et dans le temps, d'y trouver
le moyen de s'oxygéner, de se reposer dans un cadre qui
n'aura pas à souffrir des nuisances industrielles".
Pour le maire, il y a toujours cette notion de " Petit Vichy
" pour sa propre ville.
Boisdé se défend par rapport aux critiques sur
une réalisation qui est parfois qualifiée de "prestigieuse
et aristocratique".
Régulièrement, il donne des
informations sur l'avancement des travaux et la situation des
finances. Dans l'été 1976, il affirme que près
des 3/4 des déblais prévus ont été
réalisés, ce qui représente 1 000 000 de
mètres cubes, et les bulldozers sont arrivés au
fond de la cuvette en enlevant moins de terre que prévu....
"Nous n'avons eu aucune surprise désagréable"
affirmera M. Boisdé.
Pourtant la légende d'un plan d'eau dont le fond a été
recouvert d'une bâche plastique pour éviter l'eau
de s'infiltrer dans le sous-sol va prendre corps. Ce sera une
rumeur persistante, 20 ans après un entrepreneur affirmera
que des bâches avaient été mises, mais c'était
pour que les camions ne s'enlisent pas et en aucun cas pour assurer
l'étanchéité du lac. Ce qui reste vrai,
c'est une couche d'argile beaucoup trop faible et très
fragile en fond de lac.
Boisdé va se battre sur "son plan d'eau" alors
que les critiques se font de plus en plus acerbes. Il déclare
en Conseil municipal :
"Nous ne savons pas qui, ici, occupera les fonctions dirigeantes
de la Ville de Bourges, c'est-à-dire le nouveau Conseil
municipal, mais il n'est pas interdit, en toute honnêteté,
de prendre la précaution de ne pas voir dévaluer
une telle opération, lancée après mûres
réflexions puisque, vous le savez, j'ai mis personnellement
10 ans pour trouver en face de moi, un architecte qui mettra
à la disposition de la population un des plus grands et
des plus agréables plans d'eau de toute la France".
Les espaces verts seront mis en valeur,
poursuivra le maire, et il rappelle que les archéologues
ont découvert les vestiges d'un port romain qui sera conservé.
Le sport aura aussi la partie belle avec des matchs le long des
quais et sur l'eau, de l'aviron et du ski nautique. Il termine
son propos par un "nous n'avons pas à regretter d'avoir
osé réaliser cette opération.... On rend
service à la population sans accroître de façon
excessive les charges fiscales".
Le 26 février 1977, en pleine campagne pour les municipales,
se déroule le dernier acte de Raymond Boisdé à
Bourges : l'inauguration du Lac d'Auron.
Ce jour-là, c'est une inauguration dans la boue, sous
un temps exécrable, ce n'était pas le soleil d'Austerlitz.....
Le lac tient presque ses promesses, il a bien la longueur et
la largeur désirée, mais il n'est profond que de
1,7 à 5 mètres dans de rares endroits, c'est en
tout cas ce qu'annoncent les documents remis à la presse.
Ce sera son principal handicap, et il va engendrer mille et uns
problèmes, comme la prolifération des algues.
Les cérémonies comprennent une animation, avec
du canoë-kayak, et aussi, pour la première fois,
de l'aviron, les bateaux s'élancent vers 16 heures. Les
discours sont prémonitoires, Boisdé parle des 2500
logements qui sont prévus et il ajoute :"Si la future
municipalité a du pain sur la planche, la municipalité
sortante possède de bons atouts, dont le plan d'eau".
30 Ans après
Que s'est-il passé en 30 ans ? Et
il n'est pas simple de répondre de manière objective.
Sur le plan des réalisations, on note la construction
d'un golf, de 9 trous dans un premier temps puis 9 autres dans
les années 98, mais aussi d'un grand centre commercial,
d'une bibliothèque, d'une école, d'une salle pour
tous
et du transfert d'un centre hippique.
Pour les uns, le programme immobilier fut
poursuivi avec une certaine mixité, c'est à dire
des maisons de haut de gamme proche du golf, à proximité
d'immeubles sociaux en bordure de lac. La mixité dans
l'urbanisme et les problèmes qu'elle doit résoudre,
montre au cours de ces 30 ans dans ce quartier, ses limites.
Pour le lac, peu de changement visible,
il est resté en place, sans trop de débordement,
avec des courses d'aviron, un peu de voile et quelques canoës,
mais pas de modification d'envergure. Dans les années
1996, les sportifs de l'aviron signalèrent que les rames
touchaient le fond du lac. Des études furent diligentes,
et il fut décidé de vider le lac pour le curer
et enlever la vase. Mais il fallait tenir compte des pêcheurs,
qui ne voyaient d'un bon il des tonnes de poissons à
" transvaser " avec comme souvent des pertes énormes.
Roland Chamiot, à la mairie, prit le problème en
main, et une solution fut trouvée, un système d'aspiration
des boues fut entreprise et le lac retrouva sa profondeur initiale.
Ce furent aussi " l'invasion "
des oiseaux, comme les oies et autres canards, qui font le bonheur
des enfants, mais le grand changement se déroule à
partir de 2000, avec la réalisation en deux fois d'une
liaison douce, pour vélos, rollers et piétons,
particulièrement étudiée et qui, sur 6,5
kilomètres fait la joie des amateurs de nature. Pour la
première fois depuis 30 ans, il était possible
de faire à pied le tour du lac en toute saison, sans s'embourber.
Mais le lac soufre d'un manque d'activités et les animations
comme le " défi inter entreprises " ou les "
nuits des carpistes " sont assez rares. Demain, il faudra
imaginer davantage d'animations nautiques " propres et non
bruyantes ", une plage de loisir, et sur le plan urbanistique
des lieux pour personnes âgées.
Pourtant le lac est devenu depuis ces dernières
années un lieu très " écolo ",
et très fréquenté avec la liaison douce,
mais dans le cur des berruyers il n'a pas supplanté
les Marais de Bourges. Il reste au Val d'Auron à prendre
sa revanche.
Quelques chiffres de 2007 :
Le quartier du Val d'Auron comporte environ
7000 personnes.
Il y a 3000 logements dont un peu plus
de 1500 qui sont des logements sociaux (1567). Ces logements
ont été placés en bordure de lac côté
Est, puis des logements privés ont été réalisés
en bordure du golf.
L'évolution du lac d'Auron
et du quartier vers l'an 2010
A partir des années 2000, avec les
élus de Bourges plusieurs évolutions vont se dérouler,
à la fois sur le plan écologique et de l'animation
du lac que sur le plan urbanistique.
L'écologie
Dans un premier temps, ce sont les liaisons
douces qui sont construites. C'est une volonté de
Serge Lepeltier, avec une demande forte des marcheurs et autres
coureurs qui ne pouvaient plus faire le tour du lac à
pied dès qu'il y avait un peu de pluie.
Donc, une première tranche est effectuée
pour faire un chemin très naturel mais "en dur"
pour les piétons, les vélos et les rolleurs.
le succès sera immédiat et
le tour du lac sera réalisé en deux autres tranches.
Inversement, face à ce succès,
un échec avec la plage dite du lac d'Auron qui
se trouve sur la commune de Plaimpied.
Il existait une page en bout de lac dès
1978, mais quelques années plus tard, sous prétexte
de qualité de l'eau, la baignade fut interdite.
Le projet refait à la surface dans
les années 2000, pour faire une plage mais avec une digue
et un liner, le traitement de l'eau étant réalisé
par des moyens le plus possible écologique.
Ce projet nécessitait une déviation
de la Rampenne, mais si l'ensemble n'était pas très
coûteux, le chiffrage du parking, inévitable, était
le point le plus important au niveau du financement.
Le projet existe, un bureau d'étude
l'a dessiné et chiffré. Reste aujourd'hui, une
certaine volonté politique.
Les lotissements nouveaux
Le quartier du Val d'Auron va continuer
à se peupler avec deux zones distinctes, la première
vers la route de Lazenay, avec des petites maisons et des logements
dans des immeubles de peu d'étages.
Ceci se fera aussi vers le château
de Lazenay, en bordure du lac.
Et puis la société Nexity
va développer en face, côté route de Saint
Amand un grand espace que le POS puis le PLU avait classé
en constructible, sur des terrains de M. de Commines.
Ceci donnera des maison individuelles faites
par Nexity ainsi que de superbes immeubles.
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