le mazagran - Roland Narboux - Bourges Encyclopédie

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LE MAZAGRAN DE BOURGES
Par Roland NARBOUX et Bernard EPAILLY

Bourges, et l'histoire peu connue du mazagran, c'est un récipient, dont la forme est proche de celle d'un verre, qui sert à servir le café. Il est très connu en Berry.

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Version 2018

 

GUILLAUME ET LE MAZAGRAN

Elle s'est implantée à Mehun, Foëcy, Vierzon, mais pourquoi Bourges n'a-t-il pas eu de fabrique de porcelaine ?


En 1902, Emile Guillaume installe rue des arènes à Bourges un magasin qu'il appelle " Le grand dépôt Céramique ". Il est spécialisé dans tout ce qui est de l'art de la table et fourni du baccarat, du Giens, et bien entendu de la porcelaine du Berry.

Le coup de génie de Guillaume fut la renaissance du mazagran. C'était à l'origine un mélange de café chaud et d'alcool, qui s'appelait la " bistouille ". Mais en souvenir d'une bataille en Afrique du Nord avec un régiment venu du Berry, ils utilisèrent beaucoup ce genre de boisson pour se donner du courage.

 

 

Cette bataille se déroulait à Mazagran, et, au retour, ils continuèrent à boire ce liquide dans un récipient qu'ils appelèrent Mazagran.
Ce récipient est fabriqué dans les porcelaines du Berry dans les années 1850 / 1920, et en 1930, on n'en trouve plus sinon dans les brocantes.
C'est en 1938, pour la venue à Bourges du président de la République Albert Lebrun, que Guillaume cherche un objet original... et il trouve le Mazagran. Le succès est immédiat, et les porcelainiers du Berry reprirent leurs anciens moules......
Le fils de François, Etienne-Martin entré dans l'affaire en 1955 trouve un successeur au Mazagran, il s'agit de la mazette, ou petit mazagran qui entre dans les machines à café....

Mazagran 1938 Mazagran 1938

Mazagrans réalisés pour la visite du Président Albert Lebrun en 1938

(documents Jacques Moreau)


APPORT DE Bernard EPAILLY

Article du Petit Berrichon (éditions CPE)

1840
En ce temps-là, la France du roi Louis-Philippe continuait sans scrupules la conquête coloniale des côtes algériennes commencée sous le règne de Charles X. Mais elle se heurtait depuis peu à la résistance inattendue des troupes locales dirigées par l’émir Abd el-Kader. C’est dans ce cadre-là que nous découvrons le village de Mazagran, proche de Mostaganem, à l’est d’Oran, siège d’une « attaque acharnée qui comptera comme l’une des plus célèbres de l’époque1 ». Le 2 février (près de 180 ans ces jours-ci), la « kasbah de cette petite ville était occupée par cent-vingt-trois hommes sous les ordres du capitaine Lelièvre », une « faible garnison » face à « douze à quinze mille hommes » commandés par un lieutenant d’Abd el-Kader. Contre toute attente, après « quatre jours et quatre nuits de combat1 », les Français sont sortis vainqueurs de cet affrontement inégal2. Et pourquoi, le Berriaud est-il particulièrement bavard à propos de cet exploit?? Justement parce que les braves qui composaient le bataillon étaient majoritairement berrichons, dirigés par un officier du Loiret, le capitaine Lelièvre. Du côté de chez nous, on appelait (sans imagination excessive) cette unité « le lièvre et ses lapins ».

Retour sur le sol français?: on affirmait dans les casernes que nos soldats s’étaient donnés chaleur et courage en buvant du café additionné d’eau de vie, un exemple à suivre évidemment. Ce café-là était trop bon. A leur retour en France, les « lapins » ont donc continué tout naturellement à boire leur café « comme à Mazagran ». Et c’est ainsi qu’un mot nouveau est discrètement apparu dans la langue française. « Dame, on s’prendrait ben un mazagran?! » qu’on disait. Le souvenir de l’Algérie puis le plaisir de boire un café noir sucré et arrosé d’une petite goutte s’est rapidement répandu parmi les militaires puis il a été adopté progressivement par la société civile. Et c’est ainsi qu’on a pu lire, dans le Littré3 de 1872, que le mazagran (nom commun), était un « breuvage » composé de « café noir, de sucre et d’eau » et… quelquefois d’eau-de-vie (!). A l’époque, le mot mazagran désignait le contenu et pas le contenant. Mais l’histoire n’est pas finie…

En effet, le mazagran, n’est pas un café qui peut s’enfermer dans une tasse. On le sert dans un verre profond, café noir, sucre eau de source et eau de vie, avec une cuiller à long manche, pour mêler le tout. Et bien chaud, naturellement. C’est cette tradition venue d’Algérie que le porcelainier le plus célèbre du Berry, Charles Pillivuyt, installé à Foëcy puis à Mehun, a réussi à développer en France au milieu du XIXe siècle. L’idée lui a, paraît-il, été donnée par un « lapin » revenu à la vie civile qui lui a raconté que le Dey de Mazagran servait le thé « dans de hautes timbales coniques en argent incrusté4 ». Le thé, bien sûr, et pourquoi pas ce café sucré étendu d’eau et d’alcool qu’on appelle mazagran et qui ne tient pas dans une tasse?? Charles fut séduit. L’objet sera « conçu en porcelaine épaisse afin de garder le café chaud?; il comportera un filet d’or à quelques millimètres du bord et il s’appellera mazagran comme le liquide qu’il contient » 4. En 1907, Mazagran (la bataille) deviendra, à Bourges, un nom de rue et le mazagran (le breuvage et son récipient) sera populaire pendant 70 ans. Délaissé dans les années 1920, il a refait surface en 1938, lorsque « un négociant de Bourges en arts de la table, François Guillaume, le plaça sur la table du Président de la République, Albert Lebrun », de passage dans la capitale du Berry.

C’était bien le meilleur endroit pour relancer la diffusion du mazagran, né en Algérie, mais berrichon d’adoption, lancé par Lelièvre et ses lapins puis par les porcelainiers de Mehun-sur-Yèvre (Cher) et de l’usine Robin de Saint-Genou (Indre). Un cheminement qui continue avec sa descendance, la mazette, créée par la maison Guillaume, plus petite et moins élégante que le mazagran mais dont la taille autorise le passage sous le percolateur des cafés. Mazette?! C’est aussi une interjection bien de chez nous que l’on trouve, par exemple, sous la plume de Solange Sand qui l’utilisait volontiers dans la correspondance avec sa mère.

1 Léon Galibert, Histoire de l’Algérie ancienne et moderne, Furne Ed., 1843.
2 avec un seul mort, côté français et plusieurs centaines côté algérien (https?://fr.geneawiki.com/index.php/Alg%C3%A9rie_-_Mazagran).
3 Dictionnaire étymologique, historique et grammatical, Hachette (1ère éd. 1841).
4 Henri Letourneau, Porcelaines et porcelainiers en Berry, Bourbonnais, Poitou, des origines à 1930, Ed. Valmont, 2015.

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