Les
rues de Bourges, dans le centre-ville, ont toujours fait la joie
des touristes et des berrichons. Elles n'ont pas ou peu évoluées
depuis des lustres et le livre de Roger Richet intitulé
"Bourges pas à pas" publié en 1984 est
toujours lu avec plaisir, il fait autorité dans l'origine
du nom des vieilles rues de Bourges par les anecdotes qui y sont
rattachées. Nous allons parcourir ces vieilles rues, dans
un hommage particulier pour ce grand érudit berrichon.
Rue Moyenne, rue Bourbonnoux,
rue Mirebeau , rue des Arènes, rue Mausecret, rue du Puits-Noir
et rue de l'Alchimie, rue des Juifs, rue Montcenoux, rue des
Vertus, rue de la Cage Verte, telles sont les rues objet de cet
article.
La rue la plus ancienne de la ville semble
bien être la Rue Moyenne, qui partage la cité en
deux, sensiblement du nord au sud. Les touristes sont toujours
surpris de parcourir cette avenue principale, moderne, peu en
adéquation avec le passé ancien et patrimoniale
de la ville, et comportant des magasins peu typiques, des marchands
de lunettes, de téléphones portables
. Et
des banques.
Une rue pseudo commerçante et somme toute assez décevante
dans une ville d'Arts et d'Histoire.
On trouve le nom de cette rue, que l'on devrait davantage appeler
médiane que moyenne, dès le XII e siècle,
et on notera qu'une portion de cette rue s'appelait avant la
Révolution française "rue du Dieu d'Amour",
nom magnifique dans laquelle se trouvait le temple maçonnique
en 1785..
Les rues
des fossés
Au IV e siècle la ville de Bourges
construit une belle muraille, et cette protection se poursuit
durant plusieurs siècles. En 1180, sous Philippe Auguste,
la cité se développe en dehors de ses premiers
remparts, et une seconde enceinte est édifiée.
C'est alors qu'au pied de la muraille gallo romaine, des maisons
sont construites et des rues tracées. Elles deviennent
des rues typiques et c'est ainsi que l'on découvre ces
rues si attachantes et pleine de caractères, comme Bourbonnoux,
Mirebeau ou la rue des Arènes.
La rue Bourbonnoux
descend du chevet de la cathédrale jusque vers la place
Gordaine. Elle est identique à ce qu'elle était
au moyen âge, et les pavés, s'ils font les délices
des amateurs de patrimoine urbain, sont une calamités
pour les dames à talons aiguille
.. Pendant plusieurs
siècle, cette rue aura pour nom, "vicus Burbonensis",
sans doute à cause de la route qui allait de Bourges à
Bourbon-l'Archambault, elle changera de nom une seule fois, à
la Révolution, pour prendre l'appellation conforme à
l'actualité d'alors : "rue des Bonnets-Rouges".
Elle comporte aujourd'hui de nombreuses boutiques, très
typiques, avec des décorateurs, antiquaires et autres
luthiers. Descendant de l'oppidum vers la porte Gordaine, elle
est agréable, avec de nombreuses maisons en pan de bois
datant de la fin du XV e siècle. La couleur des poutres
apparentes pouvant être de couleur marron, bleue ou
rose. Ces teintes sont homologuées et précisées
par les Monuments Historiques, car, contrairement à ce
l'on pense parfois, ce sont des couleurs du moyen âge,
beaucoup plus coloré qu'on le perçoit généralement.
A l'angle de la rue Bourbonnoux et de la rue des rats (rebaptisées
fort heureusement rue de La Thaumassière), se trouvait
l'Hôtel le plus couru du moyen âge, "l'Hôtel
du Buf Couronné". Il est devenu depuis quelques
années, une maison d'Hôte qui a repris le nom des
"Bonnets Rouges".
La rue Mirebeau
prend la suite en continuité de la rue Bourbonnoux, elle
est située au pied du rempart, et il est possible de traverser
le rempart et de sortir rue Branly, par un escalier "casse
cou", très typique de ces passages piétons
du moyen âge.
Cette rue s'appelait "Vicus Infernus" qu'il est possible
de traduire par la rue de l'Enfer, car ce devait être un
lieu particulièrement dangereux
. Et à l'opposé,
lorsque l'on remonte l'escalier casse-cou, on arrive dans "la
rue de Paradis", tout un programme !
C'est une rue devenue piétonne dans
les années 1980, elle comporte de grandes et magnifiques
maisons en pan de bois. Certaines sont séparées
par un mur pare-feu, en pierre de taille. Ce mur fait suite à
la destruction par l'incendie de la Madeleine de 1487, de l'ensemble
des habitations, et lors des reconstructions qui ont suivies,
les architectes, prudents ont voulu mettre ces cloisons pour
éviter le retour de telles catastrophes.
La rue des Arènes, part de la place Planchat pour aller vers la
place de la Nation, sous laquelle se situait les arènes
gallo-romaines de Bourges. C'est une rue commerçante mais
moins encastrée que les deux précédentes,
même si elle est située en bas du rempart.
C'est du bas de cette rue que l'on peut voir la partie rempart
sur lequel est bâti le palais Jacques Cur.
Mais le nom des rues comporte toujours des mystères, et
une partie de cette rue des Arènes prendra pour nom "rue
de la Femme qui accouche"
. Tout simplement parce qu'une
sage-femme tenait boutique en cet endroit.
Les rues
sulfureuses de Bourges
C'est dans le quartier Bourbonnoux au pied
du chevet de la cathédrale que se trouvent un certain
nombre de petites rues, à la fois typiques et pour certains,
"sulfureuses". Toutes ces rues sont pavées comme
autrefois, sans trottoir, calme, avec peu de circulation automobile.
Elles sont peu connues, des berruyers comme des touristes.
Ces rues ont des noms mystérieux,
c'est la rue Mausecret, rue du Puits-Noir et enfin la rue
de l'Alchimie.
Il s'agit d'un quartier très ancien,
qui comprenait à la fois le quartier des juifs avec la
présence de la synagogue, et sans doute le quartier des
pratiques mystérieuses ou douteuses constituées
par la sorcellerie, la magie noire ou l'alchimie.
Ainsi, on trouve le nom de rue "Montsecret"
dès 1541, qui verra l'orthographe de son nom se modifier.
Pour certains érudits locaux, deux versions de cette rue
peuvent être apportées, soit "mon secret",
c'est à dire une rue qui comporte des éléments
inconnus, soit "mau secret" que l'on peut traduire
par "mauvais" secret, et on touche alors la magie noire.
Il en est de même de la rue du Puits-Noir,
qui était placée dans un foisonnement de maisons
mal alignées, de zones d'ombres, et de ruelles particulièrement
dangereuses. Ce n'est que très récemment que cette
rue a été en partie dégagée, elle
respire et voit enfin le soleil.
Le Puits-Noir, c'est tout à la fois l'athanor des alchimistes,
et le lieu où se récupère la "prima
matera", point de départ de la recherche de la pierre
philosophale.
D'où la rue de l'Alchimie située à
deux pas de là. Il existe en effet à Bourges une
rue de l'alchimie, ce qui est très rare, on en connaît
une autre
.. à Prague. Elle a ce nom depuis le début
du XVI e siècle, ce nom venant des expériences
d'un alchimiste célèbre, maître Goninus qui
défraya la chronique locale en 1522, par sa recherche
du "grand uvre" et une explosion mémorable
de sa cave
.qui fit trembler le quartier tout entier.
Il y a aussi une rue
des Juifs, ce qui ne cesse de surprendre le touriste
qui découvre en haut de la rue Bourbonnoux, presque en
face du chevet de la cathédrale, une ruelle étroite;
pavée et dans laquelle il hésite à s'engager.
Le nom provient de la présence dans cette rue et ce quartier,
au moyen âge d'une grande partie de la communauté
juive, et c'est ainsi que l'on retrouve une magnifique synagogue.
Ce qui est plus curieux, c'est que ce nom de "rue des Juifs"
ait subsisté, aussi bien pendant l'Occupation, qu'après
l'holocauste. C'est sans doute la rue de Bourges la plus représentative
de ce qu'étaient les rues du haut moyen âge.
Des rues
au passé surprenant
Autre rue, dans un tout autre régime
: la rue des Vertus va du quartier d'Auron jusqu'au parc
Saint Paul. Elle porte un nom inversement lié à
son utilisation au cours du moyen âge. En effet, comme
dans toutes les villes, il s'agissait d'un lieu comportant des
auberges que l'on peut qualifier comme Roger Richer, de mal-famée.
Vers 1650, le nom utilisé est des plus subjectifs, avec
pour nom "rue du Jardin du Vieux Bordel", ce qui a
le mérite d'être clair.
Et se serait par dérision qu'elle change ce nom infâme
en rue des Vertus
. Ce qui a du faire fuir les filles de
joie, pour un autre quartier de la ville.
En restant dans le même registre,
il n'est pas possible d'évoquer les vieilles rue de Bourges
sans un mot pour la rue de la "Cage Verte".
Ce nom provient comme souvent, de la présence d'une auberge
qui portait ce patronyme. On peut penser que ce lieu possédait
une cage à oiseaux peinte en vert par les propriétaires
à moins que ce ne soit l'enseigne que chacun pouvait
découvrir en passant dans cette rue. Cette voie était
surtout connue comme le chemin le plus classique pour aller du
palais du duc Jean ou de sa Saint Chapelle jusqu'à la
cathédrale. C'était le parcourt classique des chanoines,
et comme cette rue pavée n'était pas toujours bien
entretenue, de grandes orties poussaient au travers des joints
des pavés et de larges flaques d'eau apparaissaient lorsqu'il
pleuvait. Aussi, les chanoines parcourant cette rue, devaient
remonter leur soutanes pour ne pas les tacher
. Et se faisaient
piquer par les orties, et le nom de la rue devient "vicus
gratii cursi" que chacun peut traduire par "rue gratte-couilles"
tant le parcourt était dangereux pour certaines partie
de l'anatomie de ces hommes d'église.
Ainsi, si vous voulez voir Bourges autrement,
c'est à dire en dehors des circuits traditionnels, il
faut parcourir ces rues comme la rue Montcenoux, déboucher
sur la place Louis Lacombe, et poursuivre sur la rue Joyeuse.
C'est une structure de rues en pavées d'époque,
avec un mélange de maisons à colombage, et parfois
d'hôtels particuliers de l'époque classique.
La liste des noms des rues de Bourges depuis
1995 : cliquer ici
Et aussi la manière dont sont
donnés les noms des rues : cliquer
ici
PHOTOS : Rues
de Bourges