L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES
ECONOMIE
URBANISME
PATRIMOINE
CULTURE
POLITIQUE
ENVIRONNEMENT
HISTOIRE

L'HISTOIRE DE BOURGES 1919 - 1930
Par Roland NARBOUX

Bourges, la grande période de l'entre-deux-guerre en détail sur plus de 50 pages. Deux périodes traitées, de 1920 à 1925 puis de 1926 à 1930.

 RETOUR AU SOMMAIRE
 
 
RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL
Version 2009

 

1920 / 1925 Les années agitées

- Le virage du Congrès de Tours
- Laudier se met au travail : les dossiers municipaux
- Laudier perd son siège de député
- Les loisirs des berruyers
- La Foire Exposition
- L'Hôtel des Postes
- Le Palmarium
- La Grange des Dîmes et l'Eglise
- Henri Sellier, ministre Berrichon
- L'Office d'Habitations à Bon Marché (H.B.M.)
- Le Monument aux Morts
- Laudier réélu maire de Bourges

 

1926 / 1930 Grands travaux et grandes décisions

- Vers un Musée d'Histoire Naturelle
- Laudier le bâtisseur
- Le Plan d'embellissement
- L'Hôtel des Postes
- La bataille pour l'Aéroport
- Les Nouvelles Galeries flambent
- L'aventure des Prés-Fichaux
- Laudier et les mandats électoraux
- Laudier Sénateur-Maire
- L'Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles
- L'économie berruyère
- Sports et musiques


LES ANNEES AGITEES 1920 / 1925

1920, la France recherche les symboles ; elle exhume à Saint-Charles-les-Ypres le Soldat Inconnu alors que chacun s'interroge, plein d'espoir, sur la constitution de la Société des Nations dont la première séance se réunit en novembre.
En sport, la boxe est reine ; les Berrichons suivent avec attention les combats du grand Georges Carpentier. En octobre il devient champion du monde des mi-lourds. A La Guerche où il vient souvent se ressourcer, Carpentier fait figure de héros local.
Les loisirs s'organisent en Berry, comme le rappelle Roger Richet dans "Bourges au fil des ans" ; c'est en Avril 1920 qu'une Ecole Municipale de Musique est créée ; elle était alors située rue Edouard Branly. L'année suivante, cette Ecole deviendra "Nationale", une belle promotion pour ses animateurs : les frères Fernand et Armand Huret.
Mais l'après-guerre est avant tout une grande période de constructions. Pendant 4 ans, toute l'activité du pays avait été tournée vers l'industrie de guerre. A partir de la fin du conflit, les grands projets, souvent stoppés, vont être repris, et Laudier en plus, va mettre son imagination et sa rigueur de gestionnaire au service de sa ville de Bourges. Mais la politique ne sera pas absente des préoccupations de nos concitoyens.

 

L'ARBRE DE LA PAIX

Comme il manque de l'argent pour édifier des monuments aux morts dans toutes les communes, on cherche à honorer les poilus sous toutes les formes, et avec des aspects si possible symboliques.
Parmi les places de Bourges, la place Gordaine a toujours été au coeur de la ville. Déjà au temps de la réforme, la légende affirme que sur une pierre servant à la criée, Calvin alors étudiant à l'Université berruyère prononça, juché sur cette pierre, ses premiers sermons.

C'est donc place Gordaine que les représentants de la Municipalité et les Anciens Combattants vont rendre hommage aux morts de la dernière guerre. Ils choisissent de planter avec une grande solennité un arbre de la Paix. C'est un cèdre qui est choisi et le jour de la cérémonie est le 11 novembre de cette année 1920.
Tout ce que la ville compte de personnalités est présent à la "plantation" de ce "cèdre de la paix" comme on l'appelle. Laudier est là, ainsi que Foucrier qui va beaucoup se dépenser pour que l'on n'oublie pas les poilus qui se sont sacrifiés et parmi lesquels, se trouvait son fils.
Pierre Grosjean, qui fut Président du Mouciau, a assisté à cette cérémonie ; il racontait que l'on avait mis, au pied du cèdre, de la terre prise sur les champs de bataille.

L'arbre solidement planté, chacun va se séparer, et dans la nuit, des vandales vont venir scier le cèdre. Ce sera un énorme scandale, car ce fut perçu comme un sacrilège envers les morts. Beaucoup trouvèrent que c'était ignoble, mais surtout que cela représentait un bien mauvais présage.
Finalement, on laissera une racine et une petite branche dans le sol, et, miracle, au fil des années, un cèdre poussera et deviendra magnifique, il participera à la beauté de ce qui est une des plus belles place de Bourges.

 

LE VIRAGE DU CONGRES DE TOURS

Drôles de fêtes de Noël pour les socialistes en cette fin d'année 1920 : ils tiennent leur Congrès, le XVIIIe, dans la ville de Tours. Ils sont 250 délégués, représentant 178 000 adhérents, regroupés en 98 fédérations. Pendant tout l'été, les "21 conditions d'adhésion à la IIIe Internationale " ont été élaborées par Cachin et Frossard, ce sont les futurs communistes. A côté, ceux que l'on appelle déjà les "reconstructeurs" sont partisans de la signature, mais avec des réserves. Ils sont emmenés par Longuet et Faure. Enfin, les opposants rejettent les 21 conditions, ce sont les futurs "socialistes", regroupés autour de Sembat, Thomas et Blum. Ces derniers rejettent le "centralisme démocratique" et la "dictature du prolétariat". Après des débats très âpres, ils seront battus, assez largement. La motion Cachin-Frossard d'adhésion à la IIIe internationale est adoptée par 89 fédérations, c'est la création, selon le voeu d'un message de Zinoviev, "d'un vrai parti communiste".

C'est Emile Lerat qui représentera la Fédération du Cher. Il était berrichon, né à Brinon-sur-Sauldre en 1887, fils d'un jardinier qui n'avait pas d'attaches particulières avec le monde politique. Lerat, après son Certificat d'Etudes deviendra cordonnier. Claude Pennetier raconte que le petit Emile suivit, à La Chapelle-d'Angillon, les cours du soir donnés.... par le père d'Alain-Fournier. C'est peut-être la raison de cet amour de la poésie qu'il manifestera toute sa vie. De manière progressive, le petit cordonnier berrichon s'intéresse à la politique. Il devint socialiste et se préoccupa de diffuser ses idées dans le Sancerrois, une région assez imperméable à ces idées.....
Emile Lerat se présentera à diverses élections locales, mais sa candidature ne fut pas retenue pour les législatives de 1919. En juillet 1920, il se prononce sans aucune ambiguïté pour l'adhésion des socialistes à la "Troisième Internationale". Passant parfaitement bien auprès du monde rural, il était un bon orateur. C'est sans doute pour ces raisons qu'il se retrouve à la tribune de cet historique Congrès de Tours.

Au nom des socialistes du Cher, Lerat va "souligner l'aspiration croissante à un parti révolutionnaire au service des travailleurs et non à celui d'ambitions électorales". Sur les 31 mandats de la Fédération du Cher, il y en aura 24 pour la liste des révolutionnaires. Les minoritaires comme Laudier à Bourges ou Bodin à Vierzon, refuseront l'adhésion ; ce sont déjà des notables élus et respectés. Lerat dans l'Emancipateur, l'ancien journal de Laudier écrira :

" La propagande communiste doit être notre oeuvre et la Révolution socialiste notre but. Vive l'Internationale communiste, Vive le Berry révolutionnaire".
Ainsi commence pour la France et le Berry, la grande rupture idéologique qui durera pendant tout le XXe siècle entre les frères ennemis de la gauche.
Mais Laudier, à partir de 1919, s'est mis au travail dans sa mairie de Bourges, située juste en face de la cathédrale.

Terre de Luttes de Pigenet, Rygiel, Picard
Claude Pennetier : Le socialisme dans le Cher
Claude Pennetier : biographie des militants socialistes, communistes et syndicalistes

 

LAUDIER SE MET AU TRAVAIL

Les délibérations du conseil municipal sont publiques et un compte rendu de ce qui s'est dit est consigné par un Secrétaire de mairie. Il ne semble pas qu'avant Laudier, sauf dans l'année 1904, ce document important ait été publié. C'est une des premières actions du nouveau maire, en 1920 : il fait figurer au budget primitif de 1921, les crédits nécessaires à la rédaction et à l'impression du Bulletin Municipal.
Le premier Bulletin Municipal de Bourges, vendu au numéro et par abonnement annuel, est consacré à la séance du conseil municipal réunie le 13 décembre 1920 ; c'est la Maison Auxenfants qui est chargée de la publication. Depuis cette date, toutes les délibérations des conseils municipaux sont publiées. Il y avait une volonté d'expliquer et de "jouer la transparence" pour reprendre des termes actuels.


Parmi les premiers dossiers traités par Laudier figure le Statut du personnel communal, par application de la loi du 23 octobre 1919. Désormais l'effectif de la commune de Bourges est divisé en titulaires, stagiaires et auxiliaires, ils sont placés sous la surveillance du Secrétaire Général chargé de centraliser toutes les affaires et de transmettre aux chefs de service pour exécution, les décisions de la municipalité. En outre, ce statut classe le personnel en 6 catégories, de l'architecte au garde champêtre, en passant par le brigadier d'octroi, la sténo-dactylographe ou le chef paveur.
Sont prévus des articles sur l'avancement, la discipline, les congés. Sur ce dernier sujet, l'article 29 stipule :
"Il est accordé chaque année au personnel titulaire un congé de repos payé de 15 jours ouvrables. Les stagiaires et auxiliaires auront droit à un jour de congé par mois de présence".

L'échelle des traitements et les accidents de travail font aussi l'objet d'une longue explication. L'ensemble du statut est signé Henri Laudier, Député-Maire de Bourges, la date annexée est le 19 juin 1920.

Un second dossier se présente dès le 23 octobre 1920, c'est déjà "l'affaire des Prés-Fichaux". Le principe de la création d'un jardin public limité par le boulevard de la République, l'allée des Soupirs et le cours Beauvoir est adopté, reste à acquérir les terrains. Le 7 janvier 1921, une lettre est adressée à Mme de Bourbon, laquelle possède plusieurs parcelles de ce terrain. Cette dame n'ayant pas répondu elle-même à ce maire socialiste, c'est son notaire qui réclame un prix conforme à celui d'un terrain à bâtir ! Laudier n'est pas très content, il dira :
"Ces prétentions sont inacceptables, étant donné que les terrains sis au lieu dit Les Marais des Prés-Fichaux ne sont pas des terrains à bâtir, en raison de la nature du sous-sol; d'ailleurs il y a lieu tant au point de vue hygiène qu'au point de vue esthétique, de faire disparaître cet îlot insalubre et de le transformer en embellissant et assainissant à la fois, cette partie de la ville".

Laudier écrit à nouveau le 10 février à Mme de Bourbon pour trouver une solution à l'amiable. Quant aux parcelles appartenant aux hospices, il y en avait quelques unes, sur le terrain du futur jardin. Après discussion, l'acquisition est votée pour un prix de 125 000 francs. Ainsi commence cette aventure des Prés-Fichaux, elle va diviser les Berruyers pendant une décennie.

La vie communale à Bourges se poursuit avec des sujets d'importance fort différente. C'est la querelle de la dénomination des rues de la cité, ainsi, une proposition est faite pour donner le nom de "place du 11 novembre" à la place Cujas, le nom de "Cujas" étant donné lui, à une autre place actuellement appelée Mirpied. On s'étripa de belle manière, la politique s'en mêla avec le citoyen Guillot qui affirma :
" Le gouvernement bourgeois continue sa politique impérialiste. La guerre continue depuis deux ans en Russie, en Syrie, en Cilicie..etc "
Et ce fut le statu quo, le citoyen Cambon résumant la situation :
" Je suis opposé moi aussi à tous les changements de noms de rues, de places.... La question pourrait être je crois renvoyée en commission".
Ce qui fut fait!

Les sujets qui intéressent les Berruyers sont divers, ainsi, en mars 1921, une pétition est signée d'un certain nombre d'habitants de Lazenay demandant le vote d'une subvention pour l'installation de la lumière électrique. Et déjà en 1921, les problèmes de stationnement sont dans le collimateur des Berruyers. Le commissaire de police signale que le stationnement des camions automobiles près de l'école de Pignoux est un danger. Après accord avec l'autorité militaire, ils stationneront désormais chaussée de la Chappe.

LAUDIER PERD SON SIEGE DE DEPUTE

Alors que l'on prépare les Jeux Olympiques pour le mois de juillet 1924 - ils doivent se tenir à Paris - c'est à une autre confrontation que les hommes politiques français se préparent : les élections législatives du 11 mai 1924. Il s'agit de choisir les députés qui remplaceront la "Chambre bleu horizon" de 1919.
Ces élections se déroulent à la proportionnelle par arrondissement. Dans le Cher, pour l'arrondissement de Bourges, 4 listes sont en contact :
- la liste de Concentration Républicaine, emmenée par Foucrier et Massé.
- la liste du Bloc Ouvrier Paysan, d'obédience communiste avec le cordonnier Emile Lerat et un ajusteur : Gaston Cornavin.
- la liste d'Union Républicaine et Socialiste, avec deux des députés sortants : Henri Laudier et Marcel Plaisant. Cette liste comprend aussi Emile Perraudin, Pierre Valude et Gustave Vinatel.
Enfin dernière liste, celle d'Union Nationale Républicaine ; elle est conduite par Pierre Dubois.

La campagne électorale est terrible, c'est un affrontement entre les communistes et les socialistes de la S.F.I.O. Les communistes sont les hommes à battre, ils sont perçus par les gens du gouvernement comme des esprits malfaisants. On retrouve dans les notes de la Préfecture du Cher, en face du nom de Gaston Cornavin, trésorier de la Fédération communiste du Cher, ces phrases : "Exalté, ayant un mauvais esprit, est un propagandiste acharné du PC... un des principaux orateurs des tournées de propagande du PC." quant à Emile Lerat, son sort est encore plus vite règlé : "aucune valeur personnelle, peu intelligent". Ces derniers mots étaient signés du sous-préfet de Sancerre.

Le journal du Parti Communiste l'Emancipateur ne fait pas, lui non plus dans la dentelle, il écrit le 6 avril 1924 sur le député-maire de Bourges :
" Monsieur Laudier, dont le discrédit est déjà grand, vient de sombrer pour toujours dans la fange. Qu'attend le parti S.F.I.O. pour prononcer son exclusion ?".
Les arguments contre Laudier "le beau parleur" sont connus, il devient modéré, lui le révolutionnaire. Pour le PC, il y a eu manoeuvre, "à la grande satisfaction de certains fonctionnaires bien en cour à la Loge de Bourges, qui ont eu à certaines heures une attitude moins équivoque."
La Franc-Maçonnerie est présente dans la campagne. Dans un courrier des lecteurs, un catholique, comme il se nomme, écrit au journal : " Il ne serait pas sans intérêt de consulter les registres de la Loge de Bourges ; on y ferait des découvertes intéressantes ". La question d'alors était : " Charles Dumarçay sur la liste Foucrier, est-il Franc-Maçon ?".
Ainsi, Laudier sur la même liste que les radicaux et autres modérés, c'est à dire les Valude et autres Plaisant, "cela ne se faisait pas", il est traité de "grand renégat". A la fin du mois d'avril, c'est le point final de la campagne du P.C. avec ces mots :
"Mais Laudier, pour lequel nous avons lutté, et que nous avons sorti de la misère en l'élisant député ?"

Dans le journal, l'Avenir du Cher, le 20 avril 1924, Laudier , avec son équipe dévoile son programme. En fait, la liste comprend de fortes personnalités mais les articles qui se multiplient sont plus souvent signés de Plaisant qui évoque "le chemin vers la Paix définitive" que de Laudier qui semble beaucoup plus discret. Le Maire de Bourges préconise un allègement des charges militaires, la laïcité de l'école et de l'Etat, et la liberté de conscience. Il exige un enseignement accessible à tous les enfants du peuple sans aucune distinction que celles fondées sur l'intelligence et le travail. Il insiste aussi sur la liberté syndicale, la réforme fiscale, et enfin le développement des institutions de Crédit Agricole. On trouve aussi, dans le vocabulaire de Laudier et de ses amis, la référence à un "Programme Commun".....
Il y a 95 955 électeurs inscrits, et 80 680 votants. La liste Foucrier obtient 17000 voix, la droite classique de Dubois est en baisse à 12000, et les listes communistes d'un côté et socialo-radicales de l'autre arrivent dans un mouchoir de poche : 23 884 pour la première, 24724 pour la seconde. A la "moyenne de liste" sont élus, Massé, Perraudin et Cornavin, alors que Valude et Plaisant sont élus à "la plus forte moyenne".
Laudier a perdu son siège de député.
Ce système qu'il qualifiera de "représentation proportionnelle mensongère" ne lui a pas été favorable. Sur sa liste, il arrive derrière Plaisant, Perraudin et Valude, il a 201 voix de moins que son colistier, cela signifie qu'il a souffert de ratures. A Bourges, il n'a pas que des amis, même dans son propre camp.

Laudier sortira très dépité de ces élections. Il va dès lors se consacrer à sa ville. Il poursuit son action sur le plan politique et social, et il propose, au nom de la Commission des Finances de la Municipalité de voter une somme de 1000 francs pour une participation "à l'oeuvre humanitaire de secours aux populations affamées de Russie". Les informations sur la situation économique de ce premier pays dirigé par des communistes sont donc, dès le début des années 1920, largement connues en Berry. Laudier le socialiste n'oublie pas le chômage en France. Il fait aussi voter la même somme "en faveur des grévistes du Nord qui sont en lutte pour empêcher la réduction de leurs salaires.."
Sur le plan national, la gauche gagnera les élections, avec une coalition que l'on appellera "le cartel des gauches", un regroupement des radicaux, des socialistes S.F.I.O. et des républicains socialistes.

LES BERRUYERS A LA BELLE EPOQUE

Quelques chiffres relatifs à la ville de Bourges dans ces années permettent de comprendre les problèmes de cette époque. La population en 1921 est de 45 942, un chiffre strictement identique à celui de 1911. Cette même année, en mai 1921, il y a eu 6 mariages à Bourges, contre 30 l'année précédente, mais aussi 6 divorces, ce qui donne un "solde nul". Les naissances sont de 72, elles sont dites "légitimes" dans les comptes de l'administration contre 13 dites "illégitimes"..... A cette époque, les enfants naissaient chez eux, le chiffre est de 66 dans les maisons particulières contre 19 à la maternité, les décès enfin sont de 85, il y a donc là encore une balance nulle entre naissances et décès.
C'est aussi le temps des guinguettes avec les bals dans les Marais de Bourges. Les vieux Berruyers se souviennent avec une larme de nostalgie la belle époque où chacun allait le dimanche après-midi au coeur de Bourges dans ces marais mystérieux. Les guinguettes refusaient du monde, la Courcillière, le Caraqui ou le Moulin-Bastard, c'était le lieu rêvé pour la jeunesse berruyère de "s'éclater" comme on le dirait aujourd'hui. Les orchestres simples, comme "Caks'ton Jazz" ou plus complexes tel "The Hot Boy's Orchestra and P'tit Louy's Jazz" jouaient rue de Babylone ou au "Bon Accueil" de Fenestrelay.
En 1906, fut créé par Monsieur Renard un lieu original : Robinson. Entre l'Auron et le canal, au milieu des arbres et de la pelouse, furent édifiées des tonnelles, où chacun pouvait consommer et aussi danser. Mais le propriétaire était imaginatif. Il fit construire un bassin, et l'emplit de poissons, ainsi, ceux qui ne voulaient pas danser pouvaient... pêcher, et même consommer sur place la friture.


La danse est une des grandes activités de cette époque, il n'y avait pas de télévision, et les Berruyers "sortaient" de chez eux. Les bals, à la mauvaise saison se déroulaient au Palmarium, qui était véritablement la salle "à tout faire", alors que "Le Salon de la Victoire", près de la place de la Nation, très récemment rénové, attirait les danseurs qui s'en allaient "chez Lesage" comme chacun se le disait.....

Les loisirs, c'est aussi le cinéma, et parmi les grands films qu'il est possible de voir en Berry figure "Pêcheur d'Islande", d'après l'oeuvre de Pierre Loti. Le Grand Palais à Bourges donne aussi dans les soirées de gala avec en mai 1925, "La Course Infernale" interprétée par Réginald Denny, alors que l'entracte est occupée par une attraction : les "Edouard's" qui sont des acrobates. Les Berruyers reçoivent aussi les tournées, et le premier comique du théâtre de Cluny, à Paris se nomme Léo-Rivière, il est en terre berrichonne dans une pièce intitulée "Nous avons tous fait ça...". Le public se bouscule à ces spectacles.

Le sport à Bourges, c'est le rugby et le football, mais les Berruyers vont souvent, le dimanche, acclamer "au Tivoli" les coureurs cyclistes. Sur la célèbre piste de ciment, un des "as" de l'époque, Choury, va être opposé aux frères Narcy, les gloires locales dans le domaine du vélo. C'est en effet dans ces années que les 6 jours de Paris deviennent la grande manifestation sportive du pays. Choury arrive de ces 6 jours, "et ce sera une grande bataille.... elle se déroulera dans une américaine de 80 kilomètres, reste à savoir si les coriaces frangins se laisseront faire sans murmurer, on peut bien dire que non". Tels sont les commentaires de la presse locale, qui est assez peu sportive, si l'on considère la place consacrée au sport local ou national.

Le XXe siècle sera sans aucun doute celui de l'automobile. A Bourges, dès le début des années 1920, la question de la vitesse de ce véhicule est à l'ordre du jour du Conseil Municipal. Un conseiller s'exprime par l'invective : "Il faut prendre un arrêté sur la vitesse excessive". Et de proposer quelques solutions. Le Maire répond calmement, il est impuissant car, dit-il : "Il n'est pas possible de mettre partout des agents de police pour stopper les automobiles, mais on pourrait peut-être verbaliser ! " Et chacun, de donner son avis sur ce problème avec maints détails. Ainsi, il apparaît que sur la partie goudronnée de la rue Barbès, où ça roule très bien, les voitures font du 80 à 100 à l'heure, il faut limiter la vitesse à 25 ou 40 à l'heure, car "aujourd'hui, ce sont les chiens et les chats que l'on écrase", signale un conseiller, "après ce sera le tour des enfants, car les rues des faubourgs sont très populeuses", et il n'est pas question de doubler le nombre d'agents.
En fait, la vitesse règlementaire, vers 1920 est de 14 kilomètres à l'heure, et nul n'applique une telle vitesse. Pourtant la voiture est de plus en plus présente dans les conversations des Berruyers.
A Bourges, il était donc possible de se distraire, sans que cela ne coûta trop cher, alors que la municipalité commençait à organiser des loisirs à grande échelle. Ce sera l'étude des dossiers sur la Foire Exposition. Pour la première fois, une foire aux automobiles est organisée à la Halle, entre le 3 et le 6 juillet 1920.

Marais et Moulins de Bourges de Robert Chaton

LA FOIRE EXPOSITION DE 1920

Cette manifestation se déroulera dans une Halle au blé aménagée d'une décoration sobre, avec, toutefois, des drapeaux tricolores et des oriflammes aux couleurs du Berry. A l'intérieur du hall central, des sapins avaient été placés : "un ornement de bon goût sans grand apparat".

La suite dans l'article FOIRE : CLIQUER ICI

L'HÔTEL DES POSTES

La municipalité Laudier va se lancer, en plus des Prés-Fichaux, dans d'autres travaux ; ce sera le cas pour l'Hôtel des Postes. Ce bâtiment administratif avait été commencé quelques mois avant la guerre, mais le chantier fut abandonné à la mi-1914, il y avait d'autres priorités. Laudier et son architecte Tarlier vont se battre contre le Ministère afin de faire réviser le marché : les conditions financières d'avant 14 n'étaient plus les mêmes dans les années 1920.

La ville de Bourges avait cédé gratuitement à l'Etat un terrain de 1764 mètres carrés, limité par la cour de la bibliothèque, la rue de la Monnaie, la rue Moyenne, la rue Michel de Bourges, et le plan est en date du 17 octobre 1912. Par la suite, la Ville avait accepté de participer à l'opération de construction pour une somme de 30 000 francs, le tout devant être payé en 1914, 1915 et 1916. Dans l'article 3 de l'accord, il était écrit :
"Sur le terrain cédé, l'Etat fera construire à ses frais, un Hôtel destiné aux services de la Poste, du Télégraphe et du Téléphone. Les constructions seront édifiées selon les plans du 20 avril 1913".

Mais nous sommes en 1920 et le Sous-Secrétariat d'Etat des Postes et des Télégraphes, après avoir ouvert à nouveau le dossier, demande une modification de l'édifice, ce que Laudier ne veut pas ; mais surtout, il demande que la contribution de la ville de Bourges passe à 390 000 francs, afin de poursuivre les travaux. Cette dernière exigence est tout aussi inacceptable pour la Municipalité. Laudier fait alors voter un texte par son conseil municipal, compte tenu du refus du Ministère de poursuivre les travaux tant que la ville de Bourges n'aura pas accepté l'augmentation de sa participation. Ce vote s'effectue sur le texte suivant :
" La ville de Bourges, respectant les termes de la convention sus-visée, refuse toute nouvelle participation pour la construction de l'Hôtel des Postes de Bourges, avant qu'une conférence ait été tenue entre les représentants de la Ville et de l'Etat..."
Suivent les mots courants à cette époque comme aujourd'hui : "Le Ministre des Finances serre les cordons de la bourse et impose à ses contrôleurs de n'autoriser aucun engagement de la part de l'Etat." Le Conseil adopte ce point de vue à l'unanimité.
Il faudra attendre l'automne, et très précisément le 26 septembre 1921 pour que Laudier reçoive une lettre signée du Ministre des finances, Paul Doumer. Ce futur Président de la République explique qu'un nouvel examen a été fait avec l'administration des postes et "dans ces conditions, je n'insiste pas, écrit le ministre, pour obtenir un supplément de subvention de la part de la ville." Mais il poursuit avec une phrase équivoque : " je me plais toutefois à espérer que la municipalité acceptera de plein gré de prendre sa part dans le surcroît de charges que la hausse des prix née de la guerre a occasionné à l'Etat".

Chacun pouvait espérer que les travaux allaient être menés avec célérité. Il n'en fut rien. Le 28 avril 1922, le maire écrit à M. le Sous-Secrétaire d'Etat des P.T.T. une lettre très offensive, dans laquelle il souligne : "Je ne comprends pas le retard systématique apporté par votre administration.... depuis un an, la maçonnerie est terminée, elle attend sa charpente et sa couverture". Et Laudier fait dans l'humour, avec ces mots délicieux : "Je ne voudrais pas être désobligeant pour ceux de vos collaborateurs mieux abrités rue de Grenelle, mais vous reconnaîtrez que je suis autorisé à dire qu'ils ont peu de considération pour ceux de leurs collègues moins fortunés".
Le conseil municipal est unanime derrière son maire, et chacun de considérer que l'administration locale des P.T.T. ne peut pas continuer à travailler dans les baraquements de bois dans lesquels ils sont hébergés.

On retrouve cette constante dans les rapports entre le pouvoir local et celui de Paris. Laudier sera toujours plus enclin à travailler sur le terrain berruyer que de pavaner à Paris ; c'est aussi une des raisons pour laquelle il ne sera jamais ministre, ce n'est toutefois pas la seule......

C'est à cette même époque que se construit d'une manière beaucoup plus originale, la Bourse du Travail. Les syndicalistes d'alors décident d'ériger dans la cour de la place Malus un bâtiment qui servirait de lieu de réunion et de rencontre pour le monde ouvrier. En 27 jours, du 2 au 29 septembre 1923, la Bourse du Travail de Bourges est érigée ; ce sont les militants communistes et syndicaux qui se sont chargés, soir après soir, d'édifier les murs, la charpente et les intérieurs : après leur journée de travail en usine, ils venaient, à titre bénévole construire "leur" Maison.
Le 29 septembre, l'inauguration se déroule avec la présence de Venise Gosnat et de Pierre Hervier qui fut le fondateur de la première Bourse du Travail en 1897. Ce jour-là, ils sont plus de 2000 militants à venir admirer l'oeuvre, sous les accents d'un spectacle donné par "la Prolétarienne". Quelques jours plus tard, se déroulera à Bourges le premier Congrès de la C.G.T.U., il sera placé sous le signe de l'Unité ; et parmi les congressistes, se trouvera un jeune délégué des mineurs du Nord, il s'exprime pour la première fois devant ce type d'assemblée, son nom : Maurice Thorez.

 

LE PALMARIUM

Dans le programme électoral de Laudier, il y avait la recherche d'un Parc des Sports pour développer l'éducation physique, "il est nécessaire de posséder des muscles vigoureux, d'avoir une santé florissante, d'habituer l'organisme à résister aux intempéries..." Et la municipalité recherche un terrain.
Mais il n'y a pas que le sport dans les objectifs de Laudier et de ses amis. Ainsi, on peut suivre sur le plan culturel, un long plaidoyer de M. Boyron, un des conseillers municipaux de 1924, il dit :
" Il est indispensable de réveiller aussi le sentiment du Beau, d'apprendre à connaître et apprécier les oeuvres d'art, qu'elles soient du domaine littéraire, artistique ou musical".

Et Laudier de faire le point des salles disponibles. Hormis le Théâtre jugé trop étroit, il n'y a rien, que ce soit pour des raisons de grandeur ou d'acoustique. Il faut donc une salle des fêtes, vaste et bien agencée, d'autant plus que la création d'une Ecole de Musique permettra d'organiser des concerts.
L'établissement connu sous le nom de "Palmarium" a été mis en vente le 25 mai 1921 par l'étude de Maître Paillart, et il n'y a pas d'acquéreur ; le prix demandé est de 100 000 francs. Et après de solides et savants calculs, l'architecte de la ville a donné son avis. Il est possible d'acquérir le "Palmarium" pour une somme de 105 000 francs, "c'est une occasion unique de doter la ville d'un immeuble parfaitement situé nous permettant, dans un avenir proche, de réaliser une Salle des Fêtes digne de notre ville. Nous ne pouvons pas hésiter". telles sont les paroles du Maire.

Après une enquête ouverte sur l'acquisition par la ville de cet immeuble "Palmarium", et n'ayant donné lieu à aucune observation, le "Commissaire enquêteur" est favorable à cet achat qui est donc entériné le 24 septembre 1921.

LA GRANGE DES DÎMES ET L'EGLISE

A la suite de la loi de Séparation entre l'Eglise et l'Etat, la Grange des Dîmes, cette magnifique bâtisse située en face du portail Nord de la Cathédrale avait été dévolue à la ville de Bourges : l'Archevêque avait dû se soumettre. Il avait été convenu que l'archevêché paierait une redevance pour "reprendre jouissance" de cet immeuble.
Un accord sera signé par Laudier et le chanoine Lamoureux en date du 15 octobre 1921, dans cet accord, le chanoine reçoit le premier étage pour faire le catéchisme, moyennant un loyer, alors que le rez-de-chaussée, qui fut utilisé pour le ravitaillement, reviendra en totalité à la municipalité. Cela s'appelle une cohabitation... et 70 ans plus tard, on reparlera de la destination de la Grange des Dîmes.

Le diocèse de Bourges avait "digéré" la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat, la guerre avait apaisée les passions. Comme toutes les institutions, l'Eglise s'était rangée dans le camp de l'Union Sacrée. Le nouvel évêque, Dubois, qui avait succédé à Mgr Servonnet, visitait les blessés dans les hôpitaux, organisait le comité qui travaillait à la recherche des prisonniers ou disparus, et surtout, il multipliait les prières dans les Eglises. Si 275 prêtres furent mobilisés, la crise des vocations se poursuivait et Bourges avec le conflit redécouvrait son clergé, il arrêtait ses mesquineries contre la République qu'il admettait enfin et jouissait alors de la sympathie de la population.

Mgr Dubois quitte Bourges en 1916, il est remplacé par Mgr Izart, un homme venant du Languedoc. Ce nouvel évêque est un traditionnaliste, très attaché à la gloire de l'Eglise. Il va beaucoup s'intéresser à la canonisation de Jeanne de France, puis à celle de Jeanne d'Arc. La théologie est son point fort, et dans une cité ouvrière comme Bourges, il y a comme un fossé entre l'évêque et ses ouailles. Politiquement, Mgr Izart est situé très à droite, dans la mouvance de l'Action Française. Il est hostile à toute proposition dans le domaine social. Comme l'écrit Guy Devailly, que l'on peut taxer d'auteur catholique :
"Mgr Izart n'apprécie pas que son clergé se lance dans l'action sociale. Il est bien vu d'un certain nombre de notables traditionnels, mais avec l'âge, ces tendances s'accentuent et contribuent à l'isoler, tant au milieu de l'épiscopat français qu'à l'intérieur de son diocèse; son administration se relâche et, dans certains secteurs, il tolère des situations lamentables, sinon scandaleuses".
Ces mots sont écrits par un fervent catholique, les réactions des anti-cléricaux .... ne sont pas publiables !

A cette époque, les aspects religieux ne font pas la "une" des journaux, d'autres préoccupations sont, semble-t-il, plus essentielles, c'est le cas des logements. Dans ce domaine des problèmes de construction et de logement deux hommes ont pris à bras le corps le moyen de résoudre le manque d'habitations. Le premier se nommait Loucheur, sa loi est connue de bien des locataires, le second est Henri Sellier, c'est un Berruyer.

Le diocèse de Bourges par Devailly

 

HENRI SELLIER, LE MINISTRE BERRICHON

Henri Sellier naît à Bourges le 22 décembre 1883 ; son père est ouvrier aux Etablissements Militaires.
Il s'en va très vite à Paris pour suivre des études de haut niveau. Il réussit parfaitement à H.E.C. avant de faire son Droit. Il est boursier, car il n'y a pas beaucoup d'argent dans la famille. En 1898, il s'inscrit au Parti Socialiste Révolutionnaire d'Edouart Vaillant, un autre Berrichon.
Son circuit professionnel commence dans la banque où il devient employé, avant d'entrer au Ministère du Travail comme rédacteur. La politique au début du siècle le passionne. Il n'oublie pas son département du Cher et oeuvre en 1905 pour la réunification des familles socialistes alors divisées.
L'année où Laudier prend la mairie de Bourges, Sellier, lui, s'empare de celle de Suresnes. En 1920, il choisit le camp des "reconstructeurs" et suit la majorité S.F.I.C. après le Congrès de Tours ; il devient donc Communiste. Ce n'est qu'en août 1924 qu'il revient à la "Maison S.F.I.O." ; quelques années plus tard, il devient Président du Conseil Général, puis Sénateur de la Seine.

C'est dans le domaine de l'urbanisme qu'Henri Sellier montre toute sa compétence. Dès 1916, il est administrateur de l'OPHBM de la Seine et il constitue autour de lui une équipe comprenant des architectes et autres hommes de l'Art. Il acquiert des terrains pour construire plus tard des cités-jardins. Henri Sellier anime alors plusieurs Offices et autres organismes d'habitations. En 1920, il est secrétaire de l'Union Nationale des organismes d'habitations à loyers modérés. Sa thèse principale date de 1921 ; il publie en effet "la crise du logement et l'intervention publique en matière d'habitat populaire", puis devient le fondateur de l'Association Française pour l'urbanisme.

Son oeuvre restera dans l'histoire celle de la création des cités-jardins, qui seront des pôles d'attraction résidentiels implantés en fonction du marché du travail. Les cités-jardins constituent des ensembles urbains dans lesquels on réunit des groupes d'individus avec leur famille afin de créér de toutes pièces une cité. Il s'agit de régénérer le tissu urbain. Henri Sellier écrira :

" L'urbanisme social se doit d'organiser un meilleur aménagement de l'humanité, vers un niveau de lumière, de joie et de santé, un meilleur rendement économique car il y a urgence à défendre la race dans tous les domaines contre la certitude de dégénérescence et de destruction que les lamentables statistiques de la natalité, maladie, mort, laissent apparaître : 18 % de la perte du revenu national est due à la maladie".

Dans son action, Sellier cherchera aussi à "redresser les mentalités". Il va appliquer des règles sociales et des grilles de sélection "des candidats" au logement. Le service social de l'OPHBM se chargera de mesurer par exemple le taux de rotation des habitants d'une cité pour évaluer la stabilité et rectifier les écarts avec les normes. Dans l'entre-deux guerres, Sellier sera à l'origine de onze cités-jardins créées autour de Paris.

Cet homme sera un militant de l'urbanisme "à visage humain" et à Bourges, il viendra éclairer de ses conseils les socialistes locaux, dont Laudier.

Sur le plan politique, Henri Sellier militera le reste de sa vie à la S.F.I.O., et il sera ministre de la Santé de 1934 à 1937 ; il ne prendra pas part au vote pour la déchéance des députés communistes ni au vote donnant les pleins pouvoirs à Pétain. Il meurt le 23 novembre 1943, alors que deux ans auparavant, le gouvernement Pétain l'avait révoqué de son poste de maire, la ville de Bourges a donné son nom à une des rues du centre-ville.

 

L'OFFICE D'HABITATIONS A BON MARCHE

Une des oeuvres essentielles de la municipalité Laudier se concrétisera dans le domaine du logement. La crise du logement à Bourges depuis la fin de la guerre est des plus aiguë. Les causes sont diverses. C'est d'abord le fait que depuis une dizaine d'années, pas ou peu de logements ont été construits ; ensuite, de nombreuses personnes ayant quitté Bourges pour retourner dans leur ville d'origine - situées dans le Nord ou l'Est - conservent à Bourges le logement qu'elles ont occupé pendant le conflit. Enfin, comme le rappelle Laudier le 23 octobre 1920, " beaucoup de nos concitoyens qui s'étaient gênés au possible pendant la guerre, pour faire place aux passagers, ont tenu à reprendre leurs aises dès la guerre terminée".
Pour lutter contre ce manque de logements, Henri Laudier envisage la création d'un Office public d'Habitations à Bon Marché. Il s'agit de l'ancêtre de nos H.L.M. ; on les appellera les H.B.M., Habitations à Bon Marché. C'est un établissement public placé par exemple, auprès d'une commune, et chargé de l'aménagement et de la création de maisons, mais aussi de l'aménagement extérieur, nous dirions d'environnement, avec, par exemple, les cités-jardins et jardins ouvriers.

Le décret du Président de la République, Alexandre Millerand, signé à Fez le 12 avril 1922 stipule dans ses articles :
" Il est créé un Office public d'habitations à bon marché pour la ville de Bourges (Cher).
Sont approuvées les délibérations du conseil municipal de Bourges."

La gestion est assurée par un Conseil d'Administration de 18 membres et d'un bureau de 6 membres. Le conseil municipal délibère et vote la demande de cette création, et, en cas de réponse positive, il vote une première dotation en numéraire de 10 000 francs, ainsi qu'une subvention annuelle de 1000 francs.
L'acceptation de cet Office est confirmé dans les semaines suivantes, et le Conseil d'Administration se réunit le 22 septembre 1922 à 16 heures pour la première fois. Le Conseil procède à l'élection du bureau : Laudier est élu Président, Durand est Vice-Président, et le Docteur Matet occupe la fonction de Secrétaire. Dès cette première séance, le but de l'office est défini : "c'est d'acquérir et de construire des habitations conformes aux règles d'hygiène et au confort moderne, d'en rester propriétaire et d'en assurer la gérance et la jouissance au mieux des intérêts de la collectivité".
Dès la fin de l'année 1922, les premiers terrains sont acquis par l'O.P. d'HBM ; ce sont 423 mètres carrés à l'angle de la route de La Charité et de celle de Saint-Michel-de-Volangis ; sur cette surface, 8 à 10 logements pourraient être construits.

Comme le rappellera Roger Richet, les H.B.M. avaient leur siège au 45 de la rue Moyenne, adossé à l'actuelle perception ; il y avait là un directeur, Louis Martin, et un comptable, Robert Filleux, qui deviendra à son tour directeur quelques années plus tard. Les H.B.M. seront les maisons du boulevard Auger, côté des numéros impairs, puis celles du côté pair, enfin la cité de l'Aéroport, sur laquelle nous reviendrons et plus tard encore, les constructions du Beugnon et du Moulon.

Au cours d'une séance du Conseil d'Administration en date du 12 septembre 1923, Henri Laudier présente Monsieur Henri Sellier, alors secrétaire général de la Fédération des Offices publics d'H.B.M., qui est venu à Bourges "prodiguer ses conseils éclairés et aider au bon fonctionnement de l'Office local", comme le dira le Maire dans un propos d'accueil. En effet, Henri Sellier explique la méthode à suivre pour réunir les moyens financiers ainsi que des éléments précis nécessaires à la constitution des dossiers.
Il y a donc d'importants besoins en logements, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. La rénovation des anciens quartiers est d'un coût fort élevé. Pourtant la population de Bourges reste relativement constante, si l'on excepte la guerre de 1914 -1918. En 1921, il y avait 45 942 habitants et 45 067 en 1926 ; c'est sensiblement le même chiffre qu'au début du siècle ( 43 587 en 1896, 46 551 en 1901 et 44 133 en 1906). Il est même possible d'affirmer que durant quarante ans, la population de Bourges est restée très stable. L'expansion démographique, comme me l'a souligné Philippe Goldman, ne commencera qu'à partir de 1931.

Le problème du logement à Bourges sera constant pendant tout le siècle. Avec la circulation automobile et ses conséquences, il utilisera beaucoup d'énergie, laissant de côté les aspects économiques de la cité.
On cherchait à loger les vivants, sans négliger toutefois, la dernière demeure des disparus.

LE MONUMENT AUX MORTS DE BOURGES

Après la guerre, entre les morts du conflit et ceux emportés par la grippe espagnole, on se préoccupa des cimetières de la Ville et de leur extension. Le cimetière Saint-Lazare ne comprenait que la partie basse, et depuis 1871, un projet d'extension avait été étudié. Ce n'est qu'à partir de 1908 que ce projet commença à se réaliser. Pendant la période de 1914 à 1918 , il fut effectivement agrandit avec 8 massifs et 1284 fosses pour l'inhumation des militaires français, alors que 56 fosses étaient nécessaires pour les soldats allemands. Il est à noter qu'une espionne repose à Saint-Lazare, dans une fosse isolée : il s'agit de Ottlie Woss, fusillée à Bourges en 1915 à la suite de la condamnation par le Conseil de Guerre..
L'autre cimetière berruyer créé dans la première partie du XXe siècle est celui du Lautier, avec un "t" et non un "d" ; il était à la sortie sud de Bourges, sur la route d'Issoudun. Le projet remontait à 1907, et l'année suivante, après l'acquisition des terrains, les premières fosses étaient creusées. Avec le plus ancien cimetière de Bourges, celui des Capucins, remarquable au plan artistique et historique, en 1920, la ville de Bourges possédait trois grands cimetières.

Comme toutes les communes de France, Bourges n'était pas disposée à oublier les morts de la Guerre de 14, ces valeureux Poilus qui se sont ou ont été sacrifiés. Dans tout le pays "fleurissent" des Monuments aux Morts, et Bourges n'échappe pas à cette règle.
Dès 1919, un comité se forme pour l'érection d'un Monument. Le Président en est Jean Foucrier, il pleure son fils. Ce comité est chargé de recueillir de l'argent. En cette période, pour honorer leurs morts, les Berruyers ne se font pas prier, ni le conseil municipal qui vote, sous l'impulsion de Laudier, une subvention d'une valeur de 500 000 francs.

La recherche d'un sculpteur ne sera pas facile, mais un homme se détache ; c'est un artiste né à Saint-Amand ; il commence à avoir plusieurs commandes de la part des communes du Cher. C'est cet homme, Emile Popineau qui est choisi.
Le monument est important, en pierre taillée ; il représente des "Poilus", dont l'un, placé à droite, semble "satisfaire un besoin naturel" ; Popineau était-il un grand réaliste ou un humoriste ? nul ne sait. Le choix du lieu ne posera aucun problème... dans un premier temps, l'oeuvre est placée en face de l'Abbaye Saint-Ambroix, juste devant ce qui deviendra dix ans plus tard, le Jardin des Prés-Fichaux. A cet emplacement, aujourd'hui, a été placée une table d'orientation.
L'inauguration du Monument aux Morts va se dérouler dans toute la solennité dûe aux victimes de la guerre, le 29 mars 1925. L'ensemble de la population sera présente.

Depuis cette date, le Monument de Popineau a été déplacé, car le sol était mouvant, compte tenu de la proximité des marais ; et la pierre, c'est lourd ! Mauvais présage diront certains. En final c'est pierre par pierre que les poilus de pierre seront déplacés de 50 mètres dans ce qui est aujourd'hui le prolongement de l'avenue Henri Laudier, face à la gare.

LAUDIER REELU MAIRE DE BOURGES

Après la défaite de 1924 aux élections législatives, il n'était pas évident pour Laudier, un an plus tard, de rester premier magistrat de la ville. Souvent, la défaite appelle la défaite.

Laudier se présente avec une liste dite "d'Union Républicaine et Socialiste" ; elle comprend Louis Vatan, le Franc-Maçon, en second sur la liste, mais aussi Georges Lamy, Auguste Demmer, le Docteur Jules Fauconneau et Sylvain Pichonnat. Le Maire sortant est opposé à deux autres listes :
- Celle conduite par Dumarçay "père" : elle est de droite et comprend de fortes personnalités comme Achille Chédin, chef d'entreprise d'une fabrique de toiles cirées, Raymond Magdalena, le "patron" de Rosières, Rémy Lice ou Georges Tavernier.
- Celle du parti Communiste, emmenée par Maurice Boin. La liste des personnalités communistes est impressionnante, il y a Venise Gosnat, Gaston Cornavin, Auguste Virmot, Pierre Hervier, des noms caractéristiques et importants de la gauche de l'entre-deux-guerres.

La campagne électorale est assez calme, et à Bourges comme ailleurs, les listes placées sous le patronage "du Cartel des Gauches" sont rares. On ne veut pas effaroucher l'électeur, le combat est bien de type Gauche-Droite. Parmi la nombreuse littérature de cette période de mai 1925, retenons cette lettre publique de la liste Dumarçay à propos du programme de Laudier, largement diffusé dans la presse :
"...Le rapport d'activité municipale est une avalanche de chiffres et de détails, aussi oiseux que fastidieux ; ils noient à dessein, les questions gênantes.
La taxe fameuse de balayage, dont l'impopularité égale à Bourges, la popularité spéciale de la balayeuse, le centime additionnel passé de 96 à 245, procède de la même "haute incompétence"... Le programme futur et mirifique ignore les basses contingences des nombreux centimes, droits.... sur lesquels le Grand Ordonnateur et seul Autocrate, que vous êtes, M. Laudier, laissera tomber un coup d'oeil aussi distant que dédaigneux.... Le Roi Laudier dit simplement, voici la carte, payez!"

Les attaques fusent de toute part, et il est reproché au maire de renier l'étiquette Cartel des Gauches, et de se "camoufler" derrière les mots "Républicains" et "Union". De plus, Dumarçay, qui a l'électorat catholique avec lui, signale que "M Laudier et son pieux acolyte Vatan se vantent de leurs complaisances religieuses" alors qu'ils ont fait enlever les Christ de l'Hôtel-Dieu......

Les réponses de Laudier sont de la même veine, avec cette fois encore, la Franc-Maçonnerie au premier plan des préoccupations. Le maire de Bourges, dans une lettre publiée par La Dépêche du Berry le 2 mai 1925, accuse Dumarçay de reniements. Il lui est reproché d'avoir demandé et obtenu son admission dans la Loge Maçonnique ; puis, après avoir obtenu ce qu'il voulait, Dumarçay avait quitté l'ordre. Les Francs-Maçons ne lui avaient pas pardonné, il est traité de "franc-maçon éphémère", puis de "radical-socialiste honteux et repenti" ; Laudier s'en donne à coeur joie, et rappelle que lui, "Laudier, est membre du Parti Socialiste depuis 1895, et "j'en suis fier" ajoute-t-il en concluant par ces mots : "je n'ai jamais varié dans mes opinions. Pouvez-vous jeter un même regard sur un aussi long passé d'attachement et de fidélité à un même idéal ?" Ces paroles datent de 1925. Le parcours politique de Laudier ne sera pas plus droit que celui de Dumarçay, les reniements seront aussi son lot.
Le premier tour des élections donnera une large victoire à la liste Laudier, devant celle de Boin, avec 1000 voix d'avance en moyenne, alors que la liste de Droite est balayée ; elle a 2000 voix de moins que les socialistes, il y a alors 11 840 inscrits. Le second tour est sans surprise, tous les membres de la liste Laudier sont élus. Laudier avait obtenu le plus de suffrages au premier tour, avec 4518 voix il devançait des colistiers de 200 voix ; mais au second tour, il n'arrivera qu'en 24e position, ce qui signifie qu'il a été beaucoup "rayé". En fait, il a la confiance totale de son camp, mais les électeurs de droite qui se sont portés sur les socialistes pour empêcher les communistes d'accéder à la mairie, faisant ainsi monter les chiffres de 4000 à 6000, se méfient de Laudier qui prend trop d'importance et pourrait bien être indéracinable.

Lors de la première réunion du Conseil Municipal, Laudier est réélu maire par 31 voix sur 32, alors que Louis Vatan, Franc-Maçon connu, devient premier adjoint et Georges Lamy second adjoint. Dans son discours traditionnel après son installation, Laudier signale que le scrutin passé signifie que tous les engagements de 1919 ont été respectés, puis il fait l'éloge du citoyen Louis Vatan, "d'esprit droit, un peu rigide" qui accomplit en toute circonstance son devoir avec une "inflexible rigueur". Enfin, Laudier termine par un encouragement envers ses 31 collègues pour qu'ils restent unis et "travaillent avec une même volonté, d'un même coeur au bien de notre chère Ville de Bourges .... Vive la République laïque, démocratique et sociale".

 

Bulletin Municipal Officiel 1925
Dépêche du Berry d'Avril et Mai 1925
Archives Grand Orient de France


GRANDS TRAVAUX ET GRANDES DECISIONS 1926 / 1930

Vers un Musée d'Histoire Naturelle
Laudier le bâtisseur
L'Hôtel des Postes
La bataille pour l'Aéroport
Les Nouvelles Galeries flambent
L'aventure des Prés-Fichaux
Laudier et les mandats électoraux
Laudier Sénateur-Maire
L'Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles
Le Plan d'aménagement de la Ville de Bourges
L'économie Berruyère
Sports et musiques

 

1926, la France se lance dans le "Charleston" ; il fait fureur dans les dancing de la capitale alors que de fins connaisseurs pleurent un des grands du Music-Hall : Louis Benech est mort, on lui doit "L'Hirondelle des faubourgs", "Riquita" ou encore les célèbres "Nuits de Chine". Le cinéma propose l'adaptation de Nana, un film de Jean Renoir que les Berruyers vont aller voir à l'Alhambra.
Les années folles commencent, ce sera à la fois l'insouciance... et la valse des ministères. Herriot, Doumergue ou Poincaré se disputent la charge du gouvernement. Outre-Rhin, un petit homme moustachu domine un congrès du parti national-socialisme. Pour la première fois, le 4 juillet 1926, la presse parle d'un certain Adolf Hitler.
A Bourges, le chansonnier Jean Rameau abandonne la rue Mirebeau et se retire dans l'Indre, tandis que la statue de Louis XI s'offre un nouveau voyage, elle quitte la Place Berry pour aller près de la Poste en cours d'édification. Car cette période est celle des grandes décisions et des grandes constructions. Pour cela, Laudier saura s'entourer de fortes personnalités, comme Mgr Foucher qui devient le Directeur du Muséum de Bourges, l'histoire du libre-penseur et du monseigneur.

VERS UN MUSEE D'HISTOIRE NATURELLE : CLIQUER ICI


LAUDIER LE BATISSEUR

Un des grands mérites de Laudier, ce fut d'être concret. Il va appliquer scrupuleusement un plan d'ensemble qu'il avait en permanence à l'esprit. Mais il voit plus loin ; en juillet 1923, il décide de faire étudier par ses chefs de services, des enquêtes sur plusieurs villes du pays ; c'est ainsi que sur la voirie, il reçoit un rapport sur la ville de Roanne, "cette ville d'une population équivalente à celle de Bourges est une cité industrielle". Les rapports se succèdent avec Lyon , Saint Etienne et quelques autres cités.
Son objectif est de permettre à Bourges de devenir une grande cité. Robert Verglas rapporte qu'en 1919, la ville, après la poussée démographique énorme due à la guerre, riquait de connaître un tassement grave de son activité générale et de retrouver peut-être l'atomie du passé et le spectacle qui avait désolé Jules Sandeau de "ces rues désertes où l'herbe croît entre les pavés". Laudier voulait moderniser et toiletter Bourges, en 1927, dans un long rapport lu au conseil municipal, on trouve ces lignes :
"L'entretien des voies pavées et macadamisées par des procédés modernes fut étudié et réalisé peu à peu ; par l'arrosage et le goudronnage, on entamait la lutte contre la poussière, la mise en oeuvre d'une balayeuse-arroseuse et d'un matériel de goudronnage permettait de répondre à cette partie du programme.... Bientôt, la ville sur un certain nombre de voies allait se voir réaliser "la toilette de nuit" en échange du paiement par les riverains d'une taxe de balayage."

Laudier avait aussi une vision assez originale pour l'époque des espaces verts. Il voulait créer des jardins partout où cela était possible. Il fait faire le jardin de la rue de Dun en 1922 et dès l'année suivante, c'est l'ouverture au public du jardin du Palais de Justice. L'inauguration se déroula le 25 juin 1923, en présence de Monsieur Marcel Aubert conservateur du Musée du Louvre, qui était un très grand archéologue et nous rapporte Philippe Goldman le meilleur spécialiste de l'art cistercien. M. Aubert remplaçait Paul Léon, le Directeur des Beaux Arts au plan National, ce dernier s'étant décommandé... ce sera une habitude chez ce distingué personnage.
Sur l'emplacement de l'ancien Grand Séminaire de Bourges, "ce jardin est ouvert au public ; quand les tilleuls auront retrouvé leurs rameaux, ils donneront une certaine fraîcheur à ce parc, joliment exposé en ce moment aux ardeurs du soleil... pour le moment l'ombre fait défaut et les plates-bandes commencent seulement à verdir. Un petit bassin orne le milieu du jardin " telle est la description du Journal du Cher au lendemain de l'évènement.
Après ce jardin du Palais de Justice, en 1924 sera ouvert celui de l'abside de la Cathédrale puis, la même année, le jardin du Palais Jacques Coeur et le square de l'avenue de la Préfecture.
Mais Laudier ne se contentera pas d'inaugurer des jardins, et après celui "de la Poste", en 1925, il s'occupera du bâtiment lui-même, l'Hôtel des Postes, dont il faut reparler, l'histoire de cet édifice va durer de 1910 à 1930. Pendant une vingtaine d'années, chacun à Bourges s'interrogera sur le sérieux de cette opération.

 

L'HÔTEL DES POSTES

Il ne fait aucun doute que parmi les bâtisses construites sous le mandat d'Henri Laudier, celle qui lui donnera le plus de mal est bien l'Hôtel des Postes. L'histoire récente de cet immeuble remonte à 1897. A cette époque, la municipalité désirait installer les Postes et les services financiers de l'Etat dans la caserne Condé, ainsi que ses services municipaux. Ceci nécessitait une entente avec le ministère de la Guerre.


Ce projet ne va pas aboutir et finalement, en 1912, une convention est signée entre l'Etat et la Ville pour construire un Hôtel des Postes rue Moyenne (en réalité rue de la Monnaie), et en février 1914 les travaux sont adjugés. La guerre survient et les travaux furent stoppés pour ne reprendre que vers 1919. Par la suite, ce seront des années de palabres, de discussions stériles, d'accords partiels... et c'est ainsi que la construction va durer 12 ans.

L'inauguration de l'Hôtel des Postes se déroulera le 30 juin 1926, pour la clôture de la VIIe Foire Exposition. Le cortège qui avait procédé à la visite de la Foire, avec la présence de M. Drouets, Directeur de la Propriété Industrielle se retrouva Salle du Duc Jean pour un banquet dans le plus pur style de la 3e République. Le Menu de ce banquet préparé par le Berrichon Vatet comprenait :

Les Gondoles à la Condé
Le Saumon de Loire à la Néva
Les Gigots d'Agneau du Berry
Le Chevreuil à la Grand Veneur
Les Poulardes roties au diamant
La Salade de coeur de laitue Charles VII
Les Petits Pois du Jardin à l'étuvée
Entremets
Parfait Agnès Sorel
Gaufres de la Maison de Jacques Coeur
Fruits
Mignardises et friandises

Les vins seront en Carafe, du Sancerre et du Chavignol, puis du Pommard et enfin le banquet se terminait par du Champagne, du café et des liqueurs. Il fallait une sacrée santé à cette époque pour honorer ces banquets.

Après les discours d'usage, le cortège va se reformer et se rendre à pied, au son des vielles et cornemuses, par la rue Mayet-Génetry vers le nouvel Hôtel des Postes. La foule est considérable et les autorités sont reçues par Monsieur Taillemitte, le Directeur départemental des PTT, le receveur des Postes étant Monsieur Sages. Le premier discours de M. Taillemitte est descriptif :

"... Bourges va se doter d'un nouveau monument qui ne déparera pas ses joyaux : la Cathédrale, Jacques Coeur, l'Hôtel Lallemand, la Maison de Cujas.
Aujourd'hui, cet Hôtel des Postes ne sera pas seulement un autre fleuron artistique, mais à un point de vue utilitaire, il remplira le but que doit atteindre un moderne Hôtel des Postes. Il procurera au public toutes les commodités que celui-ci est en droit d'exiger des services postaux, télégraphiques et téléphoniques."

Puis ce fonctionnaire décrit la salle d'attente, spacieuse et bien éclairée, avec les nombreux guichets, il insiste sur le confort pour les employés, et l'utilisation d'outillages neufs. En particulier, il évoque le service téléphonique muni d'un "multiple à batterie centrale".

A l'issue de ce premier discours, c'est Henri Laudier qui prend la parole. Il revient sur les douze dernières années de lutte, mais il remercie le gouvernement pour avoir donné à la ville un monument digne d'elle.
Aujourd'hui encore, le touriste pressé et peu documenté, en passant devant "La Poste de Bourges", est souvent persuadé de se trouver face à un monument datant de la période de Jacques Coeur, c'est à dire du XVe siècle !
Laudier avait aussi compris qu'une ville ne peut pas se développer sans un secteur industriel très fort. Aussi, il sera à l'affût de chaque possibilité de pouvoir créer une fabrique ou une usine. C'est ainsi que Bourges va se doter d'une industrie aéronautique de premier rang en France : ce sera à partir de la fin de 1927, la Bataille pour l'Aéroport.

 

LA BATAILLE POUR UN AEROPORT : cliquer ici

 

LAUDIER SENATEUR-MAIRE

Les élections sénatoriales sont prévues pour le mois d'octobre 1929, avec le renouvellement de trois sièges : ceux de Pajot, Breton et Mauger. Mais le 5 février 1929, le doyen Radical du Sénat Christophe Pajot, âgé de 85 ans, meurt. Il y aura donc des élections partielles, elles se dérouleront le 7 avril 1929.

Laudier se présente, il n'est pas seul en liste ; d'autres, comme Plaisant, Soubirant et Durand le communiste sont aussi sur les rangs. Dans sa profession de foi, Laudier dramatise la situation locale :
"Notre département a été ces temps-ci très touché et il est grand temps que des hommes énergiques se dressent pour lui faire reprendre un rang qu'il n'aurait jamais dû perdre.
Sans fausse modestie, je pense être un de ces hommes là..."

Dans cette campagne, le maire de Bourges met l'accent sur son action municipale ; en particulier, il insiste sur la Première Ecole Nationale Professionnelle pour Jeunes Filles, qui doit ouvrir en octobre. Son programme électoral comprend :
- une nouvelle législation en matière d'accidents du travail
- des lois laïques selon l'esprit de la Révolution Française
- la mise en grande section du canal de Berry
- l'extension de l'Aéroport de Bourges
Et Laudier termine ses propos par un vibrant :
"Je suis un enfant du peuple".

A l'issue du premier tour de ces sénatoriales, Plaisant arrive en tête avec 314 suffrages, loin devant Soubirant ; Laudier avec 142 voix n'a aucune chance de gagner. Au second tour, il se désiste pour Marcel Plaisant et La Dépêche du Berry écrira à ce propos :
"Plaisant est élu à une majorité considérable, le citoyen Laudier n'a pas obtenu le chiffre qu'il escomptait, il est vrai qu'il n'avait pour ainsi dire pas fait de campagne électorale".

Une défaite de plus pour Laudier, mais il pense qu'il lui faut un mandat national. Ce sera une constance pour les "Grands" maires de Bourges ; il est inconcevable, dans un pays jacobin et centralisé comme la France de bien gérer une municipalité importante sans un mandat national... et donc parisien ; c'est un triste constat !

En attendant, quelques jours après cette élection sénatoriale, Laudier se représente pour un mandat de maire. C'est en quelque sorte l'épreuve de vérité. Il va être jugé sur ses réalisations concrètes, et le vote de ses Berruyers est de la première importance. La liste du maire sortant est Socialiste S.F.I.O. ; elle est opposée à deux listes de droite emmenées par Autrand et Foucrier, alors que le Parti Communiste présente la sienne.
L'électeur a d'ailleurs de quoi se perdre dans les appelations. Laudier se présente comme "Républicain et Socialiste", avec Vatan, Lamy, Rougeron et Monard ses fidèles au conseil municipal sortant, on note la présence d'un "petit nouveau" : Charles Cochet, alors que Jean Foucrier, le patron de la Dépêche emmène une liste appelée officiellement "Union des Gauches", il y a Dumarçay, Magdalena Augustin Durand et Griffet ; c'est en fait une liste de "centre-gauche" à tendance radicale et elle s'oppose à la liste de Jean Autrand, dite "de Concorde Républicaine et Sociale". Foucrier, évoquant cet adversaire, écrira qu'il s'agit d'une liste de "l'Union des Droites". "Une mère gorette n'y retrouverait pas ses petits", pour reprendre une expression berrichonne. Le Parti Communiste est emmené par Gaston Cornavin, avec Alexandre Guillot, Pierre Hervier, Louis Buvat et Marcel Cherrier. Pour sa part, Maurice Boin se présente en candidat isolé. Trois listes de "gauche" et une "sociale", en fait, l'électeur ne retiendra que le nom du premier de liste.

Au soir du 5 mai 1929, la liste Laudier est largement en tête avec une moyenne d'environ 3500 voix contre 2700 à celle de Jean Autrand. L'Union des Gauches de Foucrier arrive loin derrière avec 1200 voix. Quant aux Communistes ils sont eux aussi les grands perdants, ils ne font que 1800 voix. Maurice Boin à lui tout seul obtient 3196 voix, une belle revanche. Il sera élu au second tour, alors que la liste Laudier est élue en entier moins 1 siège, celui d'Etienne Desmoulières. Ce sera le début d'une collaboration étroite entre Laudier et Boin. En fait, ils viennent tous les deux du même horizon : celui de l'extrème-gauche et de l'Emancipateur. Ils vont apprendre à se connaître et dans l'équipe municipale, Boin sera un des seuls à s'opposer de manière sérieuse et argumentée au maire. Laudier lui en sera gré, son entourage n'avait pas la force qu'il aurait peut-être souhaité. Pendant toute son activité municipale, les hommes de caractère qui le cotoyèrent furent peu nombreux : Jongleux et Verglas comme Secrétaires de mairie, Boin et Cochet comme conseillers municipaux. En fait, Laudier sera un homme seul.

Au nombre des suffrages obtenus, Laudier arrive à la 29e place sur 32, il a eut 500 voix de moins que ses deux adjoints, sa forte personnalité ou son autoritarisme ne plaisent pas à tous les Berruyers. Les électeurs de Foucrier se sont portés massivement sur la liste du maire sortant, ils ont fait la décision.
Laudier peut poursuivre son action de constructeur. Dans "Terre de Lutte", les résultats du Parti Communiste sont bien analysés. Le P.C. perd 50% de ses voix, et l'exclusion du Parti de Boin, ancien Rédacteur en Chef du journal communiste L'Emancipateur, le 3 janvier 1929, a eu une fâcheuse influence sur les militants assez désorientés.
A l'élection du maire, Laudier obtient 30 voix, et il y a deux bulletins blancs. Dans son discours d'installation, Laudier revient indirectement sur son faible score personnel :
"Je vous sais gré de cette nouvelle désignation qui, sauf accident imprévu, me portera à quinze années consécutives de Mairat, car à la vindicte aveugle et implacable dont m'ont poursuivi nos adversaires au cours de la campagne électorale, vous devez mesurer l'étendue de vos responsabilité.... Il est vraiment fâcheux que la passion politique puisse égarer des citoyens jusqu'à les faire s'abaisser à l'emploi de moyens aussi vils et aussi méprisables"

Vainqueur des Municipales, mais défait en avril 1929 pour aller siéger au Palais du Luxembourg, Laudier se représente aux sénatoriales normales du 20 octobre de cette même année. Au premier tour, ils sont 11 candidats, les plus crédibles sont Plaisant, Mauger, Laudier, Gestat, Perraudin et Breton ; il y a trois sièges à pourvoir. Les "Grands Electeurs" sont au nombre de 700, et des trains spéciaux ont été mis en place par la Compagnie d'Orléans afin de faciliter la venue à Bourges des électeurs en provenance de tous les villages du département du Cher.
La campagne électorale, généralement calme pour une "sénatoriale", est assez violente. Dans une réunion du 21 septembre, Breton peut difficilement s'exprimer, il est interrompu par des militants communistes venus en nombre à ce meeting du parti Républicain Socialiste. Breton est traité de "mal élu" et d'arriviste", et lorsque Gaillard du P.C. s'exprime, ses paroles sont assez conformes aux discours de l'époque :
"le pouvoir sera renversé à coups de fusils, quant aux partis politiques, sauf, bien entendu, le parti révolutionnaire, ils ne sont que pourriture parlementaire et donnent leur appui à Tardieu, l'homme crapule et voleur".

Au premier tour, seul Plaisant est élu. Pour le second tour, alors que beaucoup attendent l'élection de Gestat, c'est Laudier qui l'emporte. Il a récolté 409 voix, et arrive juste derrière le sénateur sortant Mauger. A la surprise presque générale, le candidat Henri Laudier, encore sous l'étiquette Socialiste S.F.I.O., se retrouve sénateur. Il reprend un mandat national.
Le mois d'octobre 1929 est à marquer d'une pierre blanche pour Laudier. Après un siège de sénateur, il va enfin ouvrir la Première Ecole Nationale Professionnelle en France pour Jeunes Filles.

Documents Archives Départementales du Cher 19 M 10 et 19 M 11

 

L'ECOLE NATIONALE PROFESSIONNELLE DE JEUNES FILLES

Parmi les projets qui lui tenaient à coeur, il en est un qu'Henri Laudier va mener à bien avec une fougue toute particulière : c'est la mise en oeuvre d'une Ecole Nationale Professionnelle pour Jeunes Filles.

Ce premier établissement s'ouvre pour la première fois le lundi 14 octobre 1929, avec deux semaines de retard par rapport aux prévisions. L'aménagement des locaux n'était pas terminé le premier octobre. Bien sûr, tout n'est pas en état, mais comme le rapporte la presse, "les parties indispensables au fonctionnement des cours et des services sont finies, et c'est l'essentiel".
Le personnel enseignant est là, au complet ; les cours dans cette nouvelle école ont une durée de 4 ans, et cette année, il n'y aura qu'une première et une troisième année, "les exigences des études ne permettaient pas de faire mieux". Ce n'est qu'à la rentrée de 1930 que les quatre années seront pourvues. L'école se donne pour objectif de former des jeunes filles à la vie professionnelle ; signalons parmi les premières classes, le début de la section des aides-chimistes.

Le journaliste de la Dépêche du Berry qui écrit quelques lignes sur le sujet termine par cette belle envolée :
" Le bel et vaste établissement de la rue de Dun est devenu une véritable ruche où règne le labeur fécond".

Cette fois encore, pour Laudier et son équipe municipale, ce fut un travail acharné.

Les premières esquisses de ce qui deviendra une Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles remontent à 1922. Le maire décrète alors le 15 juillet que les sections industrielles et commerciales de l'Ecole Primaire Supérieure (E.P.S.) existant à Bourges pour les jeunes filles ont déja été transformées en Ecole Pratique, c'est donc un "acheminement vers une nouvelle orientation". La question des types d'enseignement est posée, si sur le plan industriel et commercial, il n'y a aucun problème, pour l'enseignement agricole, lequel dépend du ministre de l'Agriculture, rien n'est acquis. Pour Henri Laudier :
"Nous aurions une Ecole Professionnelle de jeunes filles qui comprendrait une section d'enseignement général... En somme cela se passerait comme à Vierzon, avec un internat, la question du local sera à examiner. On songe à l'immeuble du Petit Séminaire Saint Célestin, offert par le Département à l'Etat".

Comme souvent, les aspects financiers vont perturber l'installation rapide de la première école de ce type en France. En 1925, Laudier, dans son examen de la situation municipale à la veille des élections, signale que "l'accord est absolument complet entre la Ville, le Département et l'Etat ; si il n'y avait pas eu un retard dans le vote du budget, les travaux seraient commencés...".
Le coût prévu pour les frais d'installation sont de 2 millions de francs dont 600 000 francs correspondant à la participation de la ville. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes berruyers, lorsque se produit un véritable coup de théâtre au mois d'août 1926.
Henri Laudier, l'air grave et solennel, ouvre la séance du conseil municipal le 28 août 1926 par ces mots :


" Contre tout bon sens, et à l'encontre de tous nos espoirs, le Conseil Général vient de décider le transfert de l'Asile d'incurables à Saint Célestin, nous privant ainsi de réaliser immédiatement la création de l'Ecole Nationale professionnelle de jeunes filles, décidée par la loi de finance du 13 juillet 1925".

Il poursuit par des explications précises :
"Cette décision que rien ne laissait prévoir, après cinq années de laborieux efforts en commun, retentira douloureusement au coeur des Berruyers. Et cependant nous pouvons nous rendre cette justice que nous n'avons ménagé ni notre temps, ni notre peine, ni les deniers de la Ville pour arriver à concilier des intérêts qui n'avaient rien de forcément inconciliables, puisque pendant cinq ans, le Conseil Général et le Conseil Municipal avaient parfaitement marché unis dans cette question".

Et c'est le bras de fer entre les deux institutions. Le maire reconnaît que la position du ministre des Finances vis à vis de l'Assemblée Départementale sur les modalités de remboursement dans les travaux d'appropriation n'a pas été sans influence sur la décision prise, mais en fait, par cette décision, c'est le refus de toute marche en avant. Les mots dépassent parfois la pensée, lorsque Laudier évoque les vieillards incurables qui seront logés princièrement dans un bel immeuble alors que la jeunesse studieuse se trouve sacrifiée.
C'est ensuite le rappel de ce que devait être une grande école, avec trois à quatre cents pensionnaires, venant de tout le département, et Bourges, cité "déshéritée" en a bien besoin. Sur les aspects financiers, la ville de Bourges récuse les bonnes raisons avancées par le Département en faisant valoir que la ville a accepté de donner 510 000 francs au Conseil Général, en provenance du Pari Mutuel.... qui, à l'époque servait à construire des écoles !

C'est la guerre dans le département entre les différentes instances. On parle d'une démonstration d'hostilité de la part des conseillers généraux, et le maire réfute un à un les arguments de ses opposants du Cher. Il parle du faible coût de l'entretien, de la solution pour les incurables, et enfin de la gestion très légère du département.
Devant l'émoi des milieux politiques, la population ne semblant pas avoir manifesté beaucoup d'intérêt dans cette querelle, même si la délibération du conseil municipal en la matière est portée à la connaissance du public par affichage, les démarches de Laudier vont reprendre.

A la fin de l'année 1926, l'accord intervient à nouveau avec le département. En fait, la Ville s'engageait à payer la différence entre la somme réclamée par le Département : 876 000 francs et celle remboursée par l'Etat : 636 000 francs soit 240 000 francs. De plus, la Ville abandonnait ses droits sur la caserne Vieil-Castel, dans le cas où le département déciderait d'y installer son Asile d'incurables ; et enfin, ne reculant devant rien pour "son école", Laudier acceptera d'aider financièrement le département dans le cas où il désirerait construire un nouvel Asile au Lautier. Ainsi, la crise était-elle terminée au début de 1927 et les travaux pouvaient commencer rue de Dun. Laudier avait dans cette affaire fait preuve de beaucoup de pugnacité, mais il avait accepté les conditions posées par le Département.


C'est ainsi que Bourges possèdera à la rentrée d'octobre 1929 la première Ecole Professionnelle de la rue de Dun, pour Jeunes Filles ; aujourd'hui, cet Etablissement est devenu le lycée Jacques Coeur ; il forme toujours des milliers d'étudiants dans l'enseignement général, mais aussi et surtout professionnnel.
Parmi les professeurs qui officieront dans cette école, figure Simone Weil. Cette grande philosophe, disciple d'Alain eut une vie peu ordinaire. Agrégée de philosophie, elle entre comme ouvrière chez Renault... avant de participer à la guerre d'Espagne dans les brigades internationales. Elle meurt de tuberculose pendant la guerre en 1943 après avoir rejoint de Gaulle à Londres. L'ensemble de son oeuvre ne sera publié qu'après-guerre.

Bulletin Municipal Officiel de 1922 à 1926

 

LE PLAN D'AMENAGEMENT DE BOURGES

Après la guerre de 1914, le gouvernement imposa à toutes les communes de plus de 10 000 habitants de réaliser un projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension, sans toutefois toucher aux plans relatifs à l'alignement et au nivellement. Cette loi du 14 mars 1919 sera modifiée le 19 juillet 1924, et Bourges commencera à l'établir à partir de 1925.
Sur un plan général, le maire va s'adresser ainsi à ses collègues du conseil municipal :
"Le projet devra être conçu en fonction de l'importance de la population et de sa répartition, telles qu'on peut les escompter avec plus de probabilité, grâce à l'observation de l'évolution déjà accomplie, à l'analyse de la situation actuelle et des données qu'on peut avoir sur les facteurs de l'extension future".

Il s'agit donc d'un véritable Plan Directeur, pour reprendre un vocabulaire actuel, et la ville de Bourges, pendant un demi-siècle utilisera ce document mis au point par l'administration Laudier. Ce dernier ajoutera lors de la séance de présentation :

" Le projet a encore et surtout pour but d'éviter pour l'avenir des tâtonnements, des modifications ne tenant pas compte des besoins du lendemain, des initiatives qui, sous la pression de l'opinion du moment, seraient de nature à compromettre la vitalité de la cité, qui, d'ailleurs, a déjà trop souffert de l'exécution incomplète de projets seulement ébauchés et réduits à néant par de nouveaux administrateurs".

Une vision d'un grand modernisme.
Certains, aujourd'hui font remarquer à titre d'exemple que l'opération immobilière Avaricum qui sera réalisée dans les années 1950 était dans les projets de Laudier, tout comme l'idée de l'aménagement du Parc Saint-Paul.

L'étude et la confection du projet seront confiées à Monsieur Payrer-Dortail, pour un prix de 43 350 francs. Le premier reproche des membres des commissions qui auront à l'examiner portera sur l'ampleur du projet. Le développement de la ville est vu dans le futur, d'une manière globale et très ambitieuse, ce qui est assez rare en Berry. Laudier souligne que l'on a toujours "vu trop petit", et cette fois, il regrette qu'il lui soit reproché de "voir trop grand".
La lecture du règlement est assez administrative ; on trouve un programme en deux points :
La règlementation générale d'aménagement
Les prévisions d'alimentation en eau potable et d'assainissement.
Sont traitées les zones d'habitations collectives "limitées à l'agglomération ancienne, au voisinage de la Gare et aux terrains en bordure des artères principales de circulation. Cette zone est définie par une teinte rouge au plan d'aménagement du 5 000e (pièce n° 2)", puis des renseignements plus techniques suivent, comme la hauteur des constructions, les voies privées, les saillies.
Les zones résidentielles font l'objet des articles 18 à 25, ils concernent les clauses d'alignement des propriétés bâties, la surface de la construction par rapport à la surface du terrain, ainsi que les notions de propreté et "d'aspect agréable" des bâtisses. Il est inscrit que "les panneaux-réclames sont prohibés. Ne sont autorisées que les enseignes signalant les commerces exercés dans l'immeuble".

Sur le plan industriel, "sont interdites la création ou l'extension de tous les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, classés en 1re et 2e catégories". Des zones pour l'industrie sont définies, comme le territoire entre le canal et la route de Marmagne, à l'ouest du Chemin de fer Economique ; ou celle comprise entre le canal et "la route de Figeac au Sud des usines de Mazières". Elles sont en teinte violette sur le plan d'aménagement. Dans l'article 28, les notions de protection contre les fumées, les mauvaises odeurs, ou les poussières sont évoquées, et l'emploi d'appareils est recommandé.
Dans le titre III, le plan décrit les servitudes hygiéniques, archéologiques et scientifiques de la ville de Bourges :
"L'aspect extérieur des bâtiments devra être conçu dans son style, sa forme, ses matériaux et sa couleur, de façon à ne pas rompre l'harmonie des perspectives urbaines".
Parmi les divers aspects liés au développement de Bourges, il faut souligner le "dégagement de la Cathédrale", une idée qui remontait tout de même à 1852 ..... Au fil des lignes, on voit, par exemple, la suppression du passage à niveau de Saint Privé ; il faudra attendre un demi-siècle pour que cela se réalise, devant le septicisme de plusieurs élus, Laudier répliquera : "....Dans vingt ans, ou davantage, peu importe, cette suppression ne deviendra-t-elle pas inéluctable ?"

Les problèmes de l'eau potable, puis des eaux pluviales et usées sont pris en considération dans les titres IV et V comprenant la seconde partie de ce document important.
Le projet d'aménagement sera finalement accepté par un décret du Président de la République signé à Rambouillet le 6 septembre 1932 : Bourges entrait dans l'ère moderne.

 

L'ECONOMIE BERRUYERE

L'économie de Bourges et du Cher traverse entre 1926 et 1929 une période de relative prospérité. Les difficultés ne vont commencer qu'à partir de 1930 et s'accroître vers 1932 avec la crise générale et la fermeture de nombreux marchés mondiaux. Les raisons spécifiques au Berry sont dans les produits fabriqués : la porcelaine et la petite industrie manufacturière ne peuvent plus s'exporter aisément. De plus, les structures industrielles existantes sont d'essence familiale et les investissements en hommes et en matériel sont insuffisants.
Le commerce local voit son développement dans le Centre Ville de Bourges avec de nombreuses interrogations. Les hôtels de la rue Moyenne font place progressivement à des magasins, petits ou grands ; c'est à nouveau le coeur de Bourges.

Avec ce commerce, les banques se donnent de l'air. La plus illustre du Berry, la Banque Hervet prend le statut de Société Anonyme en 1930. Son patron, Henri Hervet, entre une cérémonie à la mémoire de Mermoz disparu et un déplacement à Paris, devient un très grand gestionnaire dans le domaine financier.
Henri Hervet est le second des fils du philanthrope et banquier : Albert Hervet. Cette banque fut créée vers 1830 par Domont, lequel la transmet à Grenouillet avant que Bureau en 1859 en devienne le patron.

M. Bureau dont l'établissement commence à bien s'implanter en Berry y fait entrer son neveu Albert Hervet en 1882. A partir de cet instant, la banque devient celle d'Albert Hervet et elle prend son envol régional. A la mort de ce dernier, qui aura eu d'importantes fonctions locales, c'est le fils aîné qui devait lui succéder, c'est à dire Georges, une tradition dans le milieu des affaires. Le sort ne voudra pas de cette solution et Georges meurt en 1918 de la grippe espagnole. La banque échoit alors à Henri, le cadet ....qui ne demandait rien! Il était tout le contraire d'un banquier, comme l'écrit Jean Dutour dans une plaquette consacrée à la dynastie Hervet. Henri, c'est en premier lieu un aviateur ; héros de la Grande Guerre, il volera dans l'escadrille de Guynemer. Puis c'est un artiste, il veut devenir comédien ou, à la rigueur journaliste. Il ne sera ni l'un, ni l'autre : tradition familiale oblige, en 1919, il devient Directeur de la banque de feu son père. A sa mort en 1971, Henri Hervet aura fait de sa banque une des plus puissantes de la région.
Henri Hervet

C'est à cette époque dans le cadre de l'embellissement de Bourges qu'un Berruyer anonyme soumet au conseil municipal et à la population par la presse locale, un projet de Place Centrale. Ce type de projet fut une "constante" à Bourges sans doute depuis le Moyen-Âge. Il s'agissait, en 1929, de saisir l'opportunité de la destruction des Nouvelles Galeries pour créer une "splendide Place Centrale", qui irait du Palais Jacques Coeur à la Cathédrale. Une vue de l'esprit pour la plupart des Berruyers, un coût de plusieurs millions pour en venir à bout d'après les commissions des finances de la Ville. Laudier parlera de ce projet qui aurait dû pourtant le séduire par des mots de rejet :
" D'abord, le propriétaire de l'emplacement des Nouvelles Galeries désire reconstruire ses magasins le plus rapidement possible.... puis il faudrait acquérir un certain nombre d'immeubles, dont les vestiges de l'église Saint Aoustrillet et instance de classement.... enfin on arriverait à une place assez biscornue qui n'aurait pour issue que l'emmarchement du Théâtre....
Pour toutes ces raisons, mais surtout parce que les avantages de la place à créer sont loin d'être en proportion des dépenses à envisager, et que la Ville est engagée sur d'autres projets à intérêt primordial, nous ne croyons pas que cette suggestion puisse être retenue".

Ce jour-là, Laudier le visionnaire ne verra pas très clair, ni ses successeurs non plus jusqu'à la fin du siècle. Il rappelle qu'en 1863, un tel projet eut été possible, mais 65 ans plus tard c'est un leurre, même si la nécessité d'avoir une grande Place Centrale est un objectif à moyen terme.

 

SPORT ET MUSIQUE

Les années 1920 à Bourges, c'est le paradis du Rugby dans le domaine sportif. Ainsi, la Dépêche du Berry commence à multiplier ses colonnes consacrées aux matchs du week-end. En octobre 1928, les Berruyers reçoivent l'équipe prestigieuse de Périgueux. Les titres des quotidiens sont éloquents : "le match de l'U.S. Berry contre le C.A. Périgourdin a été une magnifique démonstration de vrai et beau Rugby" et en petit caractère, le score figure sans appel : "L'U.S. Berry a été battue par 35 points à 3". A l'issue du match, la troisième mi-temps se déroula au Café des Beaux-Arts, et le discours du Vice-Président de l'U.S.B., M. Adam, eut des paroles élogieuses avec la référence à Yves Du Manoir, le regretté aviateur-rugbyman, mort au dessus du Berry, un dimanche où il était consigné sur la base d'Avord.

Le football ne semble pas avoir la même aura dans le monde sportif local. On note des petites équipes, dont le Patronage Saint-François qui se fait battre par une autre équipe berruyère.
Le spectacle à Bourges peut être grandiose. C'est ainsi que le 2 octobre 1928, le plus grand cirque du monde ouvre ses portes au public : il s'agit du cirque Buffalo-Bill. Compte tenu de ses trois pistes et de ses quatre mâts, il doit s'installer sur l'Ancien Champ-de-Foire. Plus d'une cinquantaine d'attractions sont présentées, c'est à dire trois spectacles à la fois.et la présence "du Capitaine Buffalo-Bill, qui invite le public à visiter son village de toile composé de cinq établissements, une véritable armée cosmopolite et une organisation impeccable".

Plus modestement, le Théâtre de Bourges présente une pièce dans le cadre .... des tournées Baret. En 1929, le plus grand succès du Théâtre parisien de l'Athénée est en terre berruyère pour l'interprétation de "Ma soeur et moi", du théâtre de boulevard, interprété par Mlle Maryse de Brandt, "dont on se rappelle le succès dans Nicole et sa vertu".
Au cinéma de l'Alhambra, c'est l'oeuvre de Zola qui fait fureur. On joue Thérèse Raquin de Gina Manès, et la publicité indique que le film est joué "au Prix ordinaire des places".

 

Quelques jours plus tard, Laudier recevra une lettre de félicitation signée du Maréchal Lyautey, ce dernier insistant sur "Bourges qui servira d'exemple, en montrant la voie à suivre à celles de nos régions françaises qui tardent encore à s'intéresser au développement de notre aviation commerciale".
Ainsi, en ce milieu d'année 1928, c'est l'euphorie à Bourges ; elle sera de courte durée, un gigantesque incendie va endommager la ville, et ramener les autorités à des préoccupations plus terre-à-terre.

"De Hanriot à L'Aérospatiale" de Roland Narboux

LES NOUVELLES GALERIES FLAMBENT cliquer sur les incendies de Bourges

 

L'AVENTURE DES PRES-FICHAUX

Pour Laudier et la municipalité, l'aménagement des Prés-Fichaux est une priorité. Il s'agissait d'améliorer l'entrée dans la ville de Bourges, et d'éliminer un terrain fait de marécages nauséabonds. Jusqu'à la fin des travaux, et pendant une dizaine d'années, Laudier subira la réprobation de ses concitoyens sur " les dépenses somptuaires considérables qui ne s'accordent pas avec les ressources, si précaires de la ville, qu'elle doit laisser en souffrance des travaux urgents.... " c'est le ton d'une protestation du mois de mai 1921 signée par 21 personnes et envoyée à Laudier.

C'est un an après son élection que Laudier commence à parler de ce jardin. Le Bulletin Municipal Officiel signale le fait dans la séance du 23 octobre 1920, en considérant que le terrain dit "Marais des Prés-Fichaux" est insalubre, que "l'étendue des jardins qui sont cultivés sur ce point ne présente pas un intérêt tel que leur maintien est indispensable à l'heure actuelle", mais l'argument majeur, c'est que la nature du sous-sol ne permet aucune construction.
La lutte pour imposer ce jardin ne va pas être de tout repos. Il faut reconnaître que le Maire comptait sur la notion "d'hygiène publique", mais plusieurs enquêtes sur le sujet démontrèrent aussi que le caractère d'utilité publique n'était pas évident, et enfin que les Prés-Fichaux étaient "occupés depuis des temps immémoriaux par des jardins ouvriers parfaitement entretenus".
Il y a dès le début de l'opération, un doute énorme sur l'utilité de ces travaux. Aussi Laudier se jette-t-il dans le combat pour son jardin et le 14 mai 1921, après lecture des protestations et de l'enquête Commodo et Incommodo, le conseil municipal maintient les termes de sa délibération du 19 février 1921 et "demande que la déclaration d'utilité publique du projet soit prononcée, et charge le citoyen maire de toutes démarches utiles".

L'Avant-Projet qui a reçu un avis favorable de la Commission du Vieux-Bourges est présenté à l'ensemble des conseillers municipaux en janvier 1923. Le jardin se présente alors avec une grande pelouse, une roseraie, un théâtre de verdure et de nombreux massifs. C'est l'image du jardin tel que nous l'admirons aujourd'hui, en cette fin de XXe siècle. Il faut dire que les "Avant-Avant Projets" étaient sensiblement différents. Dans les Archives Départementales du Cher, figure un plan qui est daté du 1er avril 1920 ; il est signé Paul Margueritat, mais il comprend essentiellement un immense jardin "à l'anglaise", fait de grands arbres et de taillis. L'Avant Projet qu'Henri Laudier défend en janvier 1923 est aussi de Paul Margueritat, mais c'est un "jardin à la française". Sur le plan de l'esthétique, il y a unanimité, ou presque. C'est sur les moyens techniques et financiers que les Berruyers vont se diviser.
Paul Margueritat
caricature de Marie France Narboux

Laudier veut séparer l'opération en deux phases très distinctes. Une première pour les travaux d'infrastructure : c'est l'aménagement et l'assainissement du terrain. Pour le financement, il sera possible "d'obtenir une subvention sur le produit des jeux, que nous nous efforcerons d'obtenir la plus élevée possible". Puis le principe de laisser passer un hiver à l'issue de cette première phase est acquis, cela permettra d'obtenir le tassement du terrain aménagé. La seconde phase sera consacrée aux travaux d'infrastructure, aux plantations, au théâtre de verdure, à l'éclairage... etc et l'opération s'étendra sur les deux exercices de 1923-1924.
A l'issue de cette discussion très technique, le citoyen Griffet s'inquiète de la présence possible des moustiques, étant donnée la nature du terrain. Il ajoute : "il serait regrettable d'avoir un jardin où personne ne pourrait aller".
Au mois de novembre 1924, dans plusieurs magasins de la rue Moyenne, les premières esquisses de Paul Margueritat avaient été exposées ; elles comprenaient un plan d'ensemble, ainsi que différentes vues panoramiques. Quelques détails techniques étaient présentés, la terrasse sera supportée par quatre puits de béton descendus à quatre mètres de profondeur.
La construction de ce jardin, entre le premier projet et l'inauguration, représentera 10 années de lutte et de travail. Ainsi plusieurs ouvrages de maçonnerie, exécutés en octobre et novembre 1928, devront être refaits ; ils avaient été endommagés par le gel. Et la liste des "travaux imprévus" va s'allonger au cours des dernières années de finition. Il n'y aura pas de réunion du conseil municipal sans que le sujet du "Parc des Prés-Fichaux" ne soit abordé.

La séance du conseil municipal de Bourges du début de l'année 1930 est assez significative de cette "aventure des Prés-Fichaux". Laudier commence à demander un nouveau crédit de 200 000 francs pour le jardin plus 160 000 francs concernant la voierie pour les accès, soit un total de 360 000 francs. Il argumente sur le fait qu'il s'agit de la dernière tranche de "l'aménagement du parc public dans les marais des Prés-Fichaux". Et comme il s'attend à des réactions de la part de ses collègues, il ajoute avec une précaution toute berrichonne :
"J'ai fait préparer le décompte général de toutes les sommes, de tous les prétendus millions que nous aurions engloutis dans les Prés-Fichaux, à en croire certaines légendes". Et le premier magistrat de la cité de récapituler toutes les dépenses de 1922, avec 18 150 francs, jusqu'à l'année 1929 pour 201 169 francs .... en terminant par les 360 000 francs demandés ce jour. Le total est de 1 808 926,30 francs, et la subvention obtenue sur le produit des jeux a été de 300 000 francs. Il termine son propos par ce justificatif de son action :
" On peut nous reprocher d'avoir mis longtemps pour l'exécuter. Il est peut-être préférable de l'avoir exécuté par petits coups et échelonné sur plusieurs exercices, cela nous a permis de trouver la pilule moins amère. Nous sommes arrivés à nos fins et nous n'avons pas fait les dépenses voluptuaires excessives qu'on prétend."

Aussitôt après ces paroles, le conseiller municipal Maurice Boin s'exprime, il n'est pas d'accord avec les crédits demandés par son maire, mais il les votera tout de même, car "tout travail commencé doit être terminé." Et puis, il développe une argumentation sur les choix en matière de dépense. Ainsi, par rapport aux prêts de 2 millions du coût des Prés-Fichaux, il signale que "les toits des écoles sont transformés en écumoir, que les bouches d'égoûts sont dans un état lamentable, et la réfection totale ne coûterait que 100 000 francs". Boin poursuit avec les primes de natalité qui ne dépassent pas 3000 francs par an ; il souhaite que l'on achève rapidement le jardin en cause et que "nos efforts s'orientent vers des tâches plus utiles".
Laudier répondra de manière précise à l'argumentation, demandant à Boin de formuler des critiques de manière plus positive. Il se défend en évoquant qu'avec la construction du jardin " nous avons fait travailler de nombreux sans travail, des chômeurs : tous ces vieux que nous avons occupés, il aurait fallu leur donner des indemnités de chômage... Nous avons fait oeuvre sociale et oeuvre utile".
Et les 360 000 francs demandés par Laudier sont votés, les Prés-Fichaux vont pouvoir se terminer, et le Maire espère que ses concitoyens apprécieront l'oeuvre ainsi réalisée.

Bulletin Municipal Officiel 1922 (sur séance de 1920)
Bulletin Municipal Officiel BY P11 1930
Les Sculptures de Bourges Roland Narboux

 

LAUDIER ET LES MANDATS ELECTORAUX

Sur le plan politique, après la défaite électorale aux Législatives de 1924, Laudier se représente à celles de 1928, qui se déroulent les 22 et 29 avril. Le scrutin est à deux tours, par circonscription, et le maire de Bourges se présente dans la première circonscription de Bourges. Il est opposé au Républicain Autrand, au Communiste Maurice Boin, au Radical Mauger et enfin à un candidat marginal, Jacquet.
Dans sa propagande électorale, Laudier revient sur la défaite et le scrutin proportionnel de 1924, il écrit : " Pour la 5e fois désigné comme candidat par la confiance d'un parti auquel je suis demeuré fidèle en dépit de tout, je viens à nouveau solliciter vos suffrages".

La profession de foi du candidat socialiste est des plus pragmatique ; il se livre à un catalogue de ses réalisations depuis qu'il est maire de Bourges :

"Vous savez qui je suis, Républicain, socialiste, libre-penseur, respectueux de toutes les opinions et de toutes les croyances.
J'ai bataillé de toutes mes forces pour l'industrialisation de nos Etablissements Militaires, et le maintien de l'Ecole d'Aviation d'Avord, un moment menacée. J'ai amené la création de la première Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles de France, qui va aboutir après 7 années d'efforts. J'ai créé la Foire de Bourges, de même l'Aéroport, qui sera demain une chose réalisée et qui peut être gros de conséquences heureuses pour toute notre région".

Sa campagne électorale est active, il doit se démarquer des communistes, tout en restant dans une ligne très à gauche. Son degré d'action et de liberté n'est pas très simple à gérer. Pour lui, "il faut faire payer la fortune acquise, soulager le commerce et la production, mettre un terme à cette inquisition fiscale féroce qui irrite, à juste titre, tous les assujettis".

Son discours peut être moins précis et plus conventionnel, c'est par exemple le vocabulaire et le ton de ses affiches dans lesquelles il écrit :
" Fort de mon passé sans tache et de mes ardentes convictions socialistes, mais vous ayant donné la preuve que je sais réaliser... Vive la République Sociale".
Comme Député, car il s'agit tout de même d'une élection législative, Laudier rappelle son travail au Palais Bourbon. Il signale qu'il fut membre de la commission du commerce et de l'industrie, ainsi que de celle des armées. Dans ce cadre, il a participé au projet de loi sur l'imposition des officiers à la contribution mobilière. C'est lui qui a obtenu l'ouverture d'un crédit pour le Cher suite aux inondations de 1923.... D'une manière plus anecdotique, il a fait des observations concernant la restitution à la Cathédrale de Bourges de ses vitraux. Et puis il revient sur son action municipale et insiste sur l'Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles, car il est persuadé que les électeurs voient en lui un bon administrateur de la cité qui a besoin d'avoir des relations avec le pouvoir central, et en conséquence un mandat national.
La campagne électorale est difficile ; au cours d'une réunion publique et contradictoire qui réunit 5000 personnes, les journalistes écrivent que Boin et Autrand ont la faveur du public. De leur côté, les services de la Préfecture signalent que "Laudier a tenu à la tribune, malgré les protestations nombreuses de ses adversaires personnels qu'il s'est créé à la mairie, et malgré les clameurs communistes".

Dans les Archives Départementales, se trouve une note marquée "SECRET", en date du 16 mai 1928. Elle émane du Président du Conseil, et est destinée au Préfet du Cher. Il est dit, en particulier : "que certains fonctionnaires ont développé une campagne plus ou moins violente contre les pouvoirs publics et ont exercé des vexations envers les contribuables dans un intérêt politique.
Vous voudrez bien m'adresser de toute urgence, un rapport sur les faits de cette nature dans votre département".

La réponse du Préfet du Cher sera tout aussi secrète : elle dénonce "deux instituteurs qui avaient soutenu le candidat communiste" et d'ajouter : "une enquête est ouverte". Ainsi, il était périlleux en 1928 d'être instituteur et communiste.....

 

Retrouvez quelques articles de l'Encyclopédie :
Ils sont nés à Bourges,
François Mitterrand à Bourges
Chiffres essentiels
Les Templiers
Les élections à Bourges au XXe siècle
Les Très Riches Heures du duc de Berry
les villes jumelles
Radios locales
Les francs-maçons
Kiosque et musique
Agnès Sorel
L'horloge astronomique
Les tramways de Bourges
L'Yèvre à Bourges
L'alchimie
La Bouinotte, magazine du Berry
L'usine Michelin
La maison de la Reine Blanche
Serge Lepeltier
L'industrie à Bourges au XXIe s
Monuments Historiques Classés
 

Et puis une nouveauté : L'information et l'actualité à savoir sur Bourges, en quelque clip et quelques lignes :

http://www.bourges-info.com/

 

Vous souhaitez enrichir le site de l'Encyclopedie de Bourges ?

 

Cliquer ici