Les frères de
Limbourg ne sont sans doute pas très connus, pourtant,
ils ont réalisé un des plus beaux livres jamais
réalisé : Les Très Riches Heures du duc
de Berry. Un livre d'enluminure, sans doute le plus bel ouvrage
du Moyen Age.
Jean de Berry choisit pour enluminer ses ouvrages les artistes
et enlumineurs les plus célèbres. C'est le cas
d'André Beauneuveu, Jacquemart de Hesdin, Paul de Limbourg
et ses frères.
Paul de Limbourg n'est
pas un flamand, il était originaire de Nimègue,
au duché de Gueldre, un lieu situé entre la Meuse
et le Rhin. Dans les textes, il semble que Paul de Limbourg soit
davantage qualifié "d'allemand" ou "natif
du pays d'Allemagne".
Le père se nomme Arnold de Limbourg, il était dans
le milieu artistique, sculpteur sur bois. La mère se nommait
Mechteld, elle était la sur d'un grand artiste,
Jean Malouet, qui fit pour Isabeau de Bavière des modèles
de tissus héraldique et devint ensuite peintre du duc
de Bavière.
Le couple a eu 6 enfants, le plus connu étant Paul, ainsi
que Herman et Jean qui furent pour Bourges les trois frères
qui réalisèrent les Très Riches Heures du
duc de Berry. On note aussi Roger, qui fut chanoine de la Sainte
Chapelle de Bourges en 1416.
Les deux autres enfants connus sont Arnold que l'on retrouve
chez un orfèvre de Nimègue et une fille, Marguerite
qui resta à Nimègue.
C'est donc un milieu de sculpteurs et de
peintres.
Ils travaillèrent pour le compte du duc de Bourgogne Philippe
le Hardi avant de se porter au service du duc Jean de Berry,
sans doute en 1408.
Paul de Limbourg devait être très
proche du duc de Berry puisque ce dernier fit enlever à
Bourges une gamine de 8 ans, afin de la marier, contre le gré
de sa mère "à un paintre alemant qui
besognoit pour lui en son hostel de Vincestre lés Paris".
Donc Paul de Limbourg travaillait pour
le duc de Berry et son château de Bicêtre dès
1408.
On est semble-t-il plus certain que les
trois frères de Limbourg se mettent totalement au service
du duc de Berry en 1410. Ils succèdent alors à
Jacquemart de Hesdin à la mort de celui-ci vers 1409.
En effet, le 1 er janvier 1411, le duc de Berry reçoit
un cadeau original des trois frères de Limbourg. Il s'agit
d'un faux livre en bois, "un livre contrefait d'une
pièce de bois en semblance d'un livre, où il n'a
nuls feuillets ne rien d'escrit". Ce cadeau facétieux
était une parfaite uvre d'art
.. très
moderne.
Par la suite, on trouve de nombreuses traces
des rapports très forts entre le duc et les trois frères.
C'est un diamant en losange monté sur un anneau d'or qui
est donné par le duc à "Paulo de Limbourc"
Plus tard, sans doute au début de la réalisation
de l'ouvrage des Très Riches Heures, le duc offre cette
fois aux trois frères, des pièces de monnaie d'or.
On trouve aussi de nombreuses traces de sommes importantes qui
sont données en écus d'or.
Les trois frères, ces cadeaux réciproques le démontre,
sont dans l'intimité du duc de Berry. Ils ont d'ailleurs
le titre envié à l'époque de "valet
de chambre". Cette estime allant d'abord à Paul qui
était vraiment le chef de la famille de Limbourg.
On connaît peu d'uvres de ces
trois frères qui furent célèbres à
leur époque. On parle d'eux comme de grands artistes,
"les trois frères enlumineurs" sont à
Bourges mais Paris en est jaloux.
On leur doit les "Belles Heures"
et les "Très Riches Heures", quant au reste,
la "très belle et très belle bible" enluminée
en 1402 pour le duc de Bourgogne a disparu. Quand aux peintures
du château de Bicêtre, elles ont disparu dans l'incendie
de 1411.
On retrouve certains enluminures dans les "Très belles
Heures de Notre-Dame", trois, et des images éparses
dans quelques documents.
Enfin deux ouvrages sortis des ateliers des frères de
Limbourg à Londres et au musée Condé.
Les
réalisations des frères de Limbourg sont parmi
les chefs d'uvres artistiques.
Il semble que la mort de ces trois enlumineurs
soit des plus mystérieuse, car ils meurent avant le vieux
duc, donc avant le 15 juin 1416.
On retrouve deux documents intéressants, aux Archives
de Nimègue sur la succession de la famille. Il est indiqué
le 9 mars 1416 la mort de Jean ou Jannequin, ce qui signifie
une mort effective à Bourges à la fin du mois de
février. Pour les deux autres, Paul et Herman, la succession
se déroule en septembre 1416 à Nimègue.
Le duc Jean était tombé malade
au mois de mai 1416 à Paris, et c'est le roi qui mit à
sa disposition ses propres médecins personnels. Mais la
rémission fut d'un petit mois et le vieux duc mourut le
lundi 15 juin 1416. Les obsèques aussi bien à Paris
qu'à Bourges furent grandioses, et il fut mis au tombeau
dans la crypte de la sainte Chapelle après la célébration
de 89 messes !
Pour de nombreux chercheurs, les trois
frères sont morts sensiblement à la même
période. Au début de l'année 1416, juste
avant celle du duc de Berry, alors que des recoupements prouvent
qu'ils avaient une trentaine d'années. L'aîné
pouvant être Herman et non pas Paul comme on semble le
considérer aujourd'hui.
Que s'est-il passé en 1416 ? Que
signifie cette mort des trois artistes ?
La première théorie qui vient à l'esprit,
c'est la maladie, c'est à dire une épidémie,
comme on en trouve dans notre Histoire. La Ville de Bourges a
subit la peste, le feu de saint Antoine, et bine d'autres maladies.
Alors pourquoi ne pas penser à une épidémie
dans laquelle les trois artistes auraient péris.
Autre théorie, même s'il n'y
a aucun document qui l'évoque, ce serait la jalousie dans
un milieu très dur, et à quelques semaines de la
mort du vieux duc âgé de 76 ans.
Les crimes en tout genre ont ponctué la vie du duc de
Berry et de son entourage, la mort de ces artistes resterait
un simple fait divers.
Cette mort est donc en soi un mystère
qui n'a pas fait l'objet de recherches particulières,
et c'est dommage.
Par contre, pour les Très Riches
Heures du duc de Berry, c'est l'arrêt en 1416 avec la mort
du duc et des frères de Limbourg.
Il faudra attendre 70 ans pour que Jean Colombe enlumineur à
Bourges termine ce travail dans les années 1485
C'est le document que nous connaissons aujourd'hui et qui se
trouve dans le musé Condé à Chantilly.
Pourtant le mystère de ce livre
se poursuit sur un autre volet.
Les dernières théories sur
le ou les auteurs de Très Riches Heures du duc de Berry
sont de plus en plus mystérieuses.
On se demande si le duc Jean ne serait pas tout simplement le
destinataire de l'ouvrage et non pas celui qui les a commandé.
On trouve à l'intérieur ses armoiries, ses châteaux
et son image dès la première page au milieu de
ses fidèles.
Et la théorie développée par le Dr Herman
Th Colenbrander est intéressante.
Il faut rappeler que depuis 1975, des spécialistes
ont mis en doute la paternité des frères de Limbourg
sur cette uvre. En particulier sur certaines scènes
qui seraient l'ouvre d'un peintre qui a travaillé après
1416, et qui a été baptisé le "peintre
intermédiaire" puisque l'on ne connaît pas
son identité.
Seule une partie de l'oeuvre serait des
frères de Limbourg, et sans doute seulement les mois de
janvier, avril, mai et août.
Les autres mois, février, mars, juin, juillet, septembre,
octobre et décembre par le peintre anonyme et enfin, le
mois de novembre par Jean Colombe.
Colenbrander écrit tout simplement
:
" j'ai proposé une solution
plus radicale, qui consiste à ne plus reconnaître
dans les miniatures l'uvre des frères de Limbourg,
et à mettre en rapport les heures inachevées des
frères rangées dans une layette, telles qu'elles
sont mentionnées dans l'inventaire après le décès
du duc, avec le livre de bois offert au duc par les Limbourg
le 1 er janvier 1411".
On arrive à la fin de l'article
avec encore des questions. Si il semble bien que l'atelier des
frères de Limbourg ait commencé l'ouvrage et leur
style est sans aucun doute le plus beau et le plus fin, certaines
planches ont été complétées ou totalement
réalisées par le "peintre intermédiaire"
avant que l'ouvrage ne soit terminé par Jean Colombe au
style plus connu.
Et si les frères de Limbourg avaient
été assassinés à la demande du "peintre
intermédiaire" ? c'est une vrai question puisque
jusqu'à ces dernières années, nul ne connaissait
l'existence de cet artiste et qu'aujourd'hui tout ceci reste
bien mystérieux.
Du rififi chez des enlumineurs de Bourges vers 1416, tel serait
le titre d'un film
..